Le système du jeu de rôle ? Une vraie question de fond
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Contient : rôle (88), role (2)Le système du jeu derôle? Une vraie question de fond Il faut changer de point de vue sur les règles du jeu derôle. Les créateurs de jeu derôleconfondent souvent « système de jeu » et « système de résolution ». Or, le système d'un jeu est beaucoup plus qu'un système de résolution. (...)
La plupart du temps, un tel conflit se règle en jetant les dés ou en comparant des scores donnés sur les fiches des deux personnes engagées dans l'action. Toutes les règles qui régissent les interactions entre les éléments de la fiction dans un jeu derôleforment son système de résolution. Le système d'un jeu est l'ensemble des moyens par lesquels les joueurs « réels », autour d'une table, se mettent d'accord pour faire avancer les situations « virtuelles ». Ce système doit déterminer précisément lerôlede chacun des joueurs afin qu'ils sachent comment jouer au cours de la partie. Ce système est en amont du système de résolution. (...)
Ce système nous dit comment, pourquoi, à quel moment et par qui les éléments de la fiction sont définis. Par exemple, écrire dans la base d'un jeu : « Dans ce jeu derôle, l'un des joueurs aura unrôleprécis : celui de maître du jeu. C'est lui qui se chargera de définir les décors. Les autres joueurs, quant à eux, assumeront lerôledes personnages, les PJ, qu'ils vont créer par la suite », c'est établir le système du jeu. Dans cet exemple, on voit qu'un joueur hérite de certains pouvoirs créatifs sur la fiction en elle-même, tandis que les autres reçoivent d'autres pouvoirs créatifs sur des éléments spécifiques de cette fiction. Bref, c'est le système d'un jeu qui doit décrire clairement lerôledes joueurs autour de la table. A quoi tient la confusion des systèmes ? palLe système d'un jeu n'est pas son système de résolution et pourtant une grande majorité de rôlistes les confondent encore. En fait, lorsqu'un rôliste annonce qu'il a changé le système d'un jeu derôle, il veut toujours signifier qu'il a changé son système de résolution. Faites le compte des changements de règles qui vous ont été annoncés au cours de votre carrière de rôliste ! (...)
Je fais le pari que toutes ces règles, absolument toutes, concernaient en réalité le système de résolution. De même, on dit :« jeu derôle= un univers + système de jeu », mais cette équation signifie pour beaucoup : « jeu derôle= un univers + un système de résolution ». Ainsi formulée, la proposition est erronée. En effet, le joueur qui définit le jeu de la sorte oublie de mentionner TOUTES les règles du jeu derôle. Le système de résolution n'est donc pas suffisant pour nous dire comment pratiquer ce type de jeu. Puisque le système d'un jeu derôlec'est la façon dont chaque joueur autour de la table est autorisé à créer des éléments fictifs, en l'absence d'une explication correcte de ce qu'est ce système, personne ne saura COMMENT utiliser l'univers fictif et le système de résolution. Autrement dit, le rôliste qui considère que « jeu derôle= un univers + un système de résolution » ne sait pas à quoi il joue. En réalité, il considère le reste du système comme une évidence qu'il est inutile de définir explicitement. Il agit comme si le jeu derôleétait une activité banale, pratiquée de la même façon par tous les rôlistes, c'est-à-dire en suivant tous les mêmes règles. (...)
Nous allons étudier en détail la genèse de cette erreur. La genèse de l'erreur : Si je me contente d'expliquer, à quelqu'un qui n'a jamais joué à un jeu derôle, ce qu'est le système de résolution de « Vampire : la mascarade », et quel en est l'univers, sera-t-il en mesure de jouer à « Vampire : la mascarade » ? (...)
Parce que nous ne lui avons pas encore expliqué COMMENT jouer à Vampire. Le système du jeu reste non-dit, c'est-à-dire que lerôlede ce néophyte et des autres joueurs dans la partie n'est pas expliqué. Lorsqu'un non-rôliste tombe par hasard sur une base de jeu derôle, il se montre incapable de jouer après l'avoir lue (sauf s'il s'agit d'une des premières bases de l'un des premiers jeux derôlehistoriques). Souvent, les rôlistes résolvent ce problème en invitant ce nouveau joueur à leur table. C'est ainsi, par la pratique, que le néophyte découvre et assimile le « véritable » système de Vampire. (...)
Cependant, c'est après cette première partie que le rôliste chevronné va souvent commettre une grave erreur s'il affirme en toute candeur, au joueur néophyte : « Et voilà. Maintenant tu sais jouer au jeu derôle... » C'est un abus de langage et cette affirmation simpliste est à l'origine de bien des querelles entre rôlistes. (...)
Celui qui vient de faire découvrir Vampire à un joueur inexpérimenté devrait lui dire : « Maintenant, tu sais jouer à Vampire : la mascarade » et, éventuellement, il pourrait ajouter : « La plupart des autres jeux derôleque je connais ressemblent un peu à celui-là... ». Cette façon de présenter le jeu derôlegénère l'image d'un système de jeu commun à tous les jeux derôle, mais, en réalité, l'universalité de ce système est totalement illusoire. Malheureusement, c'est par rapport à ce système universel que les rôlistes déterminent si un jeu est ou n'est pas un véritable jeu derôle. L'illusion d'un système universel commun à tout jeu derôle: La confusion entre le système de résolution et le système de jeu explique l'illusion d'un système universel pour le jeu derôle. Puisqu'une large majorité de rôlistes pensent, à tort, qu'un jeu derôleest l'addition d'un univers et d'un système de résolution, lorsqu'ils créent ou lorsqu'ils participent à un jeu derôle, ils n'en expliquent jamais le système de jeu propre à celui-ci : ce système pourtant fondamental reste non-dit. On pense naturellement que son interlocuteur connaît le même système du jeu derôleque soi, comme s'il existait un système de jeu universel pour Vampire, L5R ou Qin ! En réalité, les rôles des joueurs et du maître de jeu varient d'un jeu à l'autre, chacun proposant sa propre conception des différents rôles. Les rôlistes confondent souvent ce système universel, censé être commun à tous les jeux derôle, avec LE jeu derôle. Cet universalisme illusoire se traduit par le fait qu'un jeu sans MJ est considéré, par certains, comme n'étant pas du jeu derôle. Cela signifie que, pour eux, il n'existe qu'un seul jeu derôleet que, dans ce jeu derôleuniversel, il y a nécessairement un maître de jeu. C'est le cas du Grog, par exemple, qui ne référence pas certains types de jeux derôleuniquement parce qu'ils n'ont pas de maître de jeu ou de système de résolution. Pour le Grog, il semble donc impensable qu'un jeu derôledigne de ce nom ne confère pas à un joueur l'autorité propre à un maître de jeu. Heureusement, la fiche de « Break In The Ice » parue dernièrement sur le Grog laisserait à penser que leur politique est sur le point de changer. Je le crois, car les matelots du Grog sont de véritables passionnés qui ne devraient pas tarder à corriger leur erreur. De plus, il est fort probable que cette décision arbitraire ait caché la réalité d'un surmenage : les matelots du Grog sont surchargés de travail et sans doute craignent-ils de devoir un jour référencer beaucoup trop de jeux. La Fédération Française du Jeu DeRôlecommet la même erreur que le Grog en créant une plaquette de présentation du jeu derôlemettant en scène UN SYSTEME DE JEU particulier et non LE JEU DEROLE. En affirmant sur sa plaquette que le jeu derôlese joue avec un maître de jeu, la FFJDR présuppose l'universalité d'un système de jeu particulier. Elle exclut, sans doute avec les meilleures intentions du monde, tous les jeux derôlequi se jouent sans maître de jeu. Mais le Grog et la Fédération Française du Jeu DeRôlene sont pas les seules victimes de l'illusion universaliste du jeu derôle. En un sens, ceux qui prônent l'existence des « jeux narratifs » ou des « story games » sont aussi victimes de cette illusion. Pourquoi « Footbridge » et « narrativiste.eu » considèrent-ils les jeux derôlequi ont un système de jeu différent de celui présenté dans la plaquette de la FFJDR comme des « jeux narratifs » ? On dirait qu'ils cherchent à se démarquer du jeu derôle. En fait, ce qu'ils veulent laisser entendre, c'est que leurs jeux derôlene correspondent pas au seul système représenté sur la plaquette de la FFJDR alors qu'en réalité, tous les jeux derôlesont narratifs ! Quel que soit leur système de jeu, tous les jeux derôlesont narratifs puisqu'ils cherchent tous à mettre en place une fiction imaginée et relatée par des joueurs. On ne peut concevoir un jeu derôledans lequel aucun joueur ne recevrait de pouvoir narratif. Le jeu derôlen'est donc pas le système universel illusoire décrit sur la plaquette de la FFJDR : il est défini par le fait que, selon certaines règles, des participants créent, par la narration, une fiction commune, prenant toujours en compte ce que chacun a évoqué précédemment dans la partie. Le fait qu'il y ait un maître de jeu ou un joueur dont le pouvoir narratif soit plus ou moins grand ne change rien. Créer une fiction à plusieurs, en suivant des règles, est suffisant pour dire que l'on pratique le jeu derôle. Moi-même, en animant le podcast de la Cellule, j'ai souvent distingué « jeu derôleclassique » et « jeu derôleforgien », commettant l'erreur de les dissocier, alors qu'en fait ce sont tous des jeux derôle. On s'est tous, comme moi, « fait avoir » par cette illusion et pour le prouver, j'affirme que l'on peut trouver des traces de celle-ci dans « Sens Hexalogie », mon propre jeu derôle! L'erreur, en fait, consiste à confondre une première expérience du jeu derôleavec LE jeu derôle, ce qui revient bien à universaliser un cas particulier. On a cru, à tort, que le système du jeu avec lequel on a joué la première fois était LE système universel de tout jeu derôle. Mais la dénomination JEU DEROLEn'est qu'une étiquette : elle ne s'applique pas exclusivement aux jeux dont le système repose sur le MJ-PJ. Le jeu derôleest un concept et un concept ne se réduit pas à un système. C'est comme si l'on commettait l'erreur de dire : « Voici LA société » en parlant de notre seul modèle social. Notre modèle social n'est pas LA société, il n'est qu'un système social particulier parmi bon nombre de systèmes sociaux possibles. Ainsi, que ce soient les matelots du Grog, la FFJDR, le blog de la Cellule, ou les tenants du « jeu narratif », nous avons tous une vision tronquée du jeu derôle. Nous faisons des distinctions qui n'ont pas lieu d'être. Nous confondons le jeu derôleavec un système de jeu particulier : ce fameux « système MJ-PJ » dont l'universalité est illusoire. En réalité, nous faisons tous du jeu derôle: il n'y a pas d'un côté « LE jeu derôle» et de l'autre des « Story Game » ou des « jeux narratifs » ! Tout au plus peut-on dire : « Voici un jeu derôledont le système de jeu particulier encourage tels ou tels types de narration », mais, en aucun cas, il ne faut prendre un système particulier pour LE système du jeu derôlefondamental ! Et il ne faut pas entretenir ces clivages stupides ! Une autre conséquence de cette confusion : L'autre conséquence de cette erreur généralisée s'avère être l'incompréhension des rôlistes francophones à l'égard des théories de la Forge et tout particulièrement de l'idée selon laquelle « le système est important ». En fait, lorsque les francophones lisent cette théorie, ils en déduisent que le système de résolution est primordial. Or, ce n'est pas du tout le propos défendu par les Forgiens. Ce que les Forgiens veulent dire, c'est que le système DE JEU est important mais non exclusif. (...)
Je vais donner un exemple concret. Si vous souhaitez montrer la violence et l'horreur d'un combat réel dans un jeu derôledont toute action est par définition fictive (je pense au « Sombre » de Johan Scipion et au « Tenga » de Brand), ce n'est pas en vous contentant de spécifier que le système de résolution est meurtrier que le message passera : il faut que les joueurs en soient convaincus. (...)
C'est le système de jeu qui est important, et le fait que le système de résolution utilise des dés à 10 ou à 6 faces pour l'illustrer, par la suite, dans la fiction, est totalement secondaire. L'hermétisme du jeu derôle: la pire des conséquences : Cette confusion, entre le système de résolution et le système de jeu, est aussi à l'origine d'un mal beaucoup plus grand : l'hermétisme du jeu derôle. Si le jeu derôleest souterrain et trop peu pratiqué (contrairement au Monopoly, aux Dames, ou au Football), c'est d'abord parce que rares sont les jeux derôlequi nous disent clairement comment y jouer. Le jeu derôlene « donne » jamais ses règles. Les jeux derôlefrancophones ne présentent presque jamais leurs systèmes de jeu. Ils offrent des systèmes de résolution, mais pas de système de jeu. Parfois, et pour faire simple, ils vont jusqu'à nous ramener à la plaquette de la FFJDR. (...)
Je tiens à souligner que je suis le premier concerné par ce message même si j'ai, depuis, cherché à faire des efforts. Le jeu derôle, aujourd'hui, à cause de nous tous, créateurs et joueurs, est une pratique qui se transmet oralement depuis deux générations. (...)
C'est une erreur de présentation, une faute, et nous entretenons bêtement cette pratique informative comme s'il s'agissait de transmettre une sous-culture, alors que nous n'avons aucun intérêt à ce que le jeu derôlepasse pour telle. Pour le moment, il ressemble à une recette de cuisine qui n'aurait jamais vraiment été écrite, et que des vieux routards se transmettent sans jamais vraiment s'entendre. (...)
Par ailleurs, chacun y va de son petit rituel et de ses petites astuces pour faire d'une partie de jeu derôleun succès. On en est arrivé aujourd'hui à un point d'hermétisme tel, qu'on ne sait même plus très bien ce qu'est une partie réussie. (...)
Vous ne mesurez peut-être pas tous les sous-entendus qui se cachent sous ce masque de légèreté. C'est trop facile comme réponse ! Quand on pratique un jeu derôle, on n'est pas là pour s'ennuyer ou alors il est grand temps d'arrêter de jouer ! Une telle réponse ne répond aucunement à la question, pire, elle donne l'impression que la majorité des parties sont ennuyeuses et que ce sera par chance, un jour peut-être, qu'on pourra, si on a le bon MJ et les bons joueurs, y trouver éventuellement une once de fun ! (...)
Chacun voit dans les attributs du maître de jeu et du joueur des qualités et des défauts différents. Les règles du jeu derôlen'étant jamais écrites, les rôlistes croient probablement qu'elles s'apprennent par la pratique. De là viennent tous les termes de l'initiation qui font, à tort, penser que le jeu derôlene s'adresse qu'à une espèce de secte où les adeptes viennent échanger les codes d'un rituel quarantenaire. (...)
Et c'est ainsi, parce qu'il est transmis, dans le secret, de rôliste à rôliste, que les associations de jeu derôledéclinent. Dépasser la confusion pour avancer : Il faut maintenant dépasser cette confusion. Il faut préparer l'avenir de notre médium. (...)
Le bon maître de jeu est celui qui suit les règles d'un système de jeu bien fait et il en va de même pour les joueurs. Cette discussion doit s'achever car elle donne l'illusion d'un jeu derôleuniversel illusoire et élitiste pour lequel il faut être entraîné. Cette distinction entre bon et mauvais MJ condamne les débutants à éprouver de réelles difficultés pour aborder un système universel non-dit et illusoire. Cette discussion qui transmet l'idée que le jeu derôleserait d'une pratique difficile et hermétique est donc vraiment mauvaise. Je pense également que les clivages entre nous, sur ce qu'est le jeu derôle, doivent disparaître. Les créateurs doivent se réunir et admettre que chacun pratique le jeu derôleen usant simplement de systèmes de jeu différents. Toutes les personnes qui affirment encore : « ça, ce n'est pas du jeu derôle» devraient désormais bien réfléchir à ce qu'elles entendent par « jeu derôle» et cesser de confondre ce type de jeu avec le système du MJ-PJ. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons diffuser nos messages sur tous les médias, sans user de termes obscurs comme « maître de jeu » ou « initiation » et ainsi, peut-être, sortir de l'ombre. J'invite donc la FFJDR et le GROG à reconsidérer, comme le fait le blog de la Cellule, certaines de leurs positions. Pour finir, je crois que les jeux derôlequi sortent aujourd'hui doivent dire très clairement comment y jouer. Ils doivent s'adresser à toute la population et non plus uniquement aux rôlistes chevronnés. (...)
Nous devons cesser d'entretenir la sous-culture rôliste et chercher à communiquer le plus possible sur le jeu derôlecomme s'il s'agissait, non plus d'un tabou, mais d'un sport national aussi populaire que le foot, afin de sauver les associations de jeu derôleet en finir avec les préjugés. Remerciements : Je remercie Christoph Boeckle, Frédéric Sintès et Fabien Hildwein de m'avoir tiré de mon sommeil dogmatique. (...)Il faut changer de point de vue sur les règles du jeu de rôle. Les créateurs de jeu de rôle confondent souvent « système de jeu » et « système de résolution ». Or, le système d'un jeu est beaucoup plus qu'un système de résolution. En fait, le système de résolution n'est qu'une partie infime du système de jeu et, bien souvent, les rôlistes ignorent ce qu'est le système de jeu. Le système de résolution, c'est l'ensemble des règles et des pratiques qui permettent de résoudre des conflits ...