Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : port (20)(...) J'ai mal dormi, j'ai fait un mauvais rêve. » Cependant j'avais suivi les bords de l'Elbe et tourné la ville. Après avoir remonté leport, j'étais arrivé à la route d'Altona. Un pressentiment me conduisait, pressentiment justifié, car j'aperçus bientôt ma petite Graüben qui, de son pied leste, revenait bravement à Hambourg. (...)
1 Puis je pris un plaisir d'enfant à parcourir la ville ; mon oncle se laissait promener ; d'ailleurs il ne vit rien, ni l'insignifiant palais du roi, ni le joli pont du dix-septième siècle qui enjambe le canal devant le Muséum, ni cet immense cénotaphe de Torwaldsen, orné de peintures murales horribles et qui contient à l'intérieur les oeuvres de ce statuaire, ni, dans un assez beau parc, le château bonbonnière de Rosenborg, ni l'admirable édifice renaissance de la Bourse, ni son clocher fait avec les queues entrelacées de quatre dragons de bronze, ni les grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s'enflaient comme les voiles d'un vaisseau au vent de la mer. Quelles délicieuses promenades nous eussions faites, ma jolie Virlandaise et moi, du côté duportoù les deux-ponts et les frégates dormaient paisiblement sous leur toiture rouge, sur les bords verdoyants du détroit, à travers ces ombrages touffus au sein desquels se cache la citadelle, dont les canons allongent leur gueule noirâtre entre les branches des sureaux et des saules ! (...)
Mon oncle ne se contenait plus. Il y avait de quoi irriter un homme plus patient, car c'était véritablement échouer auport. Mais aux grandes douleurs le ciel mêle incessamment les grandes joies, et il réservait au professeur Lidenbrock une satisfaction égale à ses désespérants ennuis. (...)
Avions-nous donc un fleuve, un lac, une mer à notre disposition ? Un bâtiment était-il mouillé dans quelqueportintérieur ? Ma curiosité fut excitée au plus haut point. Mon oncle essaya vainement de me retenir. (...)
De là mon regard embrassait toute cette baie formée par une échancrure de la côte. Au fond, un petitports'y trouvait ménagé entre les roches pyramidales. Ses eaux calmes dormaient à l'abri du vent. Un brick et deux ou trois goélettes auraient pu y mouiller à l'aise. (...)
Viens, et tu le verras à l'ouvrage. » Après un quart d'heure de marche, de l'autre côté du promontoire qui formait le petitportnaturel, j'aperçus Hans au travail. Quelques pas encore, et je fus près de lui. A ma grande surprise, un radeau à demi terminé s'étendait sur le sable ; il était fait de poutres d'un bois particulier, et un grand nombre de madriers, de courbes, de couples de toute espèce, jonchaient littéralement le sol. (...)
Je détachai l'amarre qui nous retenait au rivage. La voile fut orientée, et nous débordâmes rapidement. Au moment de quitter le petitport, mon oncle, qui tenait à sa nomenclature géographique, voulut lui donner un nom, le mien, entre autres. « Ma foi, dis-je, j'en ai un autre à vous proposer. - Lequel ? - Le nom de Graüben.Port-Graüben, cela fera très bien sur la carte. - Va pourPort-Graüben. » Et voilà comment le souvenir de ma chère Virlandaise se rattacha à notre heureuse expédition. La brise soufflait du nord-est. (...)
Hans, immobile au gouvernail, laissait courir le radeau, qui, d'ailleurs, poussé vent arrière, ne demandait même pas à être dirigé. Depuis notre départ dePort-Graüben, le professeur Lidenbrock m'avait chargé de tenir le « journal du bord », de noter les moindres observations, de consigner les phénomènes intéressants, la direction du vent, la vitesse acquise, le chemin parcouru, en un mot, tous les incidents de cette étrange navigation. (...)
Mais avant de déborder je fais quelques observations pour calculer la distance parcourue, et je les note sur mon journal. Nous avons franchi deux cent soixante-dix lieues de mer depuisPort-Graüben, et nous sommes à six cent vingt lieues de l'Islande, sous l'Angleterre. XXXV Vendredi 21 août. (...)
- Voilà un joli bout de chemin, mon garçon ; mais, que nous soyons plutôt sous la Méditerranée que sous la Turquie ou sous l'Atlantique, cela ne peut s'affirmer que si notre direction n'a pas dévié. - Non, le vent paraissait constant ; je pense donc que ce rivage doit être situé au sud-est dePort-Graüben. - Bon, il est facile de s'en assurer en consultant la boussole. Allons consulter la boussole ! (...)
» Cette remarque sera comprise quand on saura que nous étions revenus au rivage du nord, mais non pas à l'endroit même de notre premier départ.Port-Graüben devait être situé plus à l'ouest. Rien de plus raisonnable dès lors que d'examiner avec soin les environs de ce nouvel atterrissage. (...)
Après une marche d'un mille, apparut la lisière d'une forêt immense, mais non plus un de ces bois de champignons qui avoisinaientPort-Graüben. C'était la végétation de l'époque tertiaire dans toute sa magnificence. De grands palmiers, d'espèces aujourd'hui disparues, de superbes palmacites, des pins, des ifs, des cyprès, des thuyas, représentaient la famille des conifères, et se reliaient entre eux par un réseau de lianes inextricables. (...)
Bien que je fusse certain de fouler un sol entièrement vierge de nos pas, j'apercevais souvent des agrégations de rochers dont la forme rappelait ceux dePort-Graüben. C'était parfois à s'y méprendre. Des ruisseaux et des cascades tombaient par centaines des saillies de rocs, je croyais revoir la couche de surtarbrandur, notre fidèle Hans-bach et la grotte où j'étais revenu à la vie. (...)
« Evidemment, lui dis-je, nous n'avons pas abordé à notre point de départ, mais la tempête nous a ramenés un peu audessous, et en suivant le rivage, nous retrouveronsPort-Graüben. - Dans ce cas, répondit mon oncle, il est inutile de continuer cette exploration, et le mieux est de retourner au radeau. (...)
Il me semble pourtant reconnaître le promontoire au pied duquel Hans a construit son embarcation. Nous devons être près du petitport, si même ce n'est pas ici, ajoutai-je, en examinant une crique que je crus reconnaître. - Mais non, Axel, nous retrouverions au moins nos propres traces, et je ne vois rien... - Mais je vois, moi ! (...)
Lorsque le regard franchissait cette verdoyante enceinte, il arrivait rapidement à se perdre dans les eaux d'une mer admirable ou d'un lac, qui faisait de cette terre enchantée une île large de quelques lieues, à peine. Au levant, se voyait un petitportprécédé de quelques maisons, et dans lequel des navires d'une forme particulière se balançaient aux ondulations des flots bleus. (...)
Après un délicieux repas composé de fruits et d'eau fraîche, nous nous remîmes en route pour gagner leportde Stromboli. Dire comment nous étions arrivés dans l'île ne nous parut pas prudent : l'esprit superstitieux des Italiens n'eût pas manqué de voir en nous des démons vomis du sein des enfers ; il fallut donc se résigner à passer pour d'humbles naufragés. (...)
» En parlant ainsi, mon oncle, demi-nu, sa bourse de cuir autour des reins et dressant ses lunettes sur son nez, redevint le terrible professeur de minéralogie. Une heure après avoir quitté le bois d'oliviers, nous arrivions auportde San-Vicenzo, où Hans réclamait le prix de sa treizième semaine de service, qui lui fut compté avec de chaleureuses poignées de main. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...