Ciel et Terre
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Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : vent (96)Ciel et Terre Le maître duvent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. (...)
Cette terre, vaste, s'étendant à l'infini, presque aussi vide que la paume de ma main, sans presque aucun relief pour nous abriter duvent, craquelée de ces longues et profondes failles où sommeillent des choses inhumaines qui remontent à la surface les nuits de pleine lune et les jours de tempête. (...)
C'est un déchirement que de voir ainsi parfois des familles s'éteindre, mais les âmes se déchirent silencieusement et crânement car désobéir au maître duventcoûte très cher. Alors des arrangements sont pris, des serments prononcés entre nous, et nous supportons notre maître car il est le moins pire des maux qui errent à l'orée de nos existences. (...)
Je revois les visages d'Aube Grise et Brin d'Herbe, les chassent de mon esprit et fixe la piste qui file devant nous à travers la plaine balayée par levent. Parfois, au loin, on aperçoit des bois d'arbustes et de jeunes buissons. Nous restons silencieux un long moment. (...)
Quand nous apercevons un arbrisseau couvert de feuilles blanches et de fleurs aux pétales transparents comme du verre, c'est le signe qu'une faille n'est pas éloignée et nous nous en éloignons presque instinctivement, sans un mot. Le pays duventn'est jamais tout à fait paisible à cause duventqui ne s'arrête jamais, qui fait onduler et bruisser les herbes. Parfois, ce n'est qu'une faible brise, mais la plupart du temps, il hurle dans les plaines, presque sans fin, tant et si bien que certains étrangers qui s'aventurent ici deviennent parfois fous lorsqu'ils restent trop longtemps dans les environs. (...)
Aujourd'hui, c'est une journée calme et paisible. Je tente d'en profiter. La brume finit par disparaître, balayée par levent, et le soleil tape durement à travers un ciel clair et sans nuages. Des insectes nous tournent autours, et bourdonnent bruyamment. (...)
Boeuf picole tranquillement à sa gourde, Pigeon Fou est le seul qui rompt le silence, racontant des histoires au fils de Flocon Amer, à OEil Vert et Chien Enragé. Je garde l'oeil sur le chariot, un instant, par-dessus le bruit duventet le bavardage sans fin de Pigeon, j'entends quelque chose de vaguement mélodieux venant de l'intérieur du chariot. (...)
Un public : juste ce dont Pigeon Fou à besoin pour être encourager. Il sourit. - Ouais, un élu de Mela, le Divin Dragon immaculé des airs et duvent, il a été élu pour régner sur le monde, protéger les mortels contre les Anathèmes et le Beau Peuple tandis que les dieux vivent dans leurs demeures Célestes. (...)
Nous sommes resté un long moment là, moi à fixé le buisson blanc, lui, à regarder les traces par terre... puis il m'est venu une idée soudaine. - Les traces ? Demandais-je. - Pas un homme, dit-il. Levents'est levé, il soufflait dans notre direction. J'ai entendu un gémissement et tendu l'oreille : c'était à peine audible, mais j'ai reconnu la voix de Chien Enragé. (...)
La demeure du Seigneur des Hauts Vents est construite d'une façon qui m'échappe, comme si elle n'avait pas été construite en fonction de l'environnement mais, à l'inverse, comme si son architecture façonnait le monde autour d'elle. Leventgronde en permanence, fait tournoyer de façon cyclopéenne d'obscurs nuages gris autour du donjon principal, tandis que les rayons du soleil se déversent en cascade sur la toiture éclatante de la demeure du Seigneur des Hauts Vents. Nos capes claquent sous levent, nos chevaux nerveux, hennissent, sentant la tempête tenue en laisse par le pouvoir de cette demeure que l'on sent plus vieille que la nation duventellemême. Les arbres bruissent lorsqu'un souffle deventvient les caresser, telle la main invisible d'un géant. Cet endroit n'a rien de naturel. Du coin de l'oeil, j'aperçois Brume qui sort sa tête du chariot. (...)
Ma blessure n'est pas grave, mais à long terme, je n'ai aucune chance. Je me redresse, regarde le ciel bleu et infini, laisse leventcourir sur mon visage. Quelque chose s'agite en moi. L'un des gardes s'approche, puis un autre. (...)
La Princesse Bleue se tient devant moi, des éclairs crépitent le long de son épée de jade bleue dégainée. Une lumière bleutée émane d'elle, ainsi qu'un souffle deventtel que je dois faire un effort pour rester debout, balayant les derniers morceaux de bois, décrochant ma cape et l'envoyant disparaître dans le bois derrière moi. (...)
- Je suis désolée, dit-elle. Ce sera rapide. Des larmes se décrochent de son regard dur et s'envole dans levent. Je souri faiblement. Etrangement je suis calme. - Merci, dis-je. Elle lève son épée, et l'éclair frappe. (...)
La douleur plante ses baisers sur mon front comme autant de fleurs dont l'éclosion serait sans fin. Le ciel est gris clair, leventfait bruisser les herbes de la plaine autour de moi. Lentement, la douleur s'étiole, se dissipe, et elle est tant liée à mon existence qu'un moment je crois mourir. Mais je n'entends pas le souffle duventdu monde des morts, ni les voix de Boeuf, Pigeon et Rude. C'est seulement mon vieux corps obstiné qui s'est habitué. (...)
Je marche au milieu de flaque d'eau immense dans la plaine, rapidement, le ciel se dégage, balayé par levent, laisse place au soleil implacable, et avant midi ma gorge est à nouveau aussi sèche que la steppe. (...)
Je rampe entre les buttes silencieuses tandis que le soleil couchant baigne la steppe de sang et d'obscurité, et je me tapis dans un renfoncement tout proche, retient mon souffle, écoute et attend. Le grondement revient par ici, couvrant le faible bruit duvent. Je ne les vois pas. Je n'ose même pas lever la tête. Je repense aux récits sur les sens aiguisés des Exaltés, capable de voir la lueur dans l'oeil d'un oiseau volant au loin dans le ciel. (...)
Ce sont deux joyaux bleus de tristesses, contenu dans un bloc de froide détermination. Je soutiens son regard. Puis sa cape claque auventlorsqu'elle se retourne et s'en va, calmement, comme unventde printemps qui tourne, sans dire un mot, sans un avertissement. Rien ne traverse mon esprit. Je suis prêt à tout. (...)
Elle possède un drôle de parfum et je ne me résous à la boire que tard car je crains qu'elle ne soit empoisonnée, sans fondement. C----- Vers la fin du troisième jour, leventsouffle plus fort, Il gronde sur la plaine comme un titanesque fauve sur sa proie. Je vois des nuages de poussière qui tourbillonnent, qui cachent les cieux et plongent la plaine dans les ténèbres, ils sont aspirés par des fleuves d'air invisibles qui filent dans ma direction, passent par-dessus ma tête en hurlant et qui me jettent au sol lorsque leurs souffles m'effleurent. (...)
Au loin, mon esprit vide aperçoit un gigantesque nuage de poussière se soulever au point de rencontre de ces étranges tornades. Unventbrutal balaie ensuite la plaine, me fouette le visage. J'aperçois des boules de buissons séchés qui roulent dans ma direction et me dépassent en sens inverses. (...)
Mon épaule n'est plus qu'une douleur sourde, mais mon flanc me donne l'impression de se déchirer après chaque mouvement de ma hanche. Mes mains semblent brûler perpétuellement lorsque leventvient lécher mes blessures. Plus d'une fois, la tête me tourne et je menace de tomber. Plus d'une fois, je me redresse douloureusement. (...)
Les champs ne sont plus que des taches de terre au milieu des mauvaises herbes qui les entouraient. Mon esprit est vide, sa substance emportée par levent. Assis par terre, j'attends sans trop savoir quoi, ahuri. La nuit. La nuit froide, et levent, toujours levent, qui emporte les morts et les vivants. Lentement, la nuit plonge mon corps dans l'obscurité en même temps que la plaine. Mon esprit ne tarde pas à suivre. (...)
Des pactes ont déjà été conclus et les oracles ont été clairs, vous sauverez notre tribu du Dieu duvent. Les Shamans et les sorciers sont tous les mêmes. Une fois qu'ils commencent à parler de destinée, d'esprit et de pacte, il n'y a plus rien à rajouter. (...)
Je marche un peu, mais la tête me tourne rapidement. Jaï me garde à l'oeil. D'autres hommes m'observent, l'air méprisant, je les ignore. Je sens leventsur mon visage, nous sommes toujours dans la nation duvent. Le Seigneur des Hauts Vents doit savoir qu'ils circulent sur ces pâturages. Impossible qu'un tel clan passe inaperçu. (...)
La tribu se déplace lentement, laissant ses troupeaux paître dans les pâturages, mais se dirige lentement et sûrement vers la frontière de la nation duvent. Parfois ils s'arrêtent pour faire un peu de commerce avec les autres villages, échangeant des légumes contre une ou deux bêtes en me tenant à l'écart et en me cachant de tout ceux qui pourrait me dénoncer au Seigneur des Hauts Vents. (...)
L'auraient-ils su, ils n'auraient pas mit tout leur espoir en un étranger. J'entends l'étrange voix du Héraut, elle couvre le souffle duvent, les hommes et les bêtes se tiennent dans un silence craintif lorsqu'il élève la voix. - Noble peuple Aïnouk ! (...)
Je romps des échines, fait couler le sang, défonce des crânes, démembre des corps, arrête des coups d'épée à main nue. Mes gestes sont rapides, puissants, spontanés, mais plus anciens que la nation duventelle-même. J'ai presque aussi peur qu'eux. Quand j'en ai fini, une dizaine d'entre eux gisent autours de moi, et les autres s'enfuient en hurlant. (...)
Je crie de douleur, jure comme un charretier, maudit les dieux, mais rien n'y fait. Je suis seul. Je suis hors de la nation duvent. Je m'assieds et songe à Jaï et à Mahe. Au vieux Shaman, décidément, le destin a été cruel avec le shaman : Sa tribu est sauve, mais il est mort et j'ignore si Mahe et Jaï vivront. (...)
J'ai peur de n'avoir plus d'âme, que le bout du monde ne se trouve maintenant en moi-même. La nuit tombe. Une nuit noire, sans lune, presque sans bruit, hormis leventet quelques bêtes. Je me surprends à ne déjà plus les craindre. Je marche un long moment, sent l'air qui se refroidit peu à peu autour de moi. (...)
Un témoignage de la folie qui existe au-delà du monde des hommes. Je longe la neige qui longe elle-même la faille, veille à ne pas y mettre un pied. Parfois, leventsouffle à travers la faille, et sans un bruit, de la neige en est projetée et retombe doucement. (...)
Les voyageurs disparaissent souvent près des failles, et parfois on les retrouve. C'est dans ces lieux que le plus souvent, ils perdent la raison à cause duvent. J'évalue qu'il me faut encore une cinquantaine d'autres pas avant d'arriver jusqu'à la glace recouvrant la faille, une trentaine sur la glace ellemême et une cinquantaine sur la zone enneigée de l'autre coté de la faille. (...)
Je donne un coup prudent, le bruit de l'impact est sourd, c'est bon signe. Tout est calme. Même les oiseaux sont silencieux. Je n'entends que le bruit duvent, inquiétant. Je pose le second pied en retenant mon souffle, rien ne cède. Je respire. J'avance prudemment, calmement, sans précipitation. (...)
Le monde se charge de me calmer en m'envoyant une tonne de neige sur le coin de la figure, m'enterrant à nouveau vivant. Je ressors, gelé, je reprends mon souffle. Je remarque le bruit duvent, pareil à une centaine de hurlements simultanés. Je lève la tête, mais n'aperçoit que la pénombre bleutée de la voûte de glace au-dessus de moi, scintillante de lumière d'or dans une pénombre bleutée : beauté, pouvoir et terreur. (...)
Je le fais parfois jaillir sur mon front à travers le symbole du soleil pour m'éclairer, les parois réfléchissantes comme des miroirs amplifient la lumière et font reculer la pénombre bleutée. Le bruit du sinistre duventest intermittent, lorsqu'il s'apaise, l'endroit baigne dans un silence seulement rompus par ma respiration et le bruit de mes pas dans la neige. (...)
Ma chambre est une pièce de glace bleue, et mon lit un bain de neige moelleuse et tendre comme du duvet d'oie et tiède comme le sein d'une femme. Malgré la nervosité, je m'y endors comme un enfant. Je rêve de froid, deventhurleur, de douleur et de choses réelles. A mon réveil, la faim est là, en embuscade. Une odeur de nourriture aussi, et Aewyll. (...)
Je l'ignore, mais Lewellyn est présent, je sens sa présence dans cette pièce comme je peux sentir leventfroid et libre dans la plaine. Omniprésente mais inaccessible, puissante mais invisible. Je me redresse sur le lit de neige tiède. (...)
» Des ombres formées par la lumière du soleil bleu prennent forme, la plupart multicolores et parfaites, dissolvant de leurs couleurs des nuées d'ombres simples de mortels dans un massacre de lumière. Unventjaillit du néant se lève, et son souffle, passant a travers les murs et les dentelles de glace se transforme en hurlement, en cris de douleurs. (...)
» Soudain, une ombre gracieuse blanche apparaît au milieu des ombres, parfaitement reconnaissable, celle de Lewellyn, saisissant une tache d'obscurité. Le tumulte guerrier duvents'éteint, et laisse place à des milliers de murmures sans fin. « Je l'ai appris des histoires, des rumeurs, portées par les rares prisonniers que nous faisions, mais quelles histoires ! (...)
Ma voix me fait l'impression d'être aussi gracieuse que le croassement d'un corbeau. La voix de Lewellyn se fait cassante, douloureuse. Leventdevient un hurlement de douleur sans fin, haché, pour se transformer en rire tandis que les ombres multicolores consument les ténèbres et deviennent des titans de lumières autours de la minuscule ombre blanche de Lewellyn. (...)
Moi, ironiquement, je survécus uniquement parce que j'étais exilé, ici, loin du courroux de l'impératrice écarlate, et crois-moi, le maître duventn'est qu'un médiocre reflet de la puissance de l'impératrice. » Le soleil bleu disparut. Retour des ténèbres. (...)
La porte se ferme, me laissant dans les ténèbres, seuls avec ma peur. Le domaine de Lewellyn chante. Parfois, leventse lève et fait tinter la glace comme le carillon lointain d'un million de clochettes d'argent. (...)
Il m'a fallut un moment pour le comprendre et je crains maintenant que Lewellyn ne me retombe dessus à tout instant. Je m'adosse à un endroit où le chant duventse fait fort mais où rien d'autre ne se produit. Je ferme les yeux et essaie de me remémorer l'étrange géographie des lieux. (...)
A ce moment, je sens les poils de mon corps se hérisser, une odeur familière ainsi qu'un souffle deventqui ne me sont pas inconnus viennent effleurer ma conscience. Je m'approche plus près encore du bloc de verre, et au milieu de la lumière éblouissante, j'aperçois une silhouette féminine à la crinière bleue, en armure d'acier, brandissant une épée de jade chargée d'un éclair figés pour l'éternité dans la glace telle une statue. (...)
Les fauves les plus proches explosent sous le choc, les suivants grillent littéralement, et les autres sont éparpillés en arrières comme autant de feuilles mortes balayées par levent. La Princesse Bleue se porte à mes cotés, les runes de jades bleus ont blanchies, contenant le pouvoir de l'éclair qu'elles semblent contenir. (...)
Un unique bruit de pas raisonne juste au dessus de ma tête, tout prêt de moi, je me retourne, et elle se pose devant moi, gracieuse comme une feuille morte déposée par levent. Elle se penche vers moi, me sourit. Un rire amusé s'échappe de ma gorge au moment où ces mots traversent ma pensée : « Ne t'en fais pas pour moi. (...)
Ses paroles sont des diamants qu'elle me fait avaler avec la douceur d'un été de tendresse, je les goutte, mais suis incapable de leurs donner un sens. Le sommet n'est plus loin maintenant. Je sens leventet l'odeur de l'herbe. La Princesse Bleue revient vers nous, se laisse retomber lentement avec un bruit métallique sur le balcon naturel formé par quelques rochers au dessus de nous. (...)
Je croise son regard, j'y lis de l'amusement. Elle sourit, prend de l'élan, son aura, son anima se déploie dans un souffle devent, et elle s'envole une bonne vingtaine de mètre plus haut, presque à la sortie de la faille, atterrissant sur un rocher avec la grâce d'une plume. (...)
J'en sais assez pour savoir que nous appartenons au monde et pas l'inverse. Sa réplique me réduit au silence, puis l'instant d'après, levent, le vraivent, pas ce gigantesque courant d'air glacé qui balaie la faille me caresse à nouveau le visage. La neige longe toujours la faille, mais au-delà, il y a l'herbe jaunie par le soleil, qui ondule tranquillement, ses racines creusant tranquillement la terre et faisant bourgeonner un espoir printanier dans mes pensées. (...)
Le gloussement de Brume retentit dans la gorge d'Aewyll et la Princesse Bleue lui jette un regard tranchant comme leventd'hiver. - Je suis venue chercher quelqu'un, dit-elle, mais qui que ce fut cette personne étais déjà morte. (...)
Mon poing et le pouvoir jaillissent de concert. Mon coup est un vieux truc vicieux pour calmer les étrangers rendus fou par les hurlements duvent, un vieux truc pour se débarrasser des amis, des parents encombrants, qui vient la cueillir dans l'estomac. (...)
La faim et le froid ont beau me saisir, cet instant d'étrange intimité me pousse en avant comme le rêve fiévreux d'un dément amoureux. La cape de la Princesse Bleue, qui me sert d'unique vêtement, flotte sous l'effet duventqui pousse un hurlement sans fin que je me surprends à apprécier. La plaine me manquait. Je puise dans le pouvoir parcimonieusement pour éviter que mon anima ne se manifeste, pour résister à la faim et au froid. (...)
Le nom en jette mais c'est à peu près tout. Il n‘a rien d'autre de remarquable que le fait d'être le plus haut village de toute la nation duvent, situé sur l'une des très rares collines de la plaine. De là, ils peuvent apercevoir une bonne partie de la plaine jusqu'à la limite de l'horizon. (...)
Un endroit facile à garder, et privilégié par les rares caravanes marchande de la guilde qui passe dans la nation duvent. Les gens qui y vivent ne sont pas très différents de ceux qui vivaient dans le mien : juste un peu moins pauvres, un peu moins désespérés. (...)
Aujourd'hui, s'ils avaient plus de moyens et d'hommes aujourd'hui, ils bâtiraient des tours qui permettraient à leur sentinelle de ne pas avoir à faire leur ronde sur le sentier de garde, mais les bois de la nation duventsont rares et mal fréquentés. Au moins, visiblement, leurs sentinelles ont apprit à ne plus s'endormir la nuit. (...)
Je prends une inspiration, saisis le pouvoir et bondis sur la tranche supérieure de la porte d'une maison devant moi dont le propriétaire est en train de sortir, arme au poing, et rebondis vers le toit de la maison d'en face avec l'aisance d'une plume poussée par levent. Je cours sur le toit, saute à nouveau au milieu des cris, et j'atteins le chemin de ronde lorsque l'un des gardes me décoche une flèche de son arc court, j'esquive le projectile en baissant simplement la tête, plus par réflexe qu'autre chose, oubliant bêtement le pouvoir. (...)
Je n'ai pas l'habitude de manger ce genre d'animal mais ce n'est pas la première fois, dans la plaine duvent, n'importe quel paysan doit savoir survivre (en usant) de tels expédients. Avec le chien, j'ai de quoi manger suffisamment jusqu'au Trône d'Orage, et les vêtements ne me vont pas trop mal : des vêtements de paysans, gris sombres, avec quelques lanières et quelques ceintures, uniquement ornementés de la cape bleue de la fille du Maître des Hauts Vents. (...)
Je glissé la plaque dorsale de la bête dans mon dos, emmitouflée dans la cape ; elle me rafraîchit et me permet de supporter la chaleur. Leventest présent, mais il est brûlant, et vient encore tanner ma peau comme du cuir. J'estime être à encore deux jours de marche lorsque leventtourne plein sud, puissant, ramenant d'énormes nuages sombres, annonçant l'orage, annonçant la colère du Seigneur des Hauts Vents. J'observe les titans sombres et célestes qui projettent leurs ombres sur la steppe, qui voilent le soleil brûlant. (...)
Un sourire aux lèvres, je lui obéis. C'est le jour suivant que cela commence. Une heure après l'aube, je marche contre levent, lorsque quelque chose explose dans une lumière multicolore à quelques centimètres de mon visage. (...)
Lorsqu'il parle, il a une voix d'homme, une de ces voix qui vous prend à la gorge, calme et froide. « Pars, Ciel Noir, laisse la nation duvent. Pars et je t'oublierai, je t'épargnerai. Je sais tout de toi, tu ne peux rien contre moi. Il y n'y a rien au Trône d'Orage pour toi à part la mort et ta vengeance restera lettre morte. (...)
Peut-être est-ce l'allure du messager, peut-être le ton de sa voix ou le contenu de ses paroles, mais quelque chose dans ce message éveille mon instinct de chasseur, et lorsque je reprends mon chemin, j'accélère mon allure. Pas pour longtemps, leventdu nord se lève, se fait plus fort, son hurlement s'intensifie à chaque instant, couvrant le bruissement de l'herbe qui partout s'aplatit vers le sud, ma cape claque auventbruyamment comme un drapeau. J'aperçois des oiseaux, qui, surpris par les bourrasques continues, me croisent et me dépassent, filant vers le sud, rasant le sol, cherchant désespérément un abri. (...)
Je cherche malgré tout un abri du regard, en vain. Je rajuste ma cape qui menace de s'envoler et qui, portée par levent, me ralentit, mais rapidement, les choses empirent et je dois lutter pour avancer, pour faire chaque pas. (...)
A nouveau, pour un temps, je progresse plus ou moins normalement, même si parfois les branches d'arbustes emportées atteignent une telle vitesse que certaines manquent de m'éborgner ou de se planter dans ma chair telles de véritables flèches. Je grogne, revêt le pouvoir comme une armure et continue. Leventne m'arrête pas, mais il me ralentit considérablement, et je comprends instinctivement que le Seigneur des Hauts Vents tente de m'épuiser avant de me cueillir comme une pâquerette. (...)
Je m'arrête un instant devant le spectacle incroyable, et pendant une fraction de seconde, j'hésite à faire le pas suivant. Une fraction de seconde. Je reprends, leventse lève encore, fort, toujours plus fort, son hurlement devient toujours plus fort, assourdissant. (...)
Les larmes coule sur mes yeux et je me retrouve à avancer à l'aveuglette. J'ai du mal à respirer. Ma peau s'étire vers l'arrière sous l'effet duvent. Continuer. Chaque pas devient un effort, quand soudain, j'entends un grondement devant moi, qui englouti même le hurlement duvent. Je nettoie mes yeux, et j'aperçois l'étendue de la menace : tout l'horizon se soulève, une raz-de-marée de poussière qui dévale la steppe telle une vague titanesque qui déferle sur l'univers comme un monstre avide. (...)
Je parviens à rester conscient, je ne sais pas combien de temps ça dure, je sais juste qu'à un moment, leventse calme, et que la chute commence. Je me concentre et relâche le pouvoir au moment de l'impact, et il arrive tard, très tard. (...)
Je me redresse, me dégage, crache la terre coincée entre mes dents, vérifie que je n'ai aucune égratignure et sort du cratère. Je regarde aux environs immédiats pour me repérer. Leventhurle toujours, mais moins fort, la steppe s'étend autour de moi, mais leventsouffle toujours plein sud, il me suffit juste de me diriger dans le sens contraire pour arriver au Trône d'Orage. Je n'ai pas tant reculé que je le craignais. (...)
» dis-je pour moi-même. Je reprends mon chemin, et je laisse la voix de l'ange et le reste du message se perdre dans levent. Je cours pour gagner le plus de distance possible, et j'avance d'un bon kilomètre ainsi lorsque tout à coup, leventcesse complètement et le silence envahit la plaine comme la mort, seulement rompu par le bruit de mes pas et ma respiration. Je suis si surpris que je m'arrête. (...)
Une intuition me fait lever la tête lorsque le nuage de poussière s'écarte d'un coup de ma personne, comme s'enfuyant aux quatre coins de la plaine duvent, révélant un désert de poussière brun et aride s'étalant à perte de vue. Soudain, les cieux bouchés par les nuages s'écartent à toute vitesse, révélant un ciel bleu immaculé et une explosion de soleil éblouissante, puis l'air explose littéralement. (...)
Néanmoins, je suis assourdi, désorienté, et je reste un bon moment assis dans l'abri relatif de mon cratère, pour me ressaisir avant de reprendre mon chemin. Je sens le pouvoir du Seigneur des HautVentdans chacune des agressions rageuses des courants aériens, sa fureur imprègne chaque brise, chaque bourrasque. (...)
Il ne restait rien d'eux. Leurs agonies effleurent mon imagination. Je secoue la tête pour chasser cette pensée. Leventemporte mes larmes qui menacent de déborder. Je grimpe les pentes de terre et de roche retournée devant moi, et arrivé au sommet, je constate que l'attaque du Seigneurs des Hauts Vents m'a plus avantagée que lui. (...)
Au bout de quelques instants, les premiers arbres tombent ou disparaissent, tranchés et désintégré par les grêlons. Je pense encore avoir un peu de temps lorsque soudain leventtourne, changeant l'orientation de la grêle mortelle. Je jure comme un charretier. Je cherche un abri rapidement sous la pluie de coup, je bondis et je cours, mes recherches rendues d'autant plus ardues à cause des conditions et de la visibilité réduite pratiquement à néant. (...)
Une demi-douzaine de gardes dans la cour trouve le courage de se ruer sur moi, hurlant, hallebardes en avant, épées au clair. Quelques coups de poing bien placé les éparpillent comme des feuilles mortes balayées par levent. Je ne dois pas rester là. Les émanations d'essence de mon pouvoir fait briller mon anima, et la pluie de lumière solaire se mêle au déluge qui continue à tomber, se réverbérant en une infinie série de minuscules arcs-en-ciel qui ricochent d'une goutte de pluie à l'autre. (...)
L'instant d'après la porte de bois claque derrière moi et je me retrouve dans un long couloir encombré de selles, de fers - à - cheval, d'armes et d'équipements divers. Je le traverse comme un éclair, spectre d'or poussé par unventde vengeance. Suit un escalier. Mes pas résonnent sur ses marches alors que je les gravis quatre à quatre. (...)
Le panorama a quelque chose de la fin du monde : les abords directs du Trône d'Orage fument encore de l'averse d'éclairs ; l'air est vif, comme pris d'une sourde colère, saturé d'électricité ; leventsouffle si fort qu'il m'assourdit presque : un baiser, une caresse, de sa part après ce que m'a fait subir le Seigneur du Trône d'Orage. (...)
Là, il n'y a plus de plaine, seulement une suite de collines, de vallées désertiques sur lesquelles planent encore de lourds nuages de poussière brune, emmenée par levent. « Qu'ai-je accomplis là ? » Mes pensées se perdent dans le hurlement des vents et je reviens au présent. (...)
Je suis encore nimbé de lumière, aucune surprise ne m'étreint lorsque les cris des gardes s'échappent dans les airs, tentant de couvrir le bruit duvent, le bruit du glas qui résonne toujours. Ils décochent quelques flèches, mais elles n'arrivent même pas jusqu'à moi : les vents dévient les traits qui s'écrasent non loin. (...)
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, l'instant d'après, l'anima du Sang-dragon explose dans une fureur deventpolaire, de cristaux de neige glace et de lumière d'azur. Un millier de shrapnels de glace fusent vers moi dans une explosion de lumière blanche, instinctivement, je pare l'essentiel du coup d'un geste vif et ample de la main, qui crée une onde de choc, bref mur d'air invisible devant moi sur lequel viennent s'écraser l'averses de glaces, et je le charge. (...)
Je regarde le gâchis autour de moi : le lupanar en ruine dans lequel j'ai atterrit, les femmes terrorisées, leventsoufflant à travers les murs et le pouvoir du lieu, brisé comme l'aile d'un oiseau. Je secoue la tête, saisis le corps du Seigneur des hauts- vents. (...)
Nous arrivons devant le repaire de Regard Vif, il est allé se cacher dans les collines grises, la frontière septentrionale de la nation duvent. D'immenses cailloux en fait, fait de pierre ponce. Je n'ai jamais pensé les voir, et aujourd'hui, les circonstances sont plus incroyables et sombres que je ne l'aurais jamais imaginé. (...)
Il hurle lorsque je frappe, lorsque je lui crève l'oeil gauche, lorsque je lui arrache le bras et la jambe gauche à main nue, et je me débrouille pour le tenir en vie. - Si tu survis dans cet état dans la plaine duvent, tu auras mérité le droit de vivre, dis-je tandis qu'il gémit de douleur, sinon, les morts seront toujours là pour toi. (...)
Je sens mon propre visage se fermer. Je reste silencieux. Son sourire est nerveux, triste, angoissé. Leventest incisif, sec et brûlant, mais elle croise les bras comme pour se protéger du froid. - J'ai peur. (...)
Elle ne veut pas de la liberté, ni de la justice, elle veut juste être protégée. C'est quelque chose que je ne peux pas lui offrir là où je vais. Vers midi, leventtombe et la poussière avec lui. Je franchis les collines grises et du sommet de ces dernières, je perçois une odeur humide portée par les vents venus du fond des mers, là où ils vont et viennent à leur guise, libres du pouvoir du Seigneur des Hauts Vents et portés par leurs seules volontés. (...)