Kyuden Ikoma - La route de l'hiver
sur Pénombre au format (2.9 Mo)
Contient : homme (12)(...) Pendant que de l'autre côté du Mur, là bas très loin au sud des terres de la famille Ikoma, on disait que des oni monstrueux s'affrontaient pour s'emparer des terres corrompues et prendre la place du kami déchu. Tout fout le camp pensa le vieilhommeen se massant les reins et en savourant quelques instants de halte. Les Kami sont tous morts, l'Empereur n'est plus un Hantei, des clans tombent en disgràce et sont remis au pouvoir ensuite. (...)
Certains partaient malgré la loi qui leur interdisait de quitter les terres du clan qu'ils servaient. D'autres rejoignaient les bandes de brigands. Il ne restait plus pour tenir l'auberge que le vieilhommeet son unique fils. Heureusement que Kato allait enfin se marier. Une femme ferait le plus grand bien à la pauvre auberge et Takei avait hâte de voir ses futurs petits-enfants. (...)
Eux aussi avaient payé le prix fort car s'ils avaient été épargnés par la famine la plupart du temps, les hordes de l'Outremonde, l'épidémie et leurs propres rivalités avaient moissonné leurs rangs sans discrimination. Le vieilhommefinit par atteindre le chemin de terre gelée. Il aurait pu couper à travers champs et arriver plus vite à l'auberge mais cheminer ainsi chargé se serait avéré bien plus pénible. (...)
L'enfant au regard si triste le salua avec respect bien qu'il ne soit qu'un aubergiste tandis que le grandhommeborgne dont la moitié du visage était ravagée de cicatrices se contentait d'un bref hochement de tête. (...)
Ils avaient beau avoir été officiellement réhabilités par l'Empereur, Takei comme bon nombre d'autres gens préférait autant que possible éviter ce genre d'individu. Eux et les anciens ronins du Clan du Scorpion. Il avait cependant pris l'argent que l'hommeavait posé sur son comptoir deux jours plus tôt. Le grand type balafré était muet et se contenait de froncements de sourcils, de sons inarticulés et de gestes pour communiquer. (...)
La fillette lui sourit et tendit les bras pour qu'il la soulève avant de la déposer sur le dos de l'âne. L'hommeétait un guerrier et Takei ne doutait pas une seconde que ses balafres et son oeil mort aient été causés par quelque chose de bien plus dangereux qu'un gobelin. (...)
Il fit alors quelques signes accompagnés de mimiques à l'enfant qui l'observa avec attention avant de s'adresser à Takei. 'Combien de jours jusqu'au château ?' Le vieilhommehésita. 'Le château Ikoma' précisa la fillette. Takei fronça les sourcils. 'Deux jours je pense. (...)
Un samurai du Crabe... Mais l'oeil valide qui l'examinait ne recelait ni colère, ni arrogance. Un long moment, le samurai borgne dévisagea le vieilhommequi ne savait plus s'il frissonnait à cause du froid ou à cause de la peur. Puis, le regard sombre se détourna de lui et le samurai pencha la tête vers la petite fille. (...)
Takei allait lui répondre lorsqu'il décida qu'il ferait mieux de garder la bouche close. La peur ou plus exactement l'inquiétude n'avait pas quitté le regard de la fillette. L'hommeétait samurai et puisqu'il savait apparemment qu'il ne serait pas le bienvenu à une cour d'hiver ou il n'était pas invité, Takei préférait ne pas le lui rappeler inutilement. (...)
Mais ils n'avaient pas fait une dizaine de pas que la curiosité reprenait le dessus et Takei ne put alors s'empécher de les interpeller. 'Samurai-sama ?' L'hommes'arréta et l'âne avec lui. Le samurai se retourna lentement, l'air tout aussi intrigué que la petite fille qui tordait le cou pour voir Takei. (...)
En les regardant tout à l'heure, il avait soudainement compris que tous deux s'attendaient à y trouver la mort car pour une raison que Takei ignorerait toujours, ils n'y seraient pas les bienvenus. L'hommeet l'enfant étaient bien loin des terres du clan du Crabe. Et s'il n'y avait pas de femme avec eux, si le grand samurai était bien l'oncle de la fillette, alors il était douteux qu'il leur reste des parents en vie quelque part. (...)
Takei n'était qu'un aubergiste mais même les heimin du clan du Lion prenaient très au sérieux les questions de cet ordre. Toujours. L'hommeavait payé sans faire preuve ni de mépris, ni d'arrogance. Il s'était montré moins hautain que bien des samurai de clans réputés plus honorables. (...)Il commence à faire rudement faim songea le vieux Takei en posant sa brassée de bois mort sur le sol. Il se redressa en réprimant un gémissement tandis que la vieille douleur familière lui poignardait les reins. Mais il lui faudrait encore marcher un bon moment avant de pouvoir enfin se reposer et manger quelque chose de chaud. Le froid devenait de plus en plus mordant et les derniers feuillages d'automne disparaissaient rapidement des arbres de plus en plus dénudés. Il avait commencé à ...