Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : faim (8)(...) On sait que ses divinations sont relativement efficaces, qu'il vit avec sa fille, qu'il s'agit d'un homme et qu'il vit dans la hutte en dehors du village. Tout le reste réellement n'est que rumeur. - J'ai vu lafaim, j'ai vu la maladie, j'ai vu la mort et la vie. - D'accord, mais, et ma poule Jima ? Tu l'as vue ? (...)
Maintenant, je suis sale au delà de toute description, bien que trois jours de voyage ne m'aient pas arrangé. Lafaimet la soif tordent mon corps comme dans un étau. Je repense aux autres, à Boeuf surtout. Parfois je souris lorsque je repense aux gardes. (...)
Malgré la nervosité, je m'y endors comme un enfant. Je rêve de froid, de vent hurleur, de douleur et de choses réelles. A mon réveil, lafaimest là, en embuscade. Une odeur de nourriture aussi, et Aewyll. Elle se tient debout, respectueuse, avec le même regard un peu effrayé que Brume jetait sur moi dans le chariot. (...)
Imagine, Soleil Bleu, Imagine des univers entiers qui se moquent de toi, qui se rient de toi, qui t'humilient, qui t'ôtent cette grâce, cette gloire qui fait de toi ce que tu étais. C'était comme te retirer le pain de la bouche et te condamner à mourir defaimdans le plus cruel des déserts, tout cela, pour une petite guerre mesquine, pour une victoire minable arraché des mains d'un adversaire déjà mourant ! (...)
Mais le monde est incapable de rompre le souvenir de notre séparation, au contraire, alors que les kilomètres s'ajoute les uns aux autres, la nuit, sinistre comme une auge à cochons après la visite d'une bande de loups affamé ne fait que rendre les souvenirs d'Aewyll plus vivaces. Lafaimet le froid ont beau me saisir, cet instant d'étrange intimité me pousse en avant comme le rêve fiévreux d'un dément amoureux. (...)
Je puise dans le pouvoir parcimonieusement pour éviter que mon anima ne se manifeste, pour résister à lafaimet au froid. Parfois, au matin, une bruine se lève, quelques petites gouttes d'eau minable qui me rafraîchissent à peine. Je suce des cailloux pour rompre la soif, mange des fourmis et des racines pour briser lafaim. Nous étions aux frontières de la nation des vents, il me faut bien quatre jours pour retrouver le village inféodé au maître des vents le plus proche, tant et si bien que lorsque j'y arrive, je ne suis plus qu'un mendiant couvert de poussière, la barbe naissante rendue chiche par le manque de nourriture. (...)
Dans les murs, j'entends le chaos que cause mon arrivée au sein du Trône d'Orage : des gens courent, hurlent de peur ou des ordres, et tout ce bruit transpire et résonne de façon sourde et étouffée dans les couloirs, comme le prélude à un cataclysme. Finalement, c'est mon flair de paysan, de crève-la-faimendurci qui me remet dans le bon chemin lorsque des odeurs de nourriture viennent caresser mes narines : je les suis comme un loup affamé et j'aboutis dans une salle à manger, jouxtant une cuisine, au milieu de laquelle, se tient sur une bonne vieille table en bois, trône d'un poulet rôti encore chaud, entouré de légumes et de petites patates fumantes, siégeant comme d'éphémères joyaux comestibles abandonnés à ma rapacité. (...)