Constantinople
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Contient : empire (133)Constantinople Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leurEmpire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). (...)
De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables de l'Etat byzantin, par exemple la fréquence et la gravité des révolutions de palais ou des mouvements populaires, la pesanteur de la centralisation administrative, l'immense prestige du patriarcat byzantin qui survécut longtemps à la chute de l'Empire. On peut même dire que Constantinople, comme l'ancienne Rome, mais d'une autre manière, a créé l'empiredont elle devait devenir la capitale: en déplaçant vers l'est le centre de gravité du vieux monde romain, Constantin assurait à l'Orient grec une cohésion qu'il n'avait jamais connue, mais en même temps rendait inévitable à plus ou moins long terme l'abandon de la pars occidentalis . Une monarchie de tradition romaine dans un cadre grec, tel sera bien l'Empirebyzantin. La «ville de Constantin» et sa fondation Peu de souverains ont fait l'objet de discussions aussi passionnées que Constantin. (...)
D'autre part, la disparition de la préfecture du prétoire (fin du IXe s.) fait de la juridiction de l'éparque la plus haute de l'Empire: il s'installe au prétoire et préside même, jusqu'au XIe siècle, le tribunal de l'empereur en l'absence de celui-ci. (...)
En principe, l'éparque administre la ville conjointement avec le Sénat, qu'il préside et représente devant l'empereur, et dont les membres ne relèvent juridiquement que de lui. En fait, le Sénat de Constantinople, s'il a joué constamment un rôle non négligeable dans l'Empire, a cessé très rapidement d'être un organe d'administration municipale. Celle-ci, cependant, est caractérisée par un élément que n'a pas connu la vieille Rome: l'importance politique prise par les factions du cirque, les dèmes, durant les trois premiers siècles de l'Empire. La lutte des factions Les dèmes sont à la fois des associations sportives dont les cochers du cirque portent les couleurs (le bleu et le vert), des milices qui participent à la défense de la ville comme à la construction et à l'entretien des remparts, enfin de véritables partis politiques implantés dans des quartiers différents, et qui représentent des milieux et des intérêts divers: les Bleus sont plutôt dirigés, semble-t-il, par les propriétaires fonciers, les Verts par la bourgeoisie commerçante et industrielle. (...)
Ce fut peut-être pis encore sous le règne de Phocas (602-610), durant lequel la lutte des Bleus et des Verts, étendue à tout l'Empire(car les dèmes avaient des ramifications dans toutes les grandes villes de province), dégénéra en une guerre civile qui laissa l'Etat sans défense contre l'invasion perse. (...)
Cependant le régime des dèmes ne disparut pas sans avoir marqué pour toujours la sensibilité politique du peuple constantinopolitain. La capitale de l'Empireresta une cité nerveuse, inquiète, prompte à l'émeute comme à la panique, et dont les souverains ne pouvaient impunément ignorer ou négliger l'opinion. (...)
Parmi les autres édifices publics, il faut mentionner au moins la Basilique, magnifiquement ornée de statues, où était peut-être installée l'Université, et le Milion, sorte d'arc de triomphe situé non loin de Sainte-Sophie, et qui était le point de départ des routes européennes de l'Empire. Un autre genre de monuments remarquables est constitué par les aqueducs et les citernes indispensables pour alimenter en eau, dans une région pauvre en sources, la population d'une grande cité. (...)
Beaucoup d'entre elles avaient leurs fêtes propres, qui attiraient les fidèles des quartiers les plus lointains. BYZANCE La délimitation dans le temps de l'Empirebyzantin a toujours été flottante. Non pour la date de sa fin: l'Empireest mort avec son dernier souverain, Constantin XI, au matin de la chute de Constantinople, le 29 mai 1453, sur la brèche de la porte Saint-Romain. C'est sa date de naissance qui est controversée, quoique les Byzantins n'aient jamais eu là-dessus d'hésitation: pour eux, leurEmpiredate du règne d'Auguste. Il y a du vrai dans cette conception: dans l'évolution qui mène à travers quinze siècles du princeps au dernier basileus , on discerne bien des mutations plus ou moins brusques, mais jamais de véritables ruptures. (...)
Au XVIIIe siècle, on ne voyait dans l'histoire grecque du Moyen Age que l'interminable prolongement d'une décadence commencée avec le Bas-Empire. Les deux éléments essentiels à l'aide desquels s'est formée la monarchie de caractère proprement byzantin apparaissent dès le règne de Constantin. (...)
Le premier est la fin du conflit entre le christianisme et le pouvoir impérial; il faudra moins d'un siècle depuis les édits de tolérance pour qu'une étroite alliance de l'un et de l'autre devienne une des bases de l'Etat. Le second est l'existence, à partir de 330, d'une « nouvelle Rome » dans la partie orientale de l'Empire: romaine en effet par ses institutions, elle est grecque par son peuplement, sa langue et sa culture; et c'est par elle que le monde grec recevra enfin l'organisation politique puissante qu'il n'a encore jamais connue. (...)
Et ce rôle politique de Constantinople se double d'un rôle stratégique que la Rome impériale n'avait pas joué: à l'Empireassiégé de toutes parts, elle servit souvent de donjon, imprenable jusqu'en 1204. Cette monarchie orientale et romaine, fortement centralisée, profondément chrétienne, centrée sur le domaine grec, n'apparaît pleinement constituée que sous Héraclius. (...)
Mais il est légitime d'en faire remonter l'histoire à l'époque où la séparation définitive des deux parties de l'Empireconstantinien, après la mort de Théodose Ier (395), va mettre les souverains de Byzance aux prises avec des problèmes propres à la pars orientalis , problèmes qui les amèneront, comme malgré eux, à transformer l'Etat romain en Etat byzantin. (...)
Il est commode, bien qu'évidemment arbitraire, de fixer le début de l'âge byzantin de la littérature grecque à la date où l'on fait traditionnellement commencer l'Empirebyzantin. Mais on ne perdra pas de vue le fait que la mort de Théodose Ier ne correspond à aucune coupure, à aucun événement intellectuel nouveau. (...)
Si les Byzantins se sentent politiquement des Romains (leurs historiens parlent toujours de l'empereur, de l'armée ou du peuple des Romains, jamais des Grecs), par la culture, ils se sentent entièrement grecs, héritiers directs de la civilisation classique et hellénistique. C'est que, dans l'Empired'Orient épargné par les invasions barbares, il n'y a pas eu de rupture profonde entre l'Antiquité et le Moyen Age. (...)
Dans cet Etat fortement administré, l'art de bien dire, la précision et la subtilité de l'expression étaient choses primordiales pour les juristes et les théologiens qui formaient les cadres civils et religieux de l'Empire, et cela explique l'attention extrême portée à la rhétorique - essentiellement conçue comme une technique - et même aux recherches grammaticales. (...)
C'est pourquoi l'autorité politique de la Cour se double, surtout aux périodes d'expansion, d'une influence littéraire, fort différente d'un pur mécénat; cela se voit à l'importance que prennent à Byzance l'éloquence d'apparat, oraisons funèbres ou éloges impériaux (c'est là une forme du culte impérial), et l'histoire, dont le rôle est de célébrer à la fois des fastes des souverains et la mission civilisatrice de l'Empirechrétien. Cette tutelle a-t-elle été ressentie comme une contrainte? C'est douteux, sauf dans les cas où le pouvoir prenait parti pour l'hérésie. (...)
En temps normal, le non-conformisme ne s'accordait guère avec le tempérament byzantin - non qu'il fût moutonnier (Constantinople est par excellence la ville des émeutes), mais parce que, dans son nationalisme ombrageux, surtout à partir d'Héraclius, il se dénie toute liberté à l'égard de la mission assignée par Dieu à l'Etat romain. L'art byzantin est une filiation et une rupture. Byzance avait succédé à l'Empirede Dioclétien mais son art fut essentiellement celui de Constantinople, ville brusquement surgie en 330, par la seule volonté de Constantin le Grand, qui lui donna son nom en même temps que le tracé de ses rues, de ses péristyles, de ses églises, de ses places. (...)
Henri Matisse n'avait pas négligé les leçons des icônes; la violente douceur de la célèbre Trinité de Roublev semble toujours vibrer dans les meilleures oeuvres d'un Kandinsky ou d'un Larionov. 1. L'Empirebyzantin : L'ère protobyzantine (395-610) : L'Empirebyzantin est né en quelque sorte par hasard. Quand Théodose Ier, qui avait conféré le titre d'auguste à ses deux fils, Arcadius et Honorius, légua au premier le gouvernement de l'Orient et au second celui de l'Occident, il ne crut pas - ni personne en son temps - avoir procédé à un partage définitif; dans son esprit il ne s'agissait même pas d'un partage à proprement parler: ses deux fils n'étaient pas les souverains de deux Etats distincts, ils étaient deux coempereurs qui se partageaient les responsabilités d'un mêmeEmpire, où les décisions, qu'elles fussent prises pour l'Orient ou pour l'Occident, l'étaient en leur nom à tous deux. Cette conception, qui survécut longtemps aux règnes des deux frères (puisque le Code de Théodose II, en 438, fut promulgué aussi au nom de Valentinien III), explique l'énergie avec laquelle les empereurs orientaux de cette période, Justinien le tout premier, s'accrochèrent au passé, rêvèrent de reconstituer l'Empireuniversel. Ils ne portaient pas encore le titre grec de basileus et ne se considéraient pas comme des souverains grecs: au vrai, ils ne l'étaient guère. (...)
Cette période ambiguë, où l'élément grec ne finira par s'imposer que sous la pression des événements, et non pas selon un plan concerté, mérite donc bien le nom d'Empireromain d'Orient qui lui est parfois donné. Les Barbares : On peut y distinguer trois phases. Durant la première, qui correspond aux règnes des faibles successeurs de Théodose Ier et des empereurs imposés par les milices barbares (395-491), l'Orient ne peut guère mieux faire que de survivre aux grands bouleversements qui emporteront la pars occidentalis . (...)
On pourrait se demander pourquoi l'or de Byzance, au lieu d'être gaspillé en tributs, ne servait pas plutôt à renforcer l'armée pour la rendre apte à mieux défendre les frontières. C'est que l'Empiremanquait d'hommes, non seulement du fait de la dénatalité (qui se fera sentir au moins jusqu'à la fin du VIe siècle), mais aussi parce que le régime dominant était celui de la grande propriété, très peu favorable au recrutement militaire. (...)
Il faut remarquer aussi que ce tribut était moins une marque de sujétion humiliante que l'instrument d'une fructueuse opération commerciale: l'or byzantin était en grande partie récupéré sur les marchés frontières installés par l'Etat et où, à des prix imposés par lui, les Barbares achetaient les marchandises de luxe fabriquées dans l'Empire. Cette manière de subvention détournée en stimulant la production industrielle, profitait au fisc. (...)
Cette doctrine, qui niait que l'humanité du Christ fût une nature complète comme l'était sa divinité, était incontestablement une hérésie; elle n'en fit pas moins beaucoup d'adeptes en Syrie et en Palestine et contribua grandement à détacher ces provinces de l'Empire. Equilibre politique et crise religieuse : Avec l'avènement d'Anastase Ier (491) commence une seconde phase que l'on peut clore à la mort de Justinien (565) et où l'on voit l'Empireretrouver son équilibre politique sans parvenir à surmonter la crise religieuse. Anastase, fonctionnaire âgé qu'Ariadne, la veuve de Zénon, épousa à la demande du Sénat pour que le trône pût lui être donné, fut un grand administrateur et un excellent financier. (...)
Mais cette mesure ne suffit pas à restaurer la paix intérieure, car Anastase soutint de plus en plus ouvertement le parti monophysite, dont il professait secrètement la doctrine, et favorisa le dème (parti) des Verts, qui, composé surtout d'Orientaux, représentait le monophysisme dans la capitale. Il en résulta des troubles qui ne cessèrent qu'à la mort de l'empereur. L'élection à l'Empiredu comte des excubiteurs (commandant de la garde palatine), Justin, vieux soldat peu lettré dont la femme était une ancienne esclave barbare, fut le signal d'une violente réaction orthodoxe. (...)
Mais le parti monophysite était désormais trop puissant pour qu'on pût l'éliminer, et le grave problème qu'il posait pour l'unité de l'Empiredevait empoisonner tout le règne de Justinien. Si le bilan de celui-ci fut positif en d'importants domaines (législation, culture, commerce extérieur), il s'avéra vite que Justinien avait surestimé les ressources militaires et économiques de l'Empire, qui ne pouvait à la fois garantir ses frontières du Danube et de l'Orient et défendre la pars occidentalis contre un retour offensif des Barbares; en revanche il avait largement sous-estimé le danger slave. Enfin, il avait épuisé le Trésor au point que son successeur, Justin II, ne put payer le tribut au roi perse Chosrau Ier. L'Empiremenacé : Justin II rouvrit les hostilités. Pour faire front, on dut abandonner une grande partie de l'Italie aux envahisseurs lombards et laisser les Avars et les Slaves ravager les Balkans et même la Grèce. (...)
Les troubles qui suivirent ce pronunciamento , et auxquels Phocas ne sut répondre que par un régime de terreur, favorisèrent l'invasion des Perses par la Cappadoce, des Slaves et des Avars par le Danube. En 610, à la fin de sa troisième et dernière phase, l'Empireromain d'Orient, encore solide intérieurement, semblait devoir être bientôt écrasé sous la double pression de l'Asie et de l'Europe barbare. (...)
Cette période qui vit réduire de moitié l'étendue des territoires où s'était exercée l'autorité de Justinien, couper les grandes voies commerciales vers l'Orient et l'Occident, reculer la culture et l'activité urbaine, amener par deux fois l'ennemi jusque sous les murs de la capitale, présente tous les aspects d'une décadence. Les raisons d'une survie : L'Empire, en fait, ne présente alors que les aspects extérieurs d'une décadence, car une rénovation si profonde s'opère que beaucoup d'historiens datent du règne d'Héraclius le début de l'Empirebyzantin à proprement parler, c'est-à-dire de l'Etat grec du Moyen Age. La survie de cet Etat à travers une si terrible crise étonnait les philosophes français du XVIIIe siècle, et même un Montesquieu, d'ordinaire plus perspicace et mieux informé, ne voyait dans l'histoire byzantine qu'« un tissu de révoltes, de séditions et de perfidies ». Elle est due, sans doute, aux forces vitales que l'Empiregardait encore en lui, mais aussi à une double chance. La première est d'ordre géographique: l'attaque arabe, dont le point de départ se situe à peu près à la jointure de l'Afrique et de l'Asie, tomba d'abord sur l'Egypte et les provinces d'Orient, qui, précisément, par leur situation excentrique, leur attachement à l'hérésie, le prestige même de leurs vieilles capitales, constituaient un obstacle à l'unité de l'Empire. Ce qui resta de celui-ci après la perte de ces provinces forma désormais autour de la capitale un bloc plus cohérent et plus difficile à entamer. La seconde chance de l'Empire, c'est que les Héraclides aient su renoncer au rêve universaliste de la dynastie justinienne et comprendre assez tôt qu'à cet Etat, remodelé par le nouvel équilibre politique de l'Asie antérieure, il fallait des institutions nouvelles. A sa mort, Héraclius laissait unEmpireamputé par les Arabes de l'Arménie, de la Mésopotamie, de la Syrie-Palestine et bientôt de l'Egypte; les Balkans, submergés par les Slaves de la mer Noire à la Dalmatie, échappaient pour le moment à l'autorité impériale. (...)
La situation intérieure eût donc été saine si Héraclius, rééditant l'erreur de Justinien, n'avait pas inventé de réconcilier les monophysites et les orthodoxes à l'aide du monothélisme, doctrine qui n'admet qu'une seule volonté chez le Christ, et dont les seuls effets furent d'allumer une nouvelle querelle religieuse et de tendre les rapports de l'Empireavec la papauté. Après la mort prématurée de Constantin III et la déposition d'Héraclonas - coupable surtout d'être le fils de l'impopulaire Martine, la deuxième épouse d'Héraclius -, le Sénat donna le trône au jeune Constant II, dont le règne fut marqué surtout par l'irrésistible progression des Arabes, qui sous Moawiya occupèrent Césarée de Cappadoce, puis se lancèrent sur mer et ravagèrent Chypre, Rhodes, Cos et la Crète. (...)
Constant fut plus heureux dans les Balkans, où il réussit à reprendre pied; mais le point le plus faible de l'Empireétait encore l'Occident, que menaçaient particulièrement les progrès des Arabes en Méditerranée. (...)
Du moins restaura-t-il la paix religieuse en liquidant le monothélisme, que la perte désormais assurée des provinces orientales rendait sans objet. Ce fut l'affaire du troisième Concile de Constantinople (680-681). Par malheur pour l'Empire, Constantin IV mourut jeune, laissant le pouvoir à un jeune homme de seize ans, Justinien II, fort doué, mais d'un tempérament despotique et mal équilibré. (...)
L'iconoclasme: dynasties isaurienne et amorienne (717-867) : La sévérité des historiens des siècles passés à l'égard de l'Empirebyzantin tient en grande partie aux querelles religieuses qui s'y sont succédé presque sans interruption jusqu'au milieu du IXe siècle, et qui ont semblé si futiles aux esprits modernes. La violence de ces querelles vient de ce qu'elles mettaient en jeu l'unité de l'Empire; dans l'Occident déjà politiquement morcelé, mais spirituellement uni autour d'un unique patriarche, le pape, elles n'auraient pu être de si grande conséquence. (...)
Quand elle eut détrôné et fait aveugler son propre fils, l'incapable et impopulaire Constantin VI, et qu'elle se fut proclamée empereur, elle ne sut ni administrer l'Etat, ni éviter la défaite sur le front arabe et sur le front bulgare, ni surtout épargner à Byzance l'humiliation de voir ressusciter avec Charlemagne unEmpirerival en Occident. Un coup d'Etat la renversa après cinq ans d'un règne désastreux. Les années qui séparent la chute d'Irène de la seconde période iconoclaste auraient été dans l'ensemble réparatrices, si la puissance des Bulgares, débarrassés par les victoires de Charlemagne de leurs ennemis avars, n'avait pas grandi dans d'inquiétantes proportions. (...)
La dynastie macédonienne et l'apogée de Byzance (867-1081) : En se débarrassant par un meurtre sordide de son bienfaiteur Michel III, il se trouva que Basile Ier installait au pouvoir, pour deux siècles, la dynastie dite macédonienne - en réalité d'origine arménienne - qui allait mener l'Empireà son apogée. La continuité remarquable que l'on observe dans l'oeuvre des Macédoniens nous oblige à la considérer dans son ensemble plutôt que d'insister sur la part personnelle que chaque souverain y a prise. (...)
Il est juste d'ajouter que ces usurpateurs furent tous d'excellents souverains. Prospérité matérielle et développement culturel : L'expansion politique de l'Empirese double d'un développement culturel; amorcé sous les Amoriens, il a été consciemment encouragé, voire dirigé par la plupart des souverains macédoniens (avec, il est vrai, une exception notable qui est Basile II); les uns furent surtout des lettrés comme Léon VI et Constantin VII, les autres de grands bâtisseurs, tel Basile Ier. (...)
D'autre part, le haut niveau de la culture était indispensable au recrutement du personnel administratif dont l'Empireavait besoin. C'est en effet sous les Macédoniens que les progrès du système administratif sont le plus notables. (...)
Dans l'administration locale, caractérisée par la multiplication des thèmes qui désormais couvrent tout le territoire de l'Empire, la hiérarchie militaire continue de dominer la hiérarchie civile; mais un fonctionnaire peut passer facilement de l'une à l'autre. L'Empirea compensé la perte des provinces orientales par un grand développement de l'activité industrielle et commerciale. (...)
Byzance ne pouvait ni laisser la Méditerranée et ses villes côtières exposées aux pirateries arabes, ni tolérer l'existence d'unEmpirebulgare qui, installé à la fois sur le Danube et sur les côtes dalmates, menaçait de couper la route de Venise et la voie terrestre menant en Russie du Sud. (...)
Dans la première (867-944) que clôt le règne décisif de Romain Lécapène, on voit s'édifier l'oeuvre législative de Léon VI et le vaste monument littéraire et scientifique de Constantin VII; en Orient et en Occident, l'Empirefait front devant les Arabes, avec des succès divers, mais il n'échappe qu'à grand-peine au péril que lui fait courir le tsar de Bulgarie, Syméon. (...)
La deuxième (944-1025), dont les deux tiers sont remplis par le long et brillant règne de Basile II, met l'Empireà son plus haut point de puissance et de prospérité. La troisième (1025-1081) est l'ère des « époux de Zoé »; ce demi-siècle suffit pour précipiter Byzance dans la pire détresse. (...)
Quant aux relations avec les Russes, elles devinrent satisfaisantes, lorsque l'assaut manqué de 941 contre Constantinople leur eut démontré qu'il était plus avantageux de commercer avec l'Empireque d'essayer de piller sa capitale. Romain Lécapène fut renversé par ses propres fils, ambitieux et impatients; mais ceux-ci ne trouvèrent aucun partisan, et durent céder la place à Constantin VII, qui allait enfin exercer le pouvoir. (...)
Non seulement il reconquit Chypre et la Crète, ce qui fermait la mer Egée aux flottes musulmanes, mais il fut le premier général grec, depuis l'invasion arabe, à forcer la ligne du Taurus, à pénétrer en Cilicie et en Syrie: en 969, la vieille cité d'Antioche, ou ce qui en restait, rentrait dans le sein de l'Empire. Au milieu de ces succès, Nicéphore mourut assassiné par son neveu Jean Tzimiskès, à l'instigation de Théophano, la maîtresse du meurtrier. (...)
Celui-ci accédait au pouvoir dans le moment même où le prince russe Svjatoslav, qui venait de détruire les royaumes des Khazars et des Bulgares, dressait contre Byzance les forces de son jeune et immenseempire. Tzimiskès, aussi brillant homme de guerre que Phocas, régla son compte à Svjatoslav en quatre mois et annexa la Bulgarie (971). (...)
Mais ces deux règnes n'avaient pas été aussi bienfaisants, il s'en faut, pour l'équilibre social de l'Empire. Les Macédoniens, depuis Basile Ier, ayant réservé à l'aristocratie les commandements militaires, il était fatal que l'on vît arriver au pouvoir les chefs de ces armées si souvent victorieuses; or ces chefs étaient en même temps les représentants de la classe des grands propriétaires provinciaux, dont ils soutinrent évidemment les intérêts. (...)
Après la mort de Jean Tzimiskès, le pouvoir effectif revint, non sans difficulté du reste, aux descendants directs de Basile Ier, qui ne l'avaient, en somme, exercé qu'à de rares intervalles et sans éclat depuis la mort de Léon VI. L'Empireeut la chance d'avoir Basile II le Bulgaroctone (957-1025) à sa tête dans la terrible lutte qui l'opposa à la Bulgarie renaissante. (...)
A sa mort, le plus grand des empereurs byzantins laissait un Etat qui s'étendait à l'est jusqu'au mont Ararat, au nord jusqu'à la ligne du Danube et de la Drave, à l'ouest jusqu'à l'Istrie, au sud jusqu'aux abords de Tripoli; la côte sud de la Crimée, l'Italie méridionale jusqu'à Teano étaient byzantines. Le centre de gravité de l'Empireétait reporté vers l'Europe, ce qui diminuait encore l'influence des grands propriétaires d'Asie Mineure. (...)
Sur son lit de mort, il maria l'une de ses trois filles, Zoé, qui avait la cinquantaine, à l'éparque (préfet) de Constantinople, Romain Argyre. Avec le premier des « époux de Zoé » commencent à la fois la décadence de l'Empireet le règne de la noblesse civile et constantinopolitaine, dont la rivalité avec la noblesse militaire et rurale de la province explique l'instabilité du pouvoir pendant le demi-siècle qui va suivre. (...)
En outre, la poussée des peuples turcs (Petchenègues installés sur le Danube depuis Basile II, Polovtzes en Russie du Sud, Seldjoukides aux frontières orientales) coupe les voies de communication vers le nord et l'est; cela entraîne le déclin du commerce et de l'activité urbaine, alors que la fiscalité pèse de plus en plus lourd sur les classes les moins favorisées et sur les vassaux bulgares et slaves et contribue à détacher ceux-ci de l'Empire. Enfin, de nouveaux dangers extérieurs apparaissent à l'horizon. Les Turcs, qui vont régner à Bagdad à partir de 1055, ne sont pas les seuls qu'attirent la richesse légendaire de Byzance et le luxe de sa capitale: des aventuriers normands se sont établis en 1029 dans l'Italie du Sud. (...)
Cela signifiait pour l'armée un retour au mercenariat. Les armes byzantines étaient toujours puissantes: l'Empires'était encore agrandi, depuis la mort de Basile II, par l'annexion d'Edesse, du royaume arménien d'Ani, de la Sicile occidentale. (...)
Quand la maison de Macédoine se fut éteinte en 1056, la crise financière ne fit que s'aggraver, d'abord sous Michel VI, puis - après une brève réaction qui mit à la tête de l'Empireun des chefs de l'armée d'Asie, Isaac Comnène - sous Constantin X, le protégé de Michel Psellos. (...)
Grandes ambitions, faibles moyens : D'Alexis Ier à Manuel, on voit les Comnènes suivre une politique de plus en plus ambitieuse, s'abandonner au rêve d'unEmpirereconstitué dans toute sa puissance, sans voir que l'état social et économique du pays ne le permet plus. (...)
Il fallut surtout utiliser les services des croisés, dont l'avidité stupéfia Anne Comnène, et de la marine vénitienne, qui se fit payer en privilèges commerciaux, ruineux pour l'Empire. Les exploits et les travaux d'Alexis Ier avaient, en 1118, refait de Byzance une grande puissance, à vrai dire rejetée vers l'Orient par la perte de l'Italie du Sud et de presque toute la Dalmatie, et menacée au sud de son domaine asiatique par les jeunes principautés franques . (...)
Quand l'empereur mourut, quatre ans après la grave défaite de Myrioképhalon infligée par le sultan d'Iconium Kilidj Arslan, il n'avait guère que des ennemis en Occident, et il laissait un Etat épuisé où les charges militaires accablantes dévoraient progressivement toutes les sources de revenus. Fin de l'Empiregrec : Il ne fallut qu'un quart de siècle pour que, après trois règnes si brillants, l'Empiregrec non seulement perdît toute sa puissance, mais fût rayé de la carte. L'étonnante aventure d'Andronic Comnène, qui aurait peut-être sauvé Byzance si elle avait réussi, fut pour elle le début du chaos. (...)
Le succès de sa rébellion, en 1182, fut le signal du massacre général des Latins à Constantinople, où il entra en triomphateur et ceignit la couronne du jeune Alexis II, qu'il fit étrangler ainsi que la régente sa mère. Son court règne, commencé dans le sang, fut étonnamment bienfaisant pour l'Empire: il lutta avec une énergie sauvage contre la corruption des fonctionnaires et l'injustice fiscale. Naturellement, il vit se dresser contre lui toute l'aristocratie et, lorsque l'Empirefut envahi à la fois par les Hongrois de Béla III et les Normands de Guillaume II de Sicile, l'agitation intérieure ne lui permit pas de leur opposer une défense efficace. (...)
L'émeute s'était trouvé un chef, un peu par hasard, dans la personne d'un lointain parent des Comnènes, Isaac Ange, qui fonda ainsi sans l'avoir cherché une brève et lamentable dynastie. Sous son règne, l'Empirecommença de se décomposer: Chypre passa aux Lusignans, l'Empirebulgare ressuscita avec le tsar Jean Ier Asen. La détresse de Byzance devint si évidente que la conquête de l'Empire, plusieurs fois manquée par les Normands d'Italie, rêvée plus récemment encore par Frédéric Barberousse, parut possible au doge de Venise Enrico Dandolo: il y était stimulé à la fois par la haine et le mépris réciproques qui séparaient les Grecs et les Latins depuis le schisme et les croisades, et par le désir qu'avait Venise d'installer à Constantinople un gouvernement à sa dévotion pour pouvoir exploiter l'Empiresans risques et sans contrainte. Dandolo était un politique de génie: il sut mettre à profit à la fois la quatrième croisade lancée par le pape Innocent III et les prétentions du jeune Alexis Ange, fils d'Isaac que son frère Alexis III avait détrôné et aveuglé. Sous le prétexte de chasser l'usurpateur, les croisés se laissèrent volontiers détourner vers Constantinople et la prirent. (...)
Le 13 avril 1204, les croisés forçaient la ville et la soumettaient à un épouvantable pillage: de mémoire d'homme, on n'avait jamais fait un si riche butin. Et suivant un plan soigneusement préparé d'avance, l'Empirefut partagé entre la république de Venise et les chevaliers francs. L'Empirede Nicée (1204-1261) : Les complices de l'opération de 1204 ne purent la mener complètement à bien. Chose curieuse, ce fut la décadence même de l'Etat byzantin qui aida à sa survie: dans un pays où les forces centrifuges l'emportaient désormais sur la volonté centralisatrice d'un pouvoir affaibli, il ne suffisait plus de frapper à la tête et de s'emparer de la capitale pour voir l'ensemble de l'Empiretomber sous la domination du conquérant. Ses parties les plus éloignées de Constantinople, à l'est la région de Trébizonde, à l'ouest l'Epire, restèrent grecques et se constituèrent en royaumes indépendants. (...)
Surtout, l'Asie Mineure dut à l'énergie de Théodore Lascaris, gendre d'Alexis III, qui semble avoir été élu empereur par le clergé quelques heures avant la prise de Constantinople, d'échapper à la conquête pour sa plus grande partie et de former le noyau à partir duquel sera reconstitué l'Empire, en moins de soixante ans, avec une habileté digne des plus grands souverains de Byzance. Venise : Dans le partage de ce que les croisés avaient pu conquérir, Venise se taillait la part du lion: avec les principaux ports et la plupart des îles, un très vaste quartier de Constantinople, une franchise commerciale absolue dans tout l'Empireet le monopole de l'élection du patriarche, les Vénitiens devenaient les véritables maîtres de la conquête franque et en recueillaient les meilleurs bénéfices. Le reste du territoire, sous la suzeraineté d'un empereur élu qui fut Baudouin de Flandre, était distribué entre les chevaliers et devenait une mosaïque de principautés féodales, dont les plus importantes furent le royaume de Thessalonique que s'attribua Boniface de Montferrat et la principauté française d'Achaïe, dans le Péloponnèse. (...)
Ainsi le vieil Etat des Macédoniens, dont l'organisation déjà moderne était naguère en avance de plusieurs siècles sur tout le reste de l'Europe, était ravalé à la condition d'unempirecolonial et d'un royaume féodal. Innocent III Innocent III avait rêvé de faire de ce nouvel Etat le soutien et la forteresse de la croisade: sa forme archaïque le rendait bien incapable de jouer ce rôle. (...)
Alors il se tourna vers Nicée, où ses délégués participèrent à l'élection d'un patriarche qui couronna empereur Théodore Lascaris. L'Empireavait de nouveau un chef consacré et reconnu, et ce chef se trouva être fort redoutable pour les Latins. (...)
En 1210, il était devenu assez fort pour repousser l'attaque du sultan d'Iconium, qu'il tua de sa main. Mais il rencontra rapidement un adversaire plus redoutable que l'Empirelatin, dont la décadence commença dès la mort de Henri de Hainaut, le seul souverain de valeur qu'il ait eu à sa tête. L'ambition du despote d'Epire Michel Ange était aussi de ressusciter à son profit l'Empirede Byzance: et c'est la rivalité des deux principaux Etats grecs qui prolongea la vie moribonde de l'Empirelatin. Sous Théodore Ange, qui prit le titre de basileus, l'Etat d'Epire s'étendit à une vitesse foudroyante, presque jusqu'aux portes de Constantinople. (...)
Un grand homme d'Etat : A Nicée régnait depuis 1222 un remarquable homme d'Etat, Jean Vatatzès. A sa mort, l'Empire, qui avait récupéré presque toutes les conquêtes des Latins dans le nord-ouest de l'Asie Mineure ainsi que les grandes îles de la côte asiatique, de Lesbos à Rhodes, s'étendait désormais sur les deux rives de l'Hellespont, sur toute la côte nord de la mer Egée, englobait la Thrace jusqu'à la Maritsa, la Macédoine jusqu'à la hauteur de Skoplje et même atteignait l'Adriatique au nord de Dyrrachium. (...)
En 1258, Michel VIII devait même faire face à une coalition du roi de Sicile Manfred, du despote d'Epire, du prince franc d'Achaïe et du roi serbe, tous menacés par une restauration de l'Empirebyzantin. Gênes : La coalition fut battue à Pélagonia en Macédoine (1259), et deux ans plus tard une petite troupe de Grecs occupa par surprise Constantinople que, à leur grand étonnement, ils trouvèrent presque sans défenseurs. (...)
Mais entre-temps, croyant à tort que la ville était difficile à emporter, il avait concédé aux Génois, en échange du concours de leur flotte qui lui semblait indispensable, les mêmes privilèges commerciaux que Venise avait jadis possédés dans l'Empire. Celui-ci, en mettant le Paléologue à sa tête, était retombé au pouvoir d'une aristocratie décidément fermée à l'intelligence des réalités économiques: sous sa direction, il s'engageait une seconde fois dans une voie qui l'avait déjà mené à la catastrophe. (...)
Les Paléologues et la chute de Byzance (1261-1453) : En faisant aveugler le petit Jean IV, héritier légitime des Lascaris, Michel VIII installait à Byzance une dynastie qui devait durer jusqu'à la fin de l'Empire. L'histoire de cette dynastie comporte deux parties: les vingt ans de règne de Michel VIII lui-même, qui semblèrent inaugurer une nouvelle période de puissance et de grandeur pour l'Empire, et une décadence de près de deux siècles qui aboutit à sa disparition définitive. Il ne faut pas en déduire que tous les successeurs de Michel VIII furent des incapables; mais, eussent-ils tous été géniaux, il n'était pas en leur pouvoir de résoudre des problèmes que le règne de Michel VIII avait contribué à rendre insolubles. (...)
Bien au contraire, elles occasionnèrent de graves troubles sociaux, surtout à Thessalonique, seconde ville de l'Empire, qu'ensanglanta au milieu du XIVe siècle la révolte populaire des zélotes. Jean Cantacuzène : Andronic II, qui avait recueilli le lourd héritage de Michel VIII, passa tout son long règne à se débattre contre ces difficultés. (...)
Andronic III devait sa victoire à Jean Cantacuzène, grand homme d'Etat qui accomplit une excellente réforme judiciaire et réussit à faire rentrer l'Epire et la Thessalie dans le sein de l'Empire. Mais à la mort d'Andronic éclata une guerre civile entre les partisans du tout-puissant ministre et ceux de l'impératrice Anne de Savoie, qui se disputaient la régence (1341-1346). (...)
Au cours de ces luttes longues et confuses, chacun des partis fut fatalement amené à solliciter l'appui de l'étranger; ce fut le signal du démembrement de l'Empire. Sous Andronic III, sa partie asiatique disparut, occupée par les Osmanlis; sous Jean VI, le grand roi serbe Etienne Douchan lui enleva les provinces balkaniques récemment récupérées, réduisant de moitié le territoire qui lui restait; Gênes s'emparait de Chio; enfin en 1354, le sultan osmanli Ourkhan prenait pied en Europe par l'occupation de Gallipoli. (...)
S'ils laissent à celle-ci la possibilité de redevenir un Etat puissant, ils savent qu'ils ont tout à craindre de l'explosion des haines accumulées contre eux depuis deux siècles, dans tout l'Orient. C'est un peu la situation des Athéniens à l'égard de leurempiremaritime pendant la guerre de Péloponnèse. C'est précisément cette haine inexpiable à l'égard de l'Occident qui fera échouer aussi les projets d'union du côté grec. Dans l'écroulement général de l'Empire, il n'a subsisté que trois choses: le despotat de Morée, l'Université et le patriarcat, dont le prestige et l'autorité dépassent de loin ceux de l'empereur. (...)
A ce moment, les empereurs byzantins étaient déjà passés sous la vassalité des Turcs et leur payaient tribut: désormais les sultans faisaient et défaisaient à leur guise les souverains qui avaient jadis régné de l'Espagne à l'Arménie. La prise de Constantinople : A l'avènement de Manuel II (1391), l'Empireétait réduit à sa capitale et à la principauté de Morée, dont la prospérité, sous l'intelligent gouvernement de vice-rois héréditaires, contrastait avec la misère de Constantinople. (...)
En revanche, la chute de Constantinople parut imminente après le désastre de Nicopolis (1396) où s'abîma la croisade organisée par le roi de Hongrie Sigismond et le comte de Nevers. L'invasion inopinée de l'empireosmanli par les Mongols de Tarmerlan et la défaite de Bajazet à Angora (1402) procurèrent à Byzance un sursis de cinquante ans, lui permettant même de reconstituer un embryon d'empireen Thrace et d'améliorer encore sa situation en Morée, dont les Latins furent presque entièrement éliminés. Mais l'abaissement des Osmanlis fut de courte durée. (...)
Manuel II était mort en 1425, regretté de tout le peuple; homme bon et de grand caractère, respecté des Turcs eux-mêmes, au surplus grand ami de la culture et écrivain de talent, il avait su attirer les étudiants occidentaux dans l'Université réorganisée par ses soins. Son fils Jean VIII, pour sauver l'Empire, était décidé à conclure coûte que coûte l'union, avec Rome; il se rendit en Italie à cet effet. (...)
Elle fut écrasée à Varna (1444) par Mourad II; à Constantinople, le parti de l'union n'avait pas eu un meilleur sort. Ce double échec scellait le destin de l'Empire. A son avènement, en 1451, Mahomet II décidait de faire de Constantinople sa capitale. Le dernier empereur grec, ancien despote de Morée, Constantin XI, ne pouvait espérer aucun secours de l'Occident, en dehors d'un petit contingent génois; il choisit cependant de résister à la formidable armée turque, vingt fois plus nombreuse que ses troupes. (...)
Après une défense désespérée qui dura sept semaines, la ville fut prise grâce à l'artillerie de Mahomet II, et Constantin, ne voulant pas survivre à l'Empire, se fit tuer dans la mêlée. En 1460, le despote de Morée, Démétrius Paléologue, montrait moins d'héroïsme et livrait Mistra aux Turcs. Enfin, en 1461, était annexé le minusculeempirede Trébizonde; la nation grecque disparaissait jusqu'au XIXe siècle de la carte du monde. 2. La littérature byzantine : Le temps des incertitudes (395-610) : De la mort de Théodose à l'avènenement d'Héraclius, on compte deux siècles pendant lesquels Byzance hésite encore entre sa vocation orientale et le mirage d'une restauration de l'Empireuniversel où s'épuisera Justinien. Constantinople n'est pas encore le centre unique d'unempireoù le grec n'est pas encore la seule langue de culture, où la foi de Chalcédoine n'a pas encore rallié toutes les âmes. La plupart des éléments politiques, sociaux, culturels qui formeront l'Empireproprement byzantin apparaissent durant cette période, mais encore mêlés aux structures caduques héritées du passé. Cette incertitude se reflète dans la vie intellectuelle, qui se partage entre les vieux centres de l'hellénisme: Alexandrie, Antioche, Gaza où prospère une célèbre école de rhétorique, Athènes où meurt l'Université païenne. (...)
Du monothélisme à la crise iconoclaste (610-843) : Entre Héraclius et Michel III, dans ce qu'on a appelé ses « siècles obscurs », se situe l'étiage intellectuel de Byzance. Dans l'Empireappauvri, diminué, ravagé par des guerres continuelles, amputé des deux grandes métropoles d'Antioche et d'Alexandrie, déchiré par deux crises religieuses qui opposent l'orthodoxie à l'autorité impériale, la culture est en décadence; seule la science médicale est encore illustrée au VIIe siècle par Paul d'Egine, dont l'Abrégé de médecine servait encore à l'Université de Paris au XVIIIe siècle. (...)
Renaissance des lettres (843-1025) : Avec la dynastie macédonienne commencent pour les lettres byzantines des temps meilleurs, annoncés dès la fin de la période précédente par la réorganisation de l'Université sous Théophile, puis sous Bardas, ministre de Michel III. C'est alors seulement que, dans l'Empireen pleine expansion, Constantinople devient vraiment la capitale intellectuelle. Elle le doit surtout à deux personnages exceptionnels et aux cercles de lettrés réunis autour d'eux. (...)
Savant en toutes choses, polyglotte, artiste, poète même, il régna moins sur Byzance que sur une équipe de lettrés avec laquelle il édifia un vaste monument encyclopédique, dont la plus grande partie a malheureusement disparu. Ce qui nous en reste, notamment le traité De l'administration de l'Empire, le traité Des thèmes , surtout le Livre des cérémonies , est très précieux pour l'histoire des institutions et de la société byzantines. (...)
Longtemps attribué à saint Grégoire de Nazianze, il est reconnu aujourd'hui comme un ouvrage du Xe-XIe siècle. Une période de transition (1204-1282) : L'intermède réparateur que constitue l'Empirede Nicée n'a pas été nuisible aux lettres byzantines. A peine installés, les Lascaris se préoccupèrent de reconstituer l'Université dispersée, les bibliothèques pillées, non seulement dans leur capitale, mais aussi en province: une certaine décentralisation caractérise donc leur politique culturelle, à l'inverse des empereurs de Byzance. (...)
Son élève, l'empereur Théodore II (1222-1258), a été le plus cultivé des empereurs grecs, à la fois philosophe, mathématicien, humaniste, avec une touche de romantisme que révèle sa correspondance. Il est d'ailleurs mal connu, car son oeuvre est en grande partie inédite. L'Empirede Nicée a eu son historien, le grand logothète Georges Acropolite (1217-1282) très bien informé et d'un réalisme politique qui le porta à travailler pour l'union avec Rome. (...)
Là, comme ailleurs, plusieurs niveaux de production artistique coexistèrent, en fonction du milieu social des commanditaires. C'est au IVe siècle, avec la Paix de l'Eglise et le transfert de la capitale de l'Empireromain sur les rives du Bosphore, que commence l'histoire de l'art byzantin, art qui doit certaines de ses caractéristiques les plus essentielles aux structures politiques et religieuses de cetempireautocratique et chrétien. Tout au long de l'histoire de Byzance, art impérial et art religieux resteront étroitement liés, conséquence de la conception théologique du pouvoir: l'empereur tient son autorité de Dieu, qu'il représente sur terre, et la majesté terrestre n'est que le reflet de la majesté céleste. Ainsi l'art chrétien, qui n'était au IIIe siècle qu'une branche modeste de l'art du Bas-Empireromain, acquiert-il, au IVe siècle, un caractère public, officiel: il bénéficie alors de l'appui et de la richesse des empereurs et des classes dominantes de la société. (...)
), transition entre l'Antiquité et le Moyen Age, réalise la synthèse du christianisme et de la tradition gréco-romaine; c'est au VIe siècle que se dégagent, dans tous les domaines, les caractères spécifiques de l'art byzantin et que se perfectionnent les différentes techniques. Pendant les « siècles obscurs » (VIIe-première moitié du IXe s.), qui suivent l'effondrement de l'empirede Justinien, l'activité artistique s'est incontestablement ralentie, encore que ce déclin n'ait pas été aussi général qu'on le pensait jusqu'à ces dernières années. (...)
Après la coupure de la domination latine (1204-1261), pendant laquelle l'évolution se poursuit hors des frontières de l'Empire, une ultime Renaissance, culturelle et artistique, s'épanouit sous les Paléologues (1261-1453) et l'art de Byzance rayonne alors sur un très vaste territoire. (...)
Mais à partir du début du VIIe siècle, dans les Balkans, en Grèce, en Asie Mineure, une rupture se produit, en liaison avec les graves périls qui menacent l'Empire(invasions perses, slaves et arabes). De nombreuses villes sont abandonnées, les autres voient leur périmètre considérablement rétréci (Ephèse, Sardes, Milet, Pergame). (...)
L'architecture de ces deux siècles, qui correspondent à l'iconoclasme et à une situation extrêmement difficile de l'Empire, est très mal connue. Peu d'édifices sont préservés. Citons Sainte-Sophie de Thessalonique, dont les dimensions sont importantes (43 m Z 35 m); elle offre une coupole reposant sur quatre épais berceaux qui retombent sur des piles exceptionnellement larges. (...)
Conçu pour le type architectural alors dominant (l'église en croix inscrite à coupole), il reflète les conceptions politico-mystiques contemporaines de l'Empirebyzantin comme royaume chrétien idéal, reflet sur terre du royaume céleste. L'église, microcosme, symbolise l'univers chrétien gouverné par le Christ Pantocrator , antétype et modèle de l'Empirebyzantin dirigé par le basileus autocrator . Autour du Christ, qui domine dans la coupole centrale (symbole du ciel), « inspectant par le regard la terre et en méditant la bonne organisation et le gouvernement » (Photius), s'ordonnent les différentes figures de la hiérarchie céleste: anges, prophètes, apôtres, Pères de l'Eglise et autres saints, la Vierge (rappel de l'Incarnation) occupant la voûte de l'abside. (...)
Ce programme iconographique fut mis en place à Constantinople dans plusieurs églises de la seconde moitié du IXe siècle, mais il n'en subsiste que quelques fragments à Sainte-Sophie, et c'est aujourd'hui dans les riches fondations monastiques du XIe siècle (Saint-Luc en Phocide, la Néa Moni de Chios, Daphni) qu'on en trouve les plus remarquables applications. Ce système décoratif ne prévalut pas immédiatement dans toutes les provinces de l'Empire. Ainsi, en Cappadoce, continuat-on, jusqu'en plein Xe siècle, à décorer les églises, généralement de plan basilical, de cycles narratifs détaillés de la vie du Christ, se déroulant en frises continues sur la voûte et les parois de la nef, tandis que le Christ en gloire figure dans l'abside (églises dites archaïques). (...)
Le programme élaboré à Constantinople, qui s'imposera au XIe siècle, n'empêchera d'ailleurs pas le maintien de particularismes locaux. La Cappadoce est aussi la seule province de l'Empirequi conserve toute une série de peintures murales des IXe et Xe siècles, période fort mal documentée par ailleurs (mosaïques de Sainte-Sophie de Thessalonique et de Sainte-Sophie de Constantinople). (...)
, à Göreme, exemple unique, dans la décoration monumentale, du classicisme de la renaissance macédonienne. Les témoignages artistiques du XIe siècle conservés à travers l'Empiresont beaucoup plus nombreux et leur style, dicté semble-t-il par Constantinople, devient plus homogène. (...)
La recherche d'élégance décorative conduira, dans les dernières décennies du siècle, aux exagérations maniéristes et aux raffinements un peu artificiels du style dit dynamique, qui sera très populaire à Byzance et hors des frontières de l'Empire(Saints-Anargyres de Castoria, Kurbinovo, Pérachorio à Chypre, Monreale en Sicile). Originaire de Constantinople, ce style connaît une variante « art nouveau » ou « fin de siècle », dont témoignent les peintures de Saint-Hiérothée, près de Mégare (Attique), de Chypre (ermitage de Saint-Néophyte à Paphos, Lagoudéra), de Géraki (Evanguélistria) ou de l'Episkopi du Magne. (...)
Si des peintres grecs continuèrent à travailler sur place, parfois pour des clients latins (les franciscains à Kalenderhane Camii), d'autres se réfugièrent dans les centres restés grecs, en particulier à Nicée, ou répondirent à l'appel de nouveaux patrons, les souverains serbes ou bulgares. Le morcellement de l'Empirefavorisa ainsi l'apparition de nouveaux centres et l'essor d'un art plus libre, dont on suit le mieux l'évolution dans les régions périphériques: églises de Serbie (Studenica, Mileševa, Sopo? (...)
Les Paléologues (1261-1453) : Restauré autour de sa capitale, Constantinople, reconquise en 1261, l'empiredes Paléologues est un Etat réduit, affaibli et appauvri. Pourtant, la peinture ne connaît aucun déclin et elle rayonne même sur un territoire plus vaste que jamais. (...)
Mosaïstes et peintres déploient à nouveau une activité intense dans les deux villes les plus importantes de l'empire: Constantinople (Fethiye Camii, vers 1310-1320; Kariye Camii , 1315-1321) et Thessalonique (chapelle Saint-Euthyme à Saint-Démétrius, 1303; Saints-Apôtres, 1310-1314 et 1328-1334; Saint-Nicolas Orphanos, 1314-1317). Mais l'art fleurit aussi dans les monastères du mont Athos et à Mistra, dans l'empirede Trébizonde et en Epire (Parègoritissa d'Arta), en Bulgarie, en Serbie, en Valachie, en Géorgie et en Russie. (...)
) : La sculpture byzantine plonge ses racines dans la sculpture romaine d'Orient, notamment celle du Bas-Empirequi fleurit dans un certain nombre de villes d'Asie Mineure. Celles-ci pouvaient exploiter des carrières proches, particulièrement Ephèse, Aphrodisias et Nicomédie. (...)
En revanche, certains types apparurent comme le chapiteau ionique à imposte (ce dernier élément s'imposant peu à peu avec la substitution de l'arcade à l'architrave plus courante sous l'Empire), puis les chapiteaux à protomés animalières (Pore?) et les chapiteaux en corbeille (comme à Sainte-Sophie de Constantinople ou à Saint-Vital de Ravenne). (...)
) : Après un siècle et demi de moindre expansion, où la rareté des documents datés rend délicate l'analyse des caractéristiques, la sculpture architecturale se développe à nouveau, abondamment parfois, dans la plupart des régions de l'Empire. La nature de la production a d'ailleurs évolué. Moins de colonnes et de chapiteaux: ceux-ci, de type corbeille le plus souvent (à la Vierge des Chaudronniers [Panayia Chalkêon] de Thessalonique, env. (...)
Les empereurs iconoclastes, Constantin V, que son goût pour l'or avait fait surnommer le « nouveau Midas », et Théophile, enrichirent leurs palais de multiples pièces d'orfèvrerie: automates, orgues d'or semées de pierres précieuses, meuble à cinq tours (le Pentapyrgion) enfermant les insignes de l'Empire, etc. Les artisans byzantins utilisèrent et perfectionnèrent les techniques traditionnelles - repoussé, ciselure, filigrane - et aimèrent associer à l'or des perles, des pierres fines de couleurs vives, des pierres précieuses, des incrustations de nielle ou des émaux, créant ainsi de riches effets de couleurs. (...)
Perspectives nouvelles de la recherche en archéologie et en histoire de l'art L'incessant apport de l'archéologie et des monographies relatives à des monuments, des sites ou des régions de l'empirebyzantin a rendu souvent caducs les schémas et les classifications hérités des premiers historiens de l'art byzantin. (...)Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables ...