Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : chiens (8)(...) Je me serais donné plus longtemps, mais j'ai plongé dans un petit lac dans le domaine du Seigneur des Hauts Vents pour échapper auxchienset effacer mon odeur. Le lac ne valait pas beaucoup mieux qu'un marais, la morsure de l'eau était froide, cruelle. (...)
Une centaine de yourtes bougent sur la plaine, tirées par des buffles laineux. Tandis que des hommes et des enfants montent de petits chevaux et deschiens, mettant en bon ordre des troupeaux massifs de moutons et de chèvres. L'un d'eux me jette un regard méprisant. (...)
Dans le ciel, la lune est un large croissant environné d'étoiles sans nuage pour les voiler. Je devine les sentinelles et leschiens, ce sera loin d'être une partie de plaisir. Je soupire et commence à ramper, m'insinue dans les champs où les récoltes promettent de n'être pas trop mauvaise. (...)
Je m'avance pour saisir le pain trop rapidement, trop sûr de moi, mon pied s'entrave dans quelque chose, je manque de tomber, mes mains s'agrippent à un mur tout proche et m'évite la chute, mais le mal est fait : une bonne demi-douzaine de cloche en bronze, du genre de celles que les riches fermiers mettent autour du cou des bêtes de leurs troupeaux, se mettent à sonner avec traîtrise et fracas. Je jure. Dehors, on crie, j'entends leschiensaboyer. Il faut croire qu'ils ont appris depuis cinq ans. Le pire, au fond, n'est pas tant de s'enfuir que de savoir que je pourrais raser le village à moi seul. (...)
Le temps d'arriver dans les champs, j'évite encore deux flèches mal ajustée dans l'obscurité. Je rigole presque. Presque, parce que leschienssont derrière moi, et que ce sont de gros limiers agressifs, assez rapides pour me rattraper, plus féroces que leurs maîtres et capables de tuer n'importe lequel des loups qui maraudent dans la région. (...)
Je m'abats dans un champ de chaume, m'accroupis, et laissent les mastiffs s'approcher, du coin de l'oeil, les paysans descendent la pente à leur tour, tant bien que mal, les yeux fixés sur leurschiens. Je réfléchis à toute vitesse. Ils pourraient me poursuivre longtemps, peut-être des jours, me pistant comme à la chasse, comme une bête. Il est temps de faire un exemple. Troischienss'approchent à toute vitesse parmi les plants, grognant et aboyant et rugissant. Je souris lorsque je lâche le pouvoir pour retrouver les gestes qui m'ont permis de vaincre le Héraut. Lorsque leschiensm'atteignent, tout ce que les sentinelles voient et entendent, c'est quelques remous dans le champ, une série de grognements et d'aboiements suivis de jappements plaintifs et d'impacts sourds, et l'instant d'après, une pauvre bête qui sort du champ, revenant vers eux en clopinant et jappant douloureusement. (...)