Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : phrase (17)(...) D'ailleurs il ne m'interrogea pas à cet égard, et il continua de se parler à luimême : « C'est ce que nous appelons un cryptogramme, disait-il, dans lequel le sens est caché sous des lettres brouillées à dessein, et qui, convenablement disposées, formeraient unephraseintelligible ! Quand je pense qu'il y a là peut-être l'explication ou l'indication d'une grande découverte ! (...)
» Or, cette disposition n'a évidemment pas été combinée ; elle est donnée mathématiquement par la raison inconnue qui a présidé à la succession de ces lettres. Il me paraît certain que laphraseprimitive a été écrite régulièrement, puis retournée suivant une loi qu'il faut découvrir. Celui qui posséderait la clef de ce « chiffre » le lirait couramment. (...)
« Voyons, dit-il, la première idée qui doit se présenter à l'esprit pour brouiller les lettres d'unephrase, c'est, il me semble, d'écrire les mots verticalement au lieu de les tracer horizontalement. - Tiens ! pensai-je. - Il faut voir ce que cela produit. Axel, jette unephrasequelconque sur ce bout de papier ; mais, au lieu de disposer les lettres à la suite les unes des autres, mets-les successivement par colonnes verticales, de manière à les grouper en nombre de cinq ou six. (...)
i e p e ü « Bon, dit le professeur, sans avoir lu. Maintenant, dispose ces mots sur une ligne horizontale. » J'obéis, et j'obtins laphrasesuivante : Jmne,b ee,tGe t'bmirn aiata ! iepeü « Parfait ! fit mon oncle en m'arrachant le papier des mains, voilà qui a déjà la physionomie du vieux document : les voyelles sont groupées ainsi que les consonnes dans le même désordre ; il y a même des majuscules au milieu des mots, ainsi que des virgules, tout comme dans le parchemin de Saknussemm ! (...)
» Je ne puis m'empêcher de trouver ces remarques fort ingénieuses. « Or, reprit mon oncle en s'adressant directement à moi, pour lire laphraseque tu viens d'écrire, et que je ne connais pas, il me suffira de prendre successivement la première lettre de chaque mot, puis la seconde, puis la troisième, ainsi de suite. (...)
» Et mon oncle, à son grand étonnement, et surtout au mien, lut : Je t'aime bien, ma petite Graüben ! « Hein ! » fit le professeur. Oui, sans m'en douter, en amoureux maladroit, j'avais tracé cettephrasecompromettante ! « Ah ! tu aimes Graüben ! reprit mon oncle d'un véritable ton de tuteur ! - Oui... Non... balbutiai-je ! (...)
segnittamurtn ecertserrette, rotaivsadua, ednecsedsadne lacartniiiluJsiratracSarbmutabiledmek meretarcsilucoYsleffenSnl En finissant, je l'avouerai, j'étais émotionné, ces lettres, nommées une à une, ne m'avaient présenté aucun sens à l'esprit ; j'attendais donc que le professeur laissât se dérouler pompeusement entre ses lèvres unephrased'une magnifique latinité. Mais, qui aurait pu le prévoir ! Un violent coup de poing ébranla la table. (...)
Il est vrai qu'à la troisième, on lit le mot « tabiled » de tournure parfaitement hébraïque, et à la dernière, les vocables « mer », « arc », « mère », qui sont purement français. » Il y avait là de quoi perdre la tête ! Quatre idiomes différents dans cettephraseabsurde ! Quel rapport pouvait-il exister entre les mots « glace, monsieur, colère, cruel, bois sacré, changeant, mère, arc ou mer ? (...)
Toutes les ingénieuses combinaisons du professeur se réalisaient ; il avait eu raison pour la disposition des lettres, raison pour la langue du document ! Il s'en était fallu de « rien » qu'il pût lire d'un bout à l'autre cettephraselatine, et ce « rien », le hasard venait de me le donner ! On comprend si je fus ému ! Mes yeux se troublèrent. (...)
Je me penchai sur la table ; je posai mon doigt successivement sur chaque lettre, et, sans m'arrêter, sans hésiter, un instant, je prononçai à haute voix laphrasetout entière. Mais quelle stupéfaction, quelle terreur m'envahit ! Je restai d'abord comme frappé d'un coup subit. (...)
Je savais bien que, s'il parvenait à arranger des lettres suivant toutes les positions relatives qu'elles pouvaient occuper, laphrasese trouverait faite. Mais je savais aussi que vingt lettres seulement peuvent former deux quintillions, quatre cent trente-deux quatrillions, neuf cent deux trillions, huit milliards, cent soixanteseize millions, six cent quarante mille combinaisons. Or, il y avait cent trente-deux lettres dans laphrase, et ces cent trente-deux lettres donnaient un nombre de phrases différentes composé de cent trente-trois chiffres au moins, nombre presque impossible à énumérer et qui échappe à toute appréciation. (...)
répondit-il en froissant la feuille. - Rien, en commençant à lire par le commencement, mais par la fin... » Je n'avais pas achevé maphraseque le professeur poussait un cri, mieux qu'un cri, un véritable rugissement ! Une révélation venait de se faire, dans son esprit. Il était transfiguré. « Ah ! ingénieux Saknussemm ! s'écria-t-il, tu avais donc d'abord écrit taphraseà l'envers ? » Et se précipitant sur la feuille de papier, l'oeil trouble, la voix émue, il lut le document tout entier, en remontant de la dernière lettre à la première. (...)
Je cessai donc de le presser à ce sujet, et, comme il fallait le convaincre avant tout, je passais aux objections scientifiques, bien autrement graves, à mon avis. « Allons, dis-je, je suis forcé d'en convenir, laphrasede Saknussemm est claire et ne peut laisser aucun doute à l'esprit. J'accorde même que le document a un air de parfaite authenticité. (...)
Elle roula sur des questions scientifiques, comme il convient à des savants ; mais le professeur Lidenbrock se tint sur la plus excessive réserve, et ses yeux me recommandaient, à chaquephrase, un silence absolu touchant nos projets à venir. Tout d'abord, M. Fridriksson s'enquit auprès de mon oncle du résultat de ses recherches à la bibliothèque. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...