Soelyne
sur Boris Courdesses
Contient : père (12)(...) Je serai ravi de vous offrir la protection de mon toit le temps d'une soirée, pour parler du passé et esquisser le futur. Cette caravane est le fruit des travaux de monpère, Megetto. Monpèreétait un tailleur de talent, je dirais même de génie. Il composait des robes sublimes pour les matriarches Carmes. Car monpèreétait un esclave, ayant commis l'erreur de naître mâle dans les Terres veuves. Son génie le fit conduire à la cours de la reine carme elle-même pour lui composer la plus belle robe de tous les temps, une robe composée de l'étoffe même des songes, ce doux tissu qui nous vêt tous de l'autre coté du songe. (...)
La reine avait en effet ordonné la mort de celle-ci si le chef-d'oeuvre n'était pas accompli, arguant que 'le mâle est paresseux et ne déploie ses ressources que pour protéger ce qui lui est cher'. Quelles ressources dut déployer monpèrepour accomplir le prodige. Il fit alliance avec un Tisseur de Cauchemar, une de ces créatures du Masque qui murmure aux rêveurs une fois la nuit tombée. Le Tisseur lui apporta les soieries oniriques, et monpèrelui offrit son plus beau rêve. Après un mois de dur labeur, la robe était faite et la reine, subjuguée, accordait à monpèreet à ma mère la liberté. Pour plaire à sa femme enceinte, monpèredécida de la ramener chez elle, dans les contrées urguemandes, et confectionna une caravane aux couleurs vives et chatoyantes. Il y mit tout son coeur et ses meilleurs tissus. (...)
Il traversa ainsi le désert de Keshe, d'où était originaire la mère de ma mère et arriva en Urguemand, où je vis le jour. Avec ma naissance, la malédiction du Tisseur de Cauchemar reprit le dessus. Monpèren'avait pas compris qu'en lui demandant son plus beau rêve, la créature perfide avait signifié qu'il voulait sa femme. Ma mère mourut en couche, et ce fut monpèrequi m'éleva. Fidèle a la mémoire de sa chère épouse, il m'apprit tout sur ses origines et ses coutumes. (...)
Il me fit sillonner le désert de Keshe et les baronnies urguemandes. Mon enfance fut bercée par le bonheur du voyage et par la tristesse de monpère. Je savais qu'il ne blâmait que lui-même, mais en moi, je me suis toujours demandée si l'on devait blâmer un antique pacte avec une créature des songes, ou la naissance d'un bébé affaibli par un si long voyage. Après douze années passées à m'éduquer, monpèrerejoint sa femme dans l'au-delà. Ce fut fait sans pleurs, sans larmes. Au moment de mourir, un sourire de soulagement se peignait sur son visage. (...)
Le soir nous jouons dans les villages des Royaumes. Je pourrais être heureuse, mais cela ne me suffit pas. Depuis la mort de monpèreje me languis de quelque chose, quelque chose que je n'ai pas trouvée. Peut-être est ce là l'héritage de ma Flamme, peut-être est ce le fruit de mon histoire. (...)Une jeune fille triste quitte la chaleur de son feu de camp pour se rapprocher de vous. Son visage presque enfantin laisse pourtant transparaître une vieillesse avant l'âge que trahissent ses yeux tristes. Sans montrer le moindre signe de gaieté à l'idée de parler à un étranger comme vous, ni la moindre haine, en fait sans émotion, la jeune fille commence à parler d'une voix empreinte de lassitude. ' Bien le bonjour, voyageur, et bienvenue à l'Adanunca. Je me nomme Soelyne et je suis la conductrice ...