Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : esprit (31)(...) Nous nous étions fiancés à l'insu de mon oncle, trop géologue pour comprendre de pareils sentiments. Graüben était une charmante jeune fille blonde aux yeux bleus, d'un caractère un peu grave, d'unespritun peu sérieux ; mais elle ne m'en aimait pas moins ; pour mon compte, je l'adorais, si toutefois ce verbe existe dans la langue tudesque ! (...)
Or, j'en étais là de mon rêve, quand mon oncle, frappant la table du poing, me ramena violemment à la réalité. « Voyons, dit-il, la première idée qui doit se présenter à l'espritpour brouiller les lettres d'une phrase, c'est, il me semble, d'écrire les mots verticalement au lieu de les tracer horizontalement. (...)
segnittamurtn ecertserrette, rotaivsadua, ednecsedsadne lacartniiiluJsiratracSarbmutabiledmek meretarcsilucoYsleffenSnl En finissant, je l'avouerai, j'étais émotionné, ces lettres, nommées une à une, ne m'avaient présenté aucun sens à l'esprit; j'attendais donc que le professeur laissât se dérouler pompeusement entre ses lèvres une phrase d'une magnifique latinité. (...)
Quelle fut ma surprise, quand, dans l'une de ces voltes rapides, au moment où le verso se tournait vers moi, je crus voir apparaître des mots parfaitement lisibles, des mots latins, entre autres « craterem » et « terrestre » ! Soudain une lueur se fit dans monesprit; ces seuls indices me firent entrevoir la vérité ; j'avais découvert la loi du chiffre. Pour lire ce document, il n'était pas même nécessaire de le lire à travers la feuille retournée ! (...)
non ! ce ne sera pas, dis-je avec énergie, et, puisque je peux empêcher qu'une pareille idée vienne à l'espritde mon tyran, je le ferai. A tourner et à retourner ce document, il pourrait par hasard en découvrir la clef ! (...)
Ses yeux rouges, son teint blafard, ses cheveux entremêlés sous sa main fiévreuse, ses pommettes empourprées indiquaient assez sa lutte terrible avec l'impossible, et, dans quelles fatigues de l'esprit, dans quelle contention du cerveau, les heures durent s'écouler pour lui. Vraiment, il me fit pitié. (...)
- Rien, en commençant à lire par le commencement, mais par la fin... » Je n'avais pas achevé ma phrase que le professeur poussait un cri, mieux qu'un cri, un véritable rugissement ! Une révélation venait de se faire, dans sonesprit. Il était transfiguré. « Ah ! ingénieux Saknussemm ! s'écria-t-il, tu avais donc d'abord écrit ta phrase à l'envers ? (...)
« Allons, dis-je, je suis forcé d'en convenir, la phrase de Saknussemm est claire et ne peut laisser aucun doute à l'esprit. J'accorde même que le document a un air de parfaite authenticité. Ce savant est allé au fond du Sneffels ; il a vu l'ombre du Scartaris caresser les bords du cratère avant les calendes de juillet ; il a même entendu raconter dans les récits légendaires de son temps que ce cratère aboutissait au centre de la terre ; mais quant à y être parvenu lui-même, quant à avoir fait le voyage et à en être revenu, s'il l'a entrepris, non, cent fois non ! (...)
En véritable neveu du professeur Lidenbrock et malgré mes préoccupations, j'observais avec intérêt les curiosités minéralogiques étalées dans ce vaste cabinet d'histoire naturelle ; en même temps je refaisais dans monesprittoute l'histoire géologique de l'Islande. Cette île, si curieuse, est évidemment sortie du fond des eaux à une époque relativement moderne ; peut-être même s'élève-telle encore par un mouvement insensible. (...)
Ainsi se formèrent ces immenses couches de charbon qu'une consommation excessive doit, pourtant, épuiser en moins de trois siècles, si les peuples industriels n'y prennent garde. Ces réflexions me revenaient à l'espritpendant que je considérais les richesses houillères accumulées dans cette portion du massif terrestre. (...)
- Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de désespoir ! » A quel homme avais-je affaire et quels projets sonespritaudacieux formait-il encore ? « Quoi ! vous ne voulez pas ?... - Renoncer à cette expédition, au moment où tout annonce qu'elle peut réussir ! (...)
Nous n'aurions pas trouvé cela ! » Je le crois bien ! Un pareil moyen, quelque simple qu'il fût, ne nous serait pas venu à l'esprit. Rien de plus dangereux que de donner un coup de pioche dans cette charpente du globe. Et si quelque éboulement allait se produire qui nous écraserait ! (...)
Il s'était même arrêté pendant quelques instants pour rattacher ses bagages sur son épaule. Ce détail me revenait à l'esprit. C'est à ce moment même que j'avais dû continuer ma route. « D'ailleurs, pensai-je, j'ai un moyen sûr de ne pas m'égarer, un fil pour me guider dans ce labyrinthe, et qui ne saurait casser, mon fidèle ruisseau. (...)
J'essayais de reconnaître ma route à la forme du tunnel, à la saillie de certaines roches, à la disposition des anfractuosités. Mais aucun signe particulier ne frappait monesprit, et je reconnus bientôt que cette galerie ne pouvait me ramener à la bifurcation. Elle était sans issue. (...)
Je voulus parler à voix haute, mais de rauques accents passèrent seuls entre mes lèvres desséchées. Je haletais. Au milieu de ces angoisses, une nouvelle terreur vint s'emparer de monesprit. Ma lampe s'était faussée en tombant. Je n'avais aucun moyen de la réparer. Sa lumière pâlissait et allait me manquer ! (...)
» J'écoutai, j'épiai dans l'ombre une réponse, un cri, un soupir. Rien ne se fit entendre. Quelques minutes se passèrent. Tout un monde d'idées avait éclos dans monesprit. Je pensai que ma voix affaiblie ne pouvait arriver jusqu'à mes compagnons. « Car ce sont eux, répétai-je. (...)
Je me souviens qu'en maint endroit ce phénomène fut observé, entre autres, dans la galerie intérieure du dôme de Saint-Paul à Londres, et surtout au milieu de curieuses cavernes de Sicile, ces latomies situées près de Syracuse, dont la plus merveilleuse en ce genre est connue sous le nom d'Oreille de Denys. Ces souvenirs me revinrent à l'esprit, et je vis clairement que, puisque la voix de mon oncle arrivait jusqu'à moi, aucun obstacle n'existait entre nous. (...)
J'ai tout oublié, et le professeur, et le guide, et le radeau ! Une hallucination s'est emparée de monesprit... « Qu'as-tu ? » dit mon oncle. Mes yeux tout ouverts se fixent sur lui sans le voir. « Prends garde, Axel, tu vas tomber à la mer ! (...)
Mais quarante lieues verticales d'un mur de granit, et en réalité, plus de mille lieues à franchir ! Toutes ces douloureuses réflexions traversèrent rapidement monespritavant que je ne répondisse à la question de mon oncle. « Ah ça ! répéta-t-il, tu ne veux pas me dire si tu as bien dormi ? (...)
Un quart d'heure plus tard, nous étions hors de la vue de ce redoutable ennemi. Et maintenant que j'y songe tranquillement, maintenant que le calme s'est refait dans monesprit, que des mois se sont écoulés depuis cette étrange et surnaturelle rencontre, que penser, que croire ? (...)
C'était une vraie fuite, semblable à ces entraînements effroyables que l'on subit dans certains cauchemars. Instinctivement, nous revenions vers la mer Lidenbrock, et je ne sais dans quelles divagations monespritse fût emporté, sans une préoccupation qui me ramena à des observations plus pratiques. Bien que je fusse certain de fouler un sol entièrement vierge de nos pas, j'apercevais souvent des agrégations de rochers dont la forme rappelait ceux de Port-Graüben. (...)
Il s'agissait de faire un trou assez considérable pour contenir cinquante livres de fulmicoton, dont la puissance expansive est quatre fois plus grande que celle de la poudre à canon. J'étais dans une prodigieuse surexcitation d'esprit. Pendant que Hans travaillait, j'aidai activement mon oncle à préparer une longue mèche faite avec de la poudre mouillée et renfermée dans un boyau de toile. (...)
XLI Le lendemain, jeudi, 27 août, fut une date célèbre de ce voyage subterrestre. Elle ne me revient pas à l'espritsans que l'épouvante ne fasse encore battre mon coeur. A partir de ce moment, notre raison, notre jugement, notre ingéniosité, n'ont plus voix au chapitre, et nous allons devenir le jouet des phénomènes de la terre. (...)
C'était, à n'en pas douter, le chemin de Saknussemm ; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraîné toute une mer avec nous. Ces idées, on le comprend, se présentèrent à monespritsous une forme vague et obscure. Je les associais difficilement pendant cette course vertigineuse quiressemblait à une chute. (...)
J'avais le sentiment d'une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n'aurait pu la concevoir. Une idée, d'abord vague, incertaine, se changeait en certitude dans monesprit. Je la repoussai, mais elle revint avec obstination. Je n'osais la formuler. Cependant quelques observations involontaires déterminèrent ma conviction. (...)
Je savais bien que, d'après les théories les plus acceptées, l'écorce minérale du globe, n'est jamais dans un état de repos absolu ; les modifications amenées par la décomposition des matières internes, l'agitation provenant des grands courants liquides, l'action du magnétisme, tendent à l'ébranler incessamment, alors même que les êtres disséminés à sa surface ne soupçonnent pas son agitation. Ce phénomène ne m'aurait donc pas autrement effrayé, ou du moins il n'eût pas fait naître dans monespritune idée terrible. Mais d'autres faits, certains détails sui generis, ne purent me tromper plus longtemps. (...)
Si la chaleur s'accrut, au lieu de diminuer, aux approches de la surface du globe, c'est qu'elle était toute locale et due à une influence volcanique. Notre genre de locomotion ne pouvait plus me laisser aucun doute dans l'esprit. Une force énorme, une force de plusieurs centaines d'atmosphères, produite par les vapeurs accumulées dans le sein de la terre, nous poussait irrésistiblement. (...)
Descendons, et nous saurons à quoi nous en tenir. D'ailleurs je meurs de faim et de soif. » Décidément le professeur n'était point unespritcontemplatif. Pour mon compte, oubliant le besoin et les fatigues, je serais resté à cette place pendant de longues heures encore, mais il fallut suivre mes compagnons. (...)
Après un délicieux repas composé de fruits et d'eau fraîche, nous nous remîmes en route pour gagner le port de Stromboli. Dire comment nous étions arrivés dans l'île ne nous parut pas prudent : l'espritsuperstitieux des Italiens n'eût pas manqué de voir en nous des démons vomis du sein des enfers ; il fallut donc se résigner à passer pour d'humbles naufragés. (...)
Le vendredi 4 septembre, nous nous embarquions à bord du Volturne, l'un des paquebots-postes des messageries impériales de France, et, trois jours plus tard, nous prenions terre à Marseille, n'ayant plus qu'une seule préoccupation dans l'esprit, celle de notre maudite boussole. Ce fait inexplicable ne laissait pas de me tracasser très sérieusement. (...)
» Mon oncle regarda, compara, et fit trembler la maison par un bond superbe. Quelle lumière éclairait à la fois sonespritet le mien ! « Ainsi donc, s'écria-t-il, dès qu'il retrouva la parole, après notre arrivée au cap Saknussemm, l'aiguille de cette damnée boussole marquait le sud au lieu du nord ? (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...