Pleure comme Boabdil : je fais pleurer un joueur
sur Bastion rôliste
Le 2 janvier 1492, Boabdil, dernier roi de Grenade, capitula devant les armées des Rois Catholiques. Sur le chemin de l'exil, au lieu-dit : ' le dernier soupir du maure ', Boabdil se retourna vers la capitale de son royaume perdu et pleura. Sa mère lui lança : ' pleure comme une femme ce que tu n'as pas su défendre comme un homme ! ' Je me suis retrouvé agir comme cette mère terrible. Et j'ai fait pleurer un joueur dans une partie de JdR. Voici comment. Les protagonistes : le MJ et moi, 30 ...Contient : joueur (30)Pleure comme Boabdil : je fais pleurer unjoueurLe 2 janvier 1492, Boabdil, dernier roi de Grenade, capitula devant les armées des Rois Catholiques. (...)
Sa mère lui lança : ' pleure comme une femme ce que tu n'as pas su défendre comme un homme ! ' Je me suis retrouvé agir comme cette mère terrible. Et j'ai fait pleurer unjoueurdans une partie de JdR. Voici comment. Les protagonistes : le MJ et moi, 30 ans de JdR à nous deux.JoueurA etJoueurB (appelons celui-ci 'Boabdil'), âgés d'environ 18 ans, 30 mois de JdR à eux deux. Le jeu : Star Wars. (...)
Les personnages : ce sont presque des persos de Star Trek. Des officiers d'un Vaisseau Amiral de la Flotte de la Nouvelle République.JoueurA fait le Commandant en second du Vaisseau Amiral, Boabdil est Chef B., le responsable de la sécurité, et moi je joue l'officier scientifique. (...)
' - 'mais dites-le, cette ligne est militaire et cryptée !' - 'non je dois vous le dire personnellement. Je prends la navette pour monter en orbite.'JoueurA et moi, à Boabdil : - vas-y, accouche, tu es dans la navette maintenant! Dis le nous qu'il y a une prise d'otages ! (...)
Avec un MJ sadique, cela donne la scène suivante : Les officiers attendent au sas de débarquement. Arrive le Chef B.JoueurA/commandant : - 'Allez-vous enfin nous dire...' Boabdil/Chef B : - 'eh bien voilà...' MJ : - Commandant en second, ton communicateur bippe, c'est un appel de l'amiral.JoueurA : - 'un instant, j'ai un appel de l'amiral' (à l'autre bout du communicateur) le Terroriste : - 'Niark niark, je vous informe que je détiens tous les délégués, je vais les tuer les uns après les autres si je n'obtiens pas satisfaction !'JoueurA (raccrochant): - 'hum. Il utilise le communicateur de l'amiral. Qu'aviez-vous à nous dire, chef B ?' Boabdil : - 'eh bien justement, ils ont été pris en otage...' Là je décide de donner une leçon aujoueur. Il a voulu être le chef de la sécurité pour avoir des super-compétences de combat : il va assumer les à-côtés de sa fonction. (...)
L'erreur n'est pas tolérée ; c'est ça le réalisme dans le JdR'. Et j'en remets une couche. Je me tourne versJoueurA et fais : - 'commandant, cet homme est au mieux un incapable, au pire un traître. Je vous demande de le décharger de son autorité, et de la remettre à son adjoint qui est resté en bas.'JoueurA : - 'je ne vois pas comment je pourrais faire autrement' Boabdil : - EH ! MJ etJoueurA : - Tu l'as cherché ! Tu as agi stupidement ! Tu aurais dû rester sur place ! Boabdil/Chef B. (...)
Moment terrible à la table de jeu: Boabdil a les coudes sur la table, il est tout rouge, renifle bruyamment et a les larmes aux yeux. Le MJ décrète une pause et s'en va discuter avec lejoueur. En revenant, le MJ essaye de sauver les meubles : ' ah oui mais il y a un malentendu, en fait il voulait... '. Cette tentative échoue : la gaffe est énorme ;JoueurA et moi restons sur nos positions, enfermés dans la logique de nos personnages dont nous considérons qu'ils ne peuvent passer l'éponge. (...)
Pendant ce temps, on s'en doute, Boabdil s'ennuie autant que son perso. Plus tard, rappel du preneur d'otages. J‘essaye de faire participerJoueurA. Mes conseils : 'surtout, gagne du temps !' Terroriste : - '...et je veux 100 millions de Crédits et la libérations des criminels de la liste qui suit' [dont certains sont détenus par l'Empire...]JoueurA/Commandant : - 'vous vous doutez bien que cela va prendre du temps...' Terroriste : - 'vous essayez de gagner du temps c'est ça ? Et si je vous pressais un peu ? En exécutant quelques otages, par exemple ? Tiens, pourquoi pas la princesse Leïa ?'JoueurA - 'OH NON! Surtout pas la princesse Leïa !' MJ/Terroriste, (souriant sardoniquement) : - 'hin hin, très intéressant ! (...)
Maintenant voyons comment nous pouvons résoudre notre problème, avec les données dont nous disposons'. C'aurait été du roleplay parfaitement dans mon personnage... mais je n'avais pas pensé aujoueur, je n'avais pensé qu'à mon personnage à moi ! Je n'avais pas eu l'intelligence d'Isham dans Odieux, 15 points, qui arriva à ne pas exclure unjoueurde la partie. J'avais agi envers lui comme s'il était un 'ancien' - entre dinos, on se dispute, chacun joue son perso sans se faire de cadeaux, mais on relativise. Bref c'était une faute de jeu, aggravée par le fait que je suis unjoueurexpérimenté et qu'il était relativement novice. Unjoueurexpérimenté, responsable de l'image du jeu de rôles dans son coin, a pour charge de rendre ce loisir agréable aux nouveau venus, et pas de s'enfermer dans des comportements néfastes. Les anciens doivent faire preuve de tolérance envers les nouveaux, au besoin en sacrifiant leur propre plaisir de jouer. (...)
Troisième analyse Les larmes de Boabdil prouvent que j'avais fait pire que m'en prendre à son personnage : je m'en étais pris aujoueurpersonnellement! Philippe Krait écrivait à propos des émotions simulées: '...Mon personnage est très en colère, il lance une tirade venimeuse à un autre personnage. (...)
Conclusion : gardez votre second degré en jouant et assurez-vous que vos partenaires le gardent aussi, ce n'est qu'un jeu. ... En ce qui me concerne, je suis CONTRE la corrélationjoueur-personnage trop forte. Je n'aime pas que lejoueurRESSENTE ce que doit ressentir le personnage, je trouve ça malsain (surtout dans certains jeux). Et tout le but du jeu est de créer cette conscience du personnage justement comme une unité abstraite et indépendante de celle dujoueur, de faire comme si tu le dotais d'une conscience propre différente de la tienne. Et voilà. Je n'avais pas pratiqué de distanciation, je m'étais laissé allé, me disant : 'vous allez voir quel fabuleux acteur refoulé je suis ! (...)
J'avais été trop loin. J'avais perdu de vue que derrière le personnage Chef B, il y avait Boabdil lejoueur. Et que là où j'aurais été charmant et courtois, j'avais involontairement offensé lejoueurà travers son personnage. Sur le forum, je m'étais moqué des appréhensions de PK. J'avais écrit qu'il s'alarmait pour rien. (...)
Disons que ce jour-là pouvait être une leçon pour lui comme pour toi, ce que ta deuxième analyse montre d'ailleurs. Et, étrangement, plus pour toi que pour lui, à mon avis. L'erreur du jeunejoueurt'a conduit à en commettre une à ton tour, en ne montrant pas assez de sang-froid et de recul par rapport à une situation qui t'a surpris et une façon de jouer qui t'a déçu. Lui est un jeunejoueurqui a commis une erreur assez compréhensible finalement: il pensait bien faire en protégeant l'info et en venant vous parler directement. (...)