Constantinople
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Contient : prestige (9)(...) De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables de l'Etat byzantin, par exemple la fréquence et la gravité des révolutions de palais ou des mouvements populaires, la pesanteur de la centralisation administrative, l'immenseprestigedu patriarcat byzantin qui survécut longtemps à la chute de l'Empire. On peut même dire que Constantinople, comme l'ancienne Rome, mais d'une autre manière, a créé l'empire dont elle devait devenir la capitale: en déplaçant vers l'est le centre de gravité du vieux monde romain, Constantin assurait à l'Orient grec une cohésion qu'il n'avait jamais connue, mais en même temps rendait inévitable à plus ou moins long terme l'abandon de la pars occidentalis . (...)
La première est d'ordre géographique: l'attaque arabe, dont le point de départ se situe à peu près à la jointure de l'Afrique et de l'Asie, tomba d'abord sur l'Egypte et les provinces d'Orient, qui, précisément, par leur situation excentrique, leur attachement à l'hérésie, leprestigemême de leurs vieilles capitales, constituaient un obstacle à l'unité de l'Empire. Ce qui resta de celui-ci après la perte de ces provinces forma désormais autour de la capitale un bloc plus cohérent et plus difficile à entamer. (...)
Ces mesures rencontrèrent l'opposition des milieux monastiques, fort importants en nombre et dont leprestigeétait grand. Il en résulta une violente persécution contre les moines, qui émigrèrent en grand nombre vers l'Occident. (...)
L'art vénitien et l'art slave sont encore là aujourd'hui pour attester combien cette politique a servi leprestigeet, par conséquent l'influence de Byzance en Orient comme en Occident. D'autre part, le haut niveau de la culture était indispensable au recrutement du personnel administratif dont l'Empire avait besoin. (...)
Les armes byzantines étaient toujours puissantes: l'Empire s'était encore agrandi, depuis la mort de Basile II, par l'annexion d'Edesse, du royaume arménien d'Ani, de la Sicile occidentale. Et leprestigede l'Eglise byzantine était monté si haut que le patriarche Michel Cérulaire cessa en 1054 de reconnaître l'autorité du siège romain. Mais ceprestigemême desservait l'Etat, car, pour le régime chancelant qui s'appuyait sur elle, l'Eglise se montrait la plus insatiable des parties prenantes. (...)
Dans l'écroulement général de l'Empire, il n'a subsisté que trois choses: le despotat de Morée, l'Université et le patriarcat, dont leprestigeet l'autorité dépassent de loin ceux de l'empereur. Même lorsque Jean VIII aura déterminé son patriarche, Joseph II, et une partie des évêques à s'abaisser devant Rome et à souscrire à l'union au concile de Florence (1439), le peuple et l'immense majorité du clergé s'y opposeront avec une telle violence que l'empereur n'osera pas faire proclamer le décret d'union à Constantinople. (...)
En réalité, la haute culture qui est de tradition dans la dynastie des Paléologues, la nouvelle Université réorganisée par Manuel II et qui attirera les étudiants italiens, leprestigedu patriarcat et de son école, une décentralisation imposée par le morcellement du domaine byzantin et qui fera de Thessalonique et surtout de Mistra des centres de culture, le grand mouvement spirituel de l'hésychasme enfin, tout cela contribue à maintenir la vitalité des lettres byzantines; et plus encore, peut-être, les contacts plus fréquents avec l'Occident et l'épanouissement d'un esprit de liberté grâce à la disparition de la contrainte exercée par un Etat puissant. (...)
Style « dynamique » et approche monumentale nouvelle coexistent dans le décor de haute qualité récemment découvert à Thessalonique, dans l'église Hosios-David. L'époque de la domination latine (1204-1261) : Tout en conservant sonprestigede métropole artistique, Constantinople perd, au XIIIe siècle, son rôle de chef de file. Si des peintres grecs continuèrent à travailler sur place, parfois pour des clients latins (les franciscains à Kalenderhane Camii), d'autres se réfugièrent dans les centres restés grecs, en particulier à Nicée, ou répondirent à l'appel de nouveaux patrons, les souverains serbes ou bulgares. (...)Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables ...