L'araignée de glace
sur Asmodée au format (159 Ko)
Medico, 1666. La tisseuse à la fourrure de velours bleu nuit avait élu domicile près de la grande fenêtre de la chambre. Immobile au milieu d'un piège semblable à un flocon de neige, elle guettait, patiente, les proies imprudentes qui finiraient immanquablement par se prendre dans ses rets. Le reflet d'un rayon de soleil joua quelques instants sur le pelage de la créature, la parant de l'éclat d'un saphir. Un papillon aux ailes multicolores se posa délicatement sur la toile, tenta de repartir ...Contient : fille (11)(...) Un léger sourire joua un instant sur les lèvres du jeune homme, puis se dissipa au moment où la Clotho se tournait vers safille. « Ah ! Vous voici enfin, Sandra ! Vous avez tardé. - Pardonnez-moi, mère. » Elle s'installa de l'autre côté de la table basse, croisa les mains sur ses genoux et attendit. (...)
Une domestique vint peu de temps après, portant sur un plateau d'argent une coupe de fruits frais et une carafe d'eau claire. Elle servit la jeunefillepuis se retira sans un bruit. Sandra se concentra quelques instants sur le contenu transparent du verre de cristal, cherchant discrètement à percer l'Arcane qui guidait la destinée de ce fiancé qu'elle voyait pour la première fois. (...)
Iolanda de Chiarisa, comtessa de Brunelli exultait. Encore quelques heures et elle serait à tout jamais débarrassée de safillehonnie. Encore quelques heures et le destin de la Strega serait à jamais scellé. Condamnée à vivre aux côtés d'un homme qu'elle aimerait éperdument et sur lequel elle n'aurait jamais aucun pouvoir, Sandra passerait le restant de ses jours, enfermée derrière les murs d'un palazzo, à porter les enfants d'un époux tout-puissant et élever ceux que ses maîtresses lui auraient donné. (...)
Tout était parfait, admirablement planifié par ses soins. Connais tes ennemis. Elle connaissait très bien Sandra - après tout, il s'agissait de sa proprefille- et il ne lui avait fallu qu'un bref moment de concentration pour confirmer ce qu'elle ne pouvait que prévoir - qu'elle tomberait immédiatement amoureuse du beau Flavio. (...)
Sandra était déjà là, agenouillée face à une statue du Prophète, en prières. Iolanda s'approcha de safille. Sa vue se brouilla quelques instants, mais la comtessa se reprit rapidement, s'appuyant sur le bénitier. (...)
Avouez tout cela, jurez de ne pas compromettre les noces de Léa et de Flavio et je vous rendrai ceci. » Un sourire malveillant s'inscrivit sur les traits de la comtessa. Safilleaînée était faible, sans défense et, quant à la cadette, la terreur lui avait ôté le peu d'astuce qu'elle possédait. (...)
Sandra serra le mouchoir entre ses mains ; la femme recula, prise d'un violent étourdissement puis repartit à l'attaque, essayant de lui arracher le morceau de tissu et elles perdirent toutes deux l'équilibre, heurtant violemment un banc d'église au passage. La Clotho se releva rapidement, tira des plis de sa robe un poignard effilé et se précipita sur safille. Elles roulèrent à nouveau l'une sur l'autre, la jeune Lachesis parant comme elle pouvait les assauts de la Strega, puis, soudain, la lame de la dague déchira le linge brodé. (...)
Il était attentionné, doux... Elle pouvait l'écouter parler durant des heures, se laisser enivrer par le goût de ses baisers... Elle n'aspirait qu'à le rendre heureux, devenir la mère de ses enfants. Un rêve de jeunefille. Un rêve envolé, perdu. Elle était tombée très vite enceinte et il s'était éloigné d'elle ; elle lui parlait des menus événements de ses journées, des femmes qu'elle avaient rencontrées - épouses discrètes d'autres gentilshommes ou jeune filles fraîchement sorties de l'école - il écoutait distraitement, lui demandait quelques nouvelles de sa santé, l'embrassait en pensant à autre chose et sortait. (...)
Celui-ci tira de sa veste un petit tube de métal, dont il tira un rouleau de toile, qu'il déroula. Il s'agissait du portrait d'une jeunefilleà la chevelure et aux yeux mordorés, aux lèvres pleines et à la peau de nacre. Elle avait peut-être dix-huit ou dix-neuf ans, mais son air sérieux la faisait paraître plus âgée. (...)
Ce visage... Il ne lui était pas étranger. Il ressemblait beaucoup à celui de l'une des serveuses d'une petite taverne sur les docks, unefilleque les clients surnommaient « la Araña de hielo », l'araignée de glace, d'abord parce qu'elle portait toujours sur elle une broche de cristal représentant le petit arachnide, mais également parce qu'elle affichait en toutes circonstances une politesse glaciale, qui arrêtait même les hommes les plus entreprenants. (...)
Elle accepta d'épouser un comte parent des Falisci - un homme d'un certain âge déjà, alors qu'il y avait d'autres partis - et s'arrangea pour le faire disparaître, peu après la naissance de safillecadette, Léa. La fortune et le titre ne lui suffisaient pas, elle voulait toujours plus. Elle décida de faire de ses filles de parfaites marionnettes, qui lui permettraient de s'élever jusqu'aux nues et d'acquérir encore plus de puissance. (...)