Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : voile (16)(...) J'espérais que les moyens de transport manqueraient absolument ; mais il n'en fut rien. Une petite goélette danoise, la Valkyrie, devait mettre à lavoilele 2 juin pour Reykjawik. Le capitaine, M. Bjarne, se trouvait à bord ; son futur passager, dans sa joie, lui serra les mains à les briser. (...)
Il s'agissait d'inaugurer un nouveau genre de locomotion rapide et peu fatigant. Un mât fait de deux bâtons jumelés, une vergue formée d'un troisième, unevoileempruntée à nos couvertures, composaient tout le gréement du radeau. Les cordes ne manquaient pas. (...)
Hans avait installé un gouvernail qui lui permettait de diriger son appareil flottant. Il se mit à la barre. Je détachai l'amarre qui nous retenait au rivage. Lavoilefut orientée, et nous débordâmes rapidement. Au moment de quitter le petit port, mon oncle, qui tenait à sa nomenclature géographique, voulut lui donner un nom, le mien, entre autres. (...)
Nous filions vent arrière avec une extrême rapidité. Les couches très denses de l'atmosphère avaient une poussée considérable et agissaient sur lavoilecomme un puissant ventilateur. Au bout d'une heure, mon oncle avait pu se rendre compte de notre vitesse. (...)
Nous courons en insensés vers cette masse puissante que cent baleines ne nourriraient pas pour un jour. La terreur me prend. Je ne veux pas aller plus loin ! Je couperai, s'il le faut, la drisse de lavoile! Je me révolte contre le professeur, qui ne me répond pas. Tout à coup Hans se lève, et montrant du doigt le point menaçant : « Holme ! (...)
La nature a l'air d'une morte et ne respire plus. Sur le mât, où je vois déjà poindre un léger feu Saint-Elme, lavoiledétendue tombe en plis lourds. Le radeau est immobile au milieu d'une mer épaisse et sans ondulations. (...)
Son masque effrayant est celui d'un homme antédiluvien, contemporain des ichthyosaures et des megatheriums. Cependant le mât résiste. Lavoilese tend comme une bulle prête à crever. Le radeau file avec un emportement que je ne puis estimer, mais moins vite encore que ces gouttes d'eau déplacées sous lui, dont la rapidité fait des lignes droites et nettes. « Lavoile! lavoile! dis-je, en faisant signe de l'abaisser. - Non ! répond mon oncle. - Nej », fait Hans en remuant doucement la tête. Cependant la pluie forme une cataracte mugissante devant cet horizon vers lequel nous courons en insensés. Mais avant qu'elle n'arrive jusqu'à nous levoilede nuage se déchire, la mer entre en ébullition et l'électricité, produite par une vaste action chimique qui s'opère dans les couches supérieures, est mise en jeu. (...)
Je crois qu'il m'a dit : « Nous sommes perdus. » Je n'en suis pas certain. Je prends le parti de lui écrire ces mots : « Amenons notrevoile. » Il me fait signe qu'il y consent. Sa tête n'a pas eu le temps de se relever de bas en haut qu'un disque de feu apparaît au bord du radeau. Le mât et lavoilesont partis tout d'un bloc, et je les ai vus s'enlever à une prodigieuse hauteur, semblables au ptérodactyle, cet oiseau fantastique des premiers siècles. (...)
Il y a une limite à toute ambition ici-bas ; il ne faut pas lutter contre l'impossible ; nous sommes mal équipés pour un voyage sur mer ; cinq cents lieues ne se font pas sur un mauvais assemblage de poutres avec une couverture pourvoile, un bâton en guise de mât, et contre les vents déchaînés. Nous ne pouvons gouverner, nous sommes le jouet des tempêtes, et c'est agir en fous que de tenter une seconde fois cette impossible traversée ! (...)
On eût dit que cet être bizarre devinait les projets de mon oncle. Avec quelques morceaux de surtarbrandur il avait consolidé l'embarcation. Unevoiles'y élevait déjà et le vent jouait dans ses plis flottants. Le professeur dit quelques mots au guide, et aussitôt celui-ci d'embarquer les bagages et de tout disposer pour le départ. (...)
Tout était préparé pour un départ immédiat. Pas un colis qui ne fût embarqué. Nous prîmes place sur le radeau, et lavoilehissée, Hans se dirigea en suivant la côte vers le cap Saknussemm. Le vent n'était pas favorable à un genre d'embarcation qui ne pouvait tenir le plus près. (...)
Dans le nord, une immense étendue d'eau étincelait sous les rayons solaires, laissant poindre çà et là l'extrémité d'une mâture ou la convexité d'unevoilegonflée au vent. L'imprévu d'un pareil spectacle en centuplait encore les merveilleuses beautés. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...