Comment écrire une campagne historique ?
sur TengaJdr au format (192 Ko)
Contient : histoire (31)(...) Un article écrit pour le premier volume de l'Atelier du JDR paru depuis chez Pinkerton Press et utilisant une campagne de Tenga comme exemple. Jérôme Larré. « Ce n'est que pour les faibles d'esprit que l'Histoirea toujours raison. » - Eugène Ionesco, Notes et contre-notes. « Lorsqu'on est obligé de travailler à l'intérieur d'un cadre strict, l'imagination est d'autant plus sollicitée et produira ses idées les plus riches. (...)
Qu'on y voie une forme « intelligente » de notre loisir, un témoignage de créativité ou, au contraire, le dernier soubresaut d'une recherche de niches ludiques, force est de constater qu'une part grandissante de joueurs s'y adonnent... Avec eux, c'est autant de personnages, de scénarios et de campagnes qu'il faut développer, d'autant que nombre de jeux historiques privilégient l'exposition du décor et proposent peu de matériel prêt à jouer. L'adage rôliste veut qu'il suffise de prendre un livre d'Histoirepour trouver l'inspiration et avoir sa campagne prête à servir. Muni d'un système générique, le MJ pourrait même se passer du manuel de jeu. (...)
Voici quatre paradoxes concernant ce type d'aventures : * elles peuvent n'avoir aucune référence à l'Histoireet rester dans la fiction pure ; * tout n'est pas couru d'avance. On peut prendre des libertés avec l'Histoire; * rien n'oblige à jouer dans un registre réaliste et sans la moindre once de fantastique ; * nul besoin de remonter loin dans le passé. L'actualité est une mine d'inspiration, et rien n'empêche même de faire de l'historique dans le futur. Premier paradoxe : on peut jouer historique sans référence à l'Histoire. Chaque fois que nous jouons, nous admettons les quelques axiomes d'un univers de référence, aussi farfelus soient-ils : la magie ou le saut hyperspatial existent, des monstres tentaculaires sont tapis dans l'ombre, la moitié des habitants de Chicago sont des vampires... Nous l'acceptons tant que rien ne chamboule sa cohérence interne, ou du moins la vision que nous en avons. (...)
Qu'il soit décrit en détail (Le Seigneur des anneaux ou La Guerre des étoiles) ou à peine évoqué, cet univers nous apparaît aussi vraisemblable que le nôtre durant la partie. Dans ce cas, jouer historique, c'est jouer dans l'Histoirede ce monde-là, en relation avec son « présent ». Le travail de conception sera le même. Seule la densité des univers varie1. (...)
vont rejoindre les défenses de l'Etoile Noire et ne faire qu'une bouchée de Luke Skywalker. Deuxième paradoxe : l'Histoireest déjà écrite, mais une campagne historique ne manquera ni de liberté ni de suspense. Il existe de nombreuses façons de justifier des écarts à ce qui figure dans les livres d'Histoire, pour autant que les joueurs les remarquent2. On peut sortir de ce cadre en explorant les coulisses de l'Histoire, ou en s'inspirant juste de l'ambiance d'une époque. 2. cf. dans ce livre : « Les Rôlistes et le Moyen Age. (...)
Prenons des exemples venant d'autres médias : Dans Les Voies d'Anubis, Tim Powers utilise deux artifices pour inscrire sa fiction dans l'Histoire. D'une part, il crée un personnage imaginaire, William Ashbless, mais donne tellement de détails que celui-ci en devient crédible, notamment en le liant à un personnage ayant existé, Coleridge. (...)
Certains l'aiment chaud et Il était une fois en Amérique sont indissociables de leur cadre commun (les Années folles, la Prohibition, le massacre de la Saint-Valentin) et pourtant ne relatent aucun événementclé, n'utilisent aucun personnage connu. Ils racontent unehistoireen marge de celle des manuels, comme le manga Monster le fait avec l'ancien bloc de l'Est par exemple. (...)
C'est au final l'essence d'une campagne historique. Non pas une série de scénarios pour un jeu historique, mais l'écriture d'unehistoirespécifique se plaçant au moins partiellement dans les interstices d'une autrehistoire- généralement l'Histoireelle-même - et dont certains éléments sont soit connus des joueurs, soit des jalons clairement identifiés. C'est peu ou prou le sens de l'anglicisme « backstory ». Ces « dessous de l'Histoire» doivent soit s'enraciner dans une époque, fût-elle fictionnelle, soit avoir une relation avec celle de l'univers de référence. 4. (...)
Concevoir une campagne historique revient donc à : * concevoir une campagne traditionnelle ; * l'insérer dans les « pages encore vierges » d'une autrehistoire; * tirer parti des spécificités de l'époque où elle se passe. Voici quelques astuces et techniques pour gagner du temps. (...)
Les conventions sur les personnages - Qui sont les héros du genre en question ? Le jeune fermier ou page naïf du Voyage du héros de Cam 7. cf. dans ce livre : « Traiter l'Histoireau travers du genre », de Romain d'Huissier pbell, le tough guy d'Hellywood ou le saisonin plusieurs fois centenaire d'Agone ? (...)
; * quels éléments sont historiques ? Les personnages, le contexte, les événements, etc. ? ; * acceptez-vous de tricher avec l'Histoire? Indépendamment de la précision historique, vous pouvez prendre l'Histoireà contrepied. Hormis l'uchronie, le procédé le plus répandu et le plus agréable, du fait de sa part d'ironie romantique, est d'expliquerpourquoi l'Histoireofficielle est faussée. Ainsi, dans une des fins possibles de la campagne « Tiàn Xia » pour Qin, Ying Zheng décide de remanier l'histoirede son empire naissant pour en écarter toute mention du nom des protagonistes et de brûler tous les livres les mentionnant ; * souhaitez-vous instruire vos joueurs ? Ce type d'approche est délicat et rarement partagé de la même façon par tous ; * y a-t-il des thèmes que vous ne souhaitez pas aborder ? De nombreux articles de ce recueil traitent de ce sujet, et il est toujours utile de se poser la question ; * attendez-vous un niveau de connaissance minimal ? (...)
Ce phénomène est particulièrement poussé dans certains domaines (Seconde Guerre mondiale et occulte, Japon et samouraïs, etc.). Axes historiques et sens de l'HistoireSi elle se base sur une époque raisonnablement documentée,aucune campagne ne pourra aborder toutes ses subtilités et grilles de lecture possibles. (...)
Une campagne doit limiter le nombre d'axes pour rester cohérente et pouvoir tous les traiter à leur juste valeur. Dernier élément fondamental : le sens de l'Histoire, la direction prise par la réalité historique sur les axes pertinents. Il s'agit de tendances lourdes, non d'une issue précise à un événement particulier. Il n'est donc pas rare - c'est un bon terreau pour l'écriture - que le sens de l'Histoires'oppose à ce que vivent les personnagesl'Histoires'oppose à ce que vivent les personnages. Il faut le garder en tête pour montrer l'évolution des moeurs et des mentalités, animer certaines discussions d'auberges, etc. (...)
Les composantes de la campagne A présent, vous disposez d'une liste claire de vos envies, tant d'un point de vue ludique et scénaristique qu'historique. Définir les composantes de la campagne va leur donner corps. Votrehistoireimpliquera certains thèmes, notamment au travers de l'idée directrice ou du genre. Cela peut également être le cas du jeu et/ou du système dont vous vous servez. (...)
S'ils se renforcent mutuellement, vous devrez contrebalancer cette apparente complémentarité. Il peut s'agir d'éléments amenant le personnage à réfléchir sur le fait que le sens de l'Histoiren'est peut-être pas le bon. Il faut trouver un moyen d'amener les crises et les conflits qui vont nourrir votre trame. (...)
Elle donnera sens à l'ensemble de la campagne et la résumera, sous la forme d'une question à laquelle on ne répondra qu'en la finissant. Pour une problématique ancrée dans l'Histoire, l'idéal est de s'inspirer de l'articulation thème narratif et enjeux historiques. Dans « Tiàn Xia » pour Qin, les personnages ont le choix entre privilégier la paix d'un tyran sanguinaire qui n'hésitera pas à ordonner des massacres pour l'obtenir et la préserver, ou laisser ce qui deviendra la Chine dans un état de guerre permanent. (...)
Il doit donc tirer toute l'intrigue. C'est aussi le moment où la dimension historique prend son sens : les PJ font l'Histoire, en sont les victimes ou parviennent à l'éviter ; * lister les arcs à intégrer - ce sont les sous-intrigues ou les évolutions de chaque personnage ; * s'assurer d'avoir au moins un arc par protagoniste principal ; * lister les scènes-clés, pour leur fond - rebondissement ou progression de l'intrigue - ou leur forme - côté spectaculaire, conflit original ; * intégrer les scènes correspondant à chaque arc, et délimiter grossièrement des parties - exposition, développement I, développement II et dénouement - et leur contenu. (...)
Mais en suivant cette méthode, vous devriez satisfaire vos attentes initiales tout en assurant l'ancrage dans l'Histoire. Ce sera certes toujours à vous et à vos joueurs de transformer l'essai, mais vous devriez avoir quelque chose de suffisamment solide pour vous reposer dessus. (...)
» Soigner son scénario... et scénariser les soins Avec son roman Misery (1987), Stephen King a bien montré qu'un personnage alité pouvait devenir le héros d'unehistoirepalpitante. Pour faire de la convalescence une véritable aventure, il faut la scénariser comme toute autre situation de jeu,c'est-à-dire en travailler les décors, les personnages et les intrigues. (...)Un article écrit pour le premier volume de l'Atelier du JDR paru depuis chez Pinkerton Press et utilisant une campagne de Tenga comme exemple. Jérôme Larré. « Ce n'est que pour les faibles d'esprit que l'Histoire a toujours raison. » - Eugène Ionesco, Notes et contre-notes. « Lorsqu'on est obligé de travailler à l'intérieur d'un cadre strict, l'imagination est d'autant plus sollicitée et produira ses idées les plus riches. » - T.S. Eliot. Longtemps jugé moins divertissant que sa ...