Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : fille (27)(...) Regard Vif est un homme au regard perçant, aux cheveux sombres et aux tempes seulement argentées malgré ses cinquante-quatre ans. On sait que ses divinations sont relativement efficaces, qu'il vit avec safille, qu'il s'agit d'un homme et qu'il vit dans la hutte en dehors du village. Tout le reste réellement n'est que rumeur. (...)
- Un arrangement a déjà été conclut. » Voix chuintante du Héraut. « Brume sera l'élue. » Brume est lafilleadoptive de Regard Vif. On murmure qu'il la prise autant commefilleque pour femme. La tradition interdit aux hommes comme Regard Vif de prendre femme parmi les familles du village. Brume avait perdu sa famille dans des conditions si étranges que personnes n'avait voulut d'elle à part Regard Vif. (...)
J'interromps ma mastication, regarde Brin, jette un regard à Aube. Ils sont inquiets. - Brume, dis-je. Le Héraut la veut. Il n'y en a pas d'autre. - C'est la seulefillede Regard Vif ! Il va la livrer ? Soudain, je me rends compte que Brin n'a que 12 ans, et qu'il n'a jamais vraiment connu le sacrifice. (...)
Brume est sortie, accompagné de Regard Vif, silencieusement. Les phalanges du Shaman étaient blanches, crispées sur les poignets de safille. Brume : Petite femme à peine sortie de l'enfance, gracieuse, les cheveux bruns, les yeux bleus, la peau pâle et le regard en permanence concentré sur quelque chose qui perpétuellement nous échappe. (...)
Il nous attend, au carrefour, non loin de la sortie du village, campé sur un cheval blanc à l'étrange crinière bleue et bardé de cuir clouté de fer froid. Il regarde l'attelage, les bêtes, sans doute avec plus de considération que nous même. - Lafille? Sans un mot, Boeuf soulève la bâche couvrant l'entrée du chariot, révélant lafillede Regard Vif, nerveuse. Le Héraut s'approche et les étranges tentacules couvrant le regard du Héraut s'anime dans un chuintement humide et obscène, s'écarte, et révèle une lumière verte, emplie d'une rage contenue. (...)
Brume reste silencieuse et je la garde à l'oeil : « les gens qui ne disent rien n'en pense pas moins. » est un dicton de ma région. Et lafillede Regard Vif reste trop silencieuse. - On dirait que le Seigneur des Hauts Vents nous protège, dit Pigeon Fou en sortant une balalaïka. (...)
Nous nous retournons vers elle. Elle ne nous rend pas notre regard, elle observe le feu, et soudain je me souviens qu'elle est lafillede Regard Vif, le Shaman de notre village, notre médiateur entre les dieux et nous. Pigeon Fou reste comme nous, pétrifié, un long instant. (...)
- On va le cuire ! S'écrie Pigeon Fou ! - Oui, c'est un peu ça ! - Mais... Commence-t-il. Je l'interromps. - C'est lafillede Regard Vif, elle sait ce qu'elle fait ! Ma voix est plus assurée que moi-même. Brume m'observe un instant, et elle me semble moins assurée que je ne le suis en réalité. (...)
Rude ne voit le monde que d'un seul angle : le sien. - Tu... tu es le meilleur guerrier du village, c'est lafillede Regard Vif, c'est... c'est le destin, non ? - Le meilleur guerrier du village ? Qui t'a raconté ça ? (...)
Regard Vif aussi. Il ne t'en a pas parlé ? - Non, jamais. Depuis mes huit ans, je suis... j'ai été safilleet sa femme, jamais son apprentie. Je voudrais savoir. Une nausée sèche me prend. Les secrets de Shaman sentent rarement bon. (...)
Elle ouvre la bouche pour rajouter quelque chose, mais je sors avant qu'elle ne dise quoi que ce soit. Je remonte à cheval. Je me méfie de Regard Vif, et encore plus de safille. Les femmes ont cette façon de vous faire perdre votre résolution en quelques mots. J'ignore s'il s'agit d'un sort ou juste d'elle, mais je n'aime pas la façon dont elle attire ma pitié. (...)
Cinq silhouettes apparaissent dans l'océan de lumière blanche qui semble être contenus dans la forteresse de jade bleu : Une femme et quatre hommes. Lafilledu Seigneur des Hauts Vents. On l'oublie souvent, tant l'aura de son père plane sur la nation, pourtant elle est presque aussi terrible que lui. (...)
Je me nourris d'un repas délicieux autant qu'étrange, de petit lapin à six pattes ailés dont le goût m'évoque celui du poulet. Aewyll se fait toute petite, me rappelle un souvenir d'une petitefilleque j'ai connu étant gosse, morte d'une fièvre. Souvenir douloureux. Je m'en veux pour la douleur que j'ai perçue dans son regard. (...)
- Parce qu'ils n'ont pas réussi, mon ami, et ce n'est pas faute d'essayer, crois-moi ! Toi et les gens de ton village, n'avez vous pas conclu une alliance avec le Maître des vents et safille, la Princesse Bleue pour vous protéger de moi ? Je reste silencieux. Je guette le fleuve de pouvoir revenus en moi, et m'apprête à le relâcher dans une attaque fulgurante, mais ces créatures. (...)
Les mots du Hérauts me reviennent : « Tu as fait disparaître la Princesse Bleue... » - La Princesse Bleue... - C'est elle.., dit-elle avec la voix de laFilledu maître des Hauts Vents. Il s'en sert comme trophée et comme source de lumière. - Le Maître des Hauts Vents n'est pas venu la chercher ? (...)
J'aperçois Aewyll en train de se tapir derrière un des blocs de glace avec la même grâce prudente qu'Aube Grise lorsqu'elle était petitefille. Le sifflement de son serpent s'enfle tout à coup, ses yeux se mettent à briller comme des lunes bleues, se redressant comme pour prendre son élan, il crache une lumière blanche teintée d'arc-en-ciel qui inonde tout. (...)
J'apprécie : plus d'une fois, nous avons vus des marchands et des aristocrates en voyage rougir bêtement après avoir aperçu un homme ou une femme nue, et je n'ai pas envie de m'embarrasser de pudeur mal placée. Aewyll reprend conscience avec la grimace d'une petitefille, gémit lascivement, d'une façon qui me perturbe tant et si bien que mes instincts virils s'éveillent instantanément, et se rendorment presque aussitôt, lorsque son corps tout entier semble se tordre étrangement lorsque sa perfection se revêt de ses amalgames de personnalités, de gestes familiers et de regards qui forment la somme de ce qu'elle est. (...)
Je tiens le pouvoir comme une dague sous ma main, prêt à le lui enfoncer dans la gorge à coup de poing. Aewyll se redresse d'un bond félin, sans ses mains, et crie de douleur comme une petitefilledont on vient de pincer l'oreille. - Aïe ! Elle saisit son bras cassé, à la fois comme un trésor et comme une blessure. (...)
De petits cailloux me tombent dessus et rebondissent sur nous tandis qu'Aewyll émet un rire étouffé de petitefille. - Tout va bien ? Voix inquiète de la Princesse Bleue dont l'écho se répercute sans fin à travers la faille. (...)
La Princesse Bleue est la plus vacharde de mes deux enseignantes mais aussi la plus claire et la plus efficace. Aewyll, est comme une mère, comme une soeur, une femme ou unefilleavec son vieux père gâteux, bref, Aewyll est comme Aewyll, et c'est bien le problème : aimante et aimable. (...)
Un moment passe, pendant lequel la Princesse Bleue et moi nous observons longuement. Finalement, Aewyll prend l'initiative. - Si vous voulez bien m'excuser... Avec un rire de petitefilleanimé par la voix d'Aube Grise, elle se défait de moi avec une agilité de chatte, souple et douce comme du lait, légère comme un flocon de neige, elle bascule de mes bras, mon coeur s'emballe lorsqu'elle se balance un instant au-dessus du vide, puis elle me grimpe dessus, sans user de ses mains, s'appuyant avec ses pieds, sur mon coudes, mon menton, mon genoux et finalement se dirige vers la surface, gloussant toujours. (...)
Je finis de me hisser sur le rebord et mon regard rencontre celui d'Aewyll. Son regard doux et moqueur, souvenir de petitefilleespiègle de mon village disparut, rencontre le mien. - Vous en avez mit du temps ! Je souris. Savoure l'air frais et la caresse du soleil tandis que la Princesse Bleue jaillit et se pose gracieusement à mes côtés. (...)
Avec le chien, j'ai de quoi manger suffisamment jusqu'au Trône d'Orage, et les vêtements ne me vont pas trop mal : des vêtements de paysans, gris sombres, avec quelques lanières et quelques ceintures, uniquement ornementés de la cape bleue de lafilledu Maître des Hauts Vents. Je m'improvise des bottes avec le tissu d'une cape que j'ai prise en même temps que les autres vêtements, et les ceint avec les lanières de cuir. (...)
- Pourquoi as-tu détruis mon village ? Pourquoi ? Je sanglote malgré moi. - Tu t'es vengé, tu as pris mafille, le reste ne te concerne pas, et tu ne le sauras jamais. Le coup, empli d'essence, de pouvoir, s'abat sur moi. (...)
Elle est vêtue d'une robe de courtisane, légère, de satin, évanescente et parfumée. Je souris, la jeunefilleest sur le point de me briser le coeur par sa beauté. - Tout va bien, dis-je de ma voix la plus rassurante, c'est fini. (...)