Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : hauts (66)(...) C'est ainsi car nos pères ont appris longtemps avant nous qu'il vaut mieux finir vidé de son sang que de désobéir au Seigneur desHautsVents. Je ne suis pas un homme sage, mais comme tous les hommes de mon âge je connais les histoires du monde ancien, l'ancien âge perdu des merveilles. (...)
L'été, la plaine est verte, brûlante, impitoyable. Chaque année, après le jour le plus long de l'été, un Héraut du Seigneur desHautsVents nous visite, revêtu d'acier et armé de jade, porteur d'exigences, d'étrangeté et de pouvoir. (...)
Il ne faut pas être voyant pour savoir que cette année est mauvaise : trop de pluie, trop de chaleur. La fièvre va faucher des vies et la famine est presque assurée mais le Seigneur desHautsVents ne voudra pas une part moins grande que le minimum auquel il est habitué, alors, les anciens du village tiennent conseils. (...)
Pigeon Fou est le seul à pouvoir se permettre ce genre plaisanterie avec Regard Vif, mais il n'est pas intelligent de courroucer un homme dont on dit qu'il possède une ascendance divine. - Reprend. Regard Vif reprend. - Le Seigneur desHautsVents peut être contenté, mais cela aura un prix... Nouveau grognement. - Encore un sacrifice ? (...)
Cuillère d'Argent est l'homme le plus riche du village. Ce qui ne signifie pas grands chose pour le Seigneur desHautsVents. - Non, dit Regard Vif. Nous ferons oublier son appétit en en comblant un autre. Nous nous regardons tous. Nous savons de quoi il parle. Le maître desHautsVents peut avoir envie de n'importe qui. Femme, homme, enfant. N'importe lequel d'entre nous peut-être choisi, même s'il à une préférence pour les êtres jeunes. (...)
Et je sais que je ne pourrai pas manger en paix avant de régler cette discussion. - Il n'a pas le choix. - Mais il a des pouvoirs ! - Pas assez, crois-moi. Le Seigneur desHautsVents pourrait raser ce village en un instant s'il voulait. Regard Vif sait juste avoir les messages que les étoiles veulent bien lui donner. (...)
Tu te rappelle de ce qui vit dans les failles ? Ou ce qui vient au solstice d'hiver ? Le maître desHautsVents nous protège parce qu'il le peut, toi, qu'estce que tu veux faire ? Je baisse le ton. « Maintenant mange et prend des forces. (...)
Parfois, ce n'est qu'une faible brise, mais la plupart du temps, il hurle dans les plaines, presque sans fin, tant et si bien que certains étrangers qui s'aventurent ici deviennent parfois fous lorsqu'ils restent trop longtemps dans les environs. Au pire moment ou lorsque le Seigneur desHautsVents déchaîne sa colère, c'est un ouragan destructeur, une terreur élémentaire et aveugle qui détruit tout sur son passage à des kilomètres à la ronde à laquelle il est presque impossible d'échapper. (...)
Je m'écarte et guette l'horizon en quête de danger. Il y a trois jours de voyage avant d'arriver au trône de glace, la demeure du Seigneur desHautsVents. Je garde l'oeil ouvert. Le Seigneur desHautsVents veille sur la région. Le pire, le Beau Peuple, les grands ouragans et les tribus barbares, il les tient à distance, dans les failles où au delà des frontières de la nation, mais les brigands, les bêtes, ceux-là, il se contente d'envoyer ces serviteurs à leurs trousses et la plupart du temps, cela suffit. Seulement, la limite entre voyageurs et brigands est parfois indistincte, et toutes les bêtes ne sont pas si faciles que cela à chasser, et c'est essentiellement à nous de gérer ces problèmes. (...)
De plus, les villages des environs sont pour la plupart aussi pauvres que le nôtre, et même si c'est rare, il arrive parfois qu'un village qui ne sait pas payer le tribut, aille le chercher dans la communauté voisine. Le Seigneur desHautsVents le sait, et la plupart du temps, laisse faire. De fait, nous n'aimons pas nos voisins et ils nous le rendent bien. (...)
» est un dicton de ma région. Et la fille de Regard Vif reste trop silencieuse. - On dirait que le Seigneur desHautsVents nous protège, dit Pigeon Fou en sortant une balalaïka. - Pas de bêtise, dit Boeuf. Ce n'est pas un dieu. (...)
Pigeon Fou l'aime bien visiblement. - Flocon ne t'a rien dit ? Dit-il. - Pas grand chose, il dit que le Seigneur desHautsVents est un enfant de la déesse Mela, qu'il est sacré, et qu'il règne depuis toujours sur la nation des vents. (...)
Quand Pigeon Fou reprend la parole, sa voix est enjouée, comme celle d'un homme qui découvre une pièce de jade par terre. - Sache, jeune chiot, que le Seigneur desHautsVents n'est pas le fils de Mela, dit-il, c'est un élu divin, pas juste le rejeton d'une amourette divine. (...)
Et pour les humbles mortels comme nous ça finit toujours de la même façon : une mort dans d'atroces souffrances de la main de l'un ou l'autre. La bouche ouverte, Rude hésite un instant, puis cède à sa curiosité : - Et... le Seigneur desHautsVents est un Exalté ? Un public : juste ce dont Pigeon Fou à besoin pour être encourager. Il sourit. (...)
Je fronce les sourcils, m'installe. - Que veux-tu ? - Je veux savoir... as-tu déjà vu le Seigneur desHautsVents ? - Une fois. Regard Vif aussi. Il ne t'en a pas parlé ? - Non, jamais. Depuis mes huit ans, je suis. (...)
Je crois que le Héraut t'a choisie parce que tu es belle, et parce que tu es intelligente. Je pense que le Seigneur desHautsVents te fera vivre mieux que tu n'auras jamais vécu jusqu'ici. Il te fera faire sans doute la même chose que Regard Vif. (...)
La route est plus facile à parcourir, aussi à notre rythme, nous avançons rapidement, comme aspiré dans un rêve étrange, dans un de ces cauchemars qui ne veut pas dire son nom et qui vous laissent un goût d'inquiétude toute la journée du lendemain. Nous arrivons. La demeure du Seigneur desHautsVents est construite d'une façon qui m'échappe, comme si elle n'avait pas été construite en fonction de l'environnement mais, à l'inverse, comme si son architecture façonnait le monde autour d'elle. (...)
Le vent gronde en permanence, fait tournoyer de façon cyclopéenne d'obscurs nuages gris autour du donjon principal, tandis que les rayons du soleil se déversent en cascade sur la toiture éclatante de la demeure du Seigneur desHautsVents. Nos capes claquent sous le vent, nos chevaux nerveux, hennissent, sentant la tempête tenue en laisse par le pouvoir de cette demeure que l'on sent plus vieille que la nation du vent ellemême. (...)
Cinq silhouettes apparaissent dans l'océan de lumière blanche qui semble être contenus dans la forteresse de jade bleu : Une femme et quatre hommes. La fille du Seigneur desHautsVents. On l'oublie souvent, tant l'aura de son père plane sur la nation, pourtant elle est presque aussi terrible que lui. (...)
- Ce n'est pas au Héraut de négocier ce genre de chose, dit-elle calmement. Son regard est calme, douloureux. - C'est au Seigneur desHautsVents de décider s'il accepte votre offrande. J'essaierais d'intercéder en votre faveur. Elle se retire et disparaît dans l'entrée. (...)
Des morceaux de bois viennent se ficher quelque part dans ma chair tandis que des morceaux de chariot, des restes de récolte et d'OEil Vert retombe autour de moi. Le Seigneur desHautsVents ? - Assez ! Je reconnais la voix. Je me redresse douloureusement. La Princesse Bleue se tient devant moi, des éclairs crépitent le long de son épée de jade bleue dégainée. (...)
Je me serais donné plus longtemps, mais j'ai plongé dans un petit lac dans le domaine du Seigneur desHautsVents pour échapper aux chiens et effacer mon odeur. Le lac ne valait pas beaucoup mieux qu'un marais, la morsure de l'eau était froide, cruelle. (...)
Boeuf était déjà affaiblis, et les Exaltés sont infiniment plus résistant que les mortels, le Seigneur desHautsVents vivait déjà du temps de l'arrière grand-père de mon grand-père, et on dit que leurs membres et leurs organes repoussent comme ceux des démons et des dieux, rien ne me pousse à croire que la Princesse Bleue est différente de son père. (...)
D'autres hommes m'observent, l'air méprisant, je les ignore. Je sens le vent sur mon visage, nous sommes toujours dans la nation du vent. Le Seigneur desHautsVents doit savoir qu'ils circulent sur ces pâturages. Impossible qu'un tel clan passe inaperçu. Mahe revient vers moi. - Votre couche est prête. - Vous avez un accord avec le Seigneur desHautsVents ? Elle hoche la tête négativement. - Le Dieu des vents est changeant, il est trop libre et trop puissant. (...)
Le temps de faire la traduction et que Hakka réponde, Mahe devient pâle. - Il dit que ce n'est pas ce que pense Boeuf. Il dit qu'il vous attend, vous ou le Seigneur desHautsVents. Je reste silencieux et ne regarde pas Hakka. C'est la première fois qu'un Shaman parle aussi librement de chose qui ne doive être connue d'eux seuls. (...)
Parfois ils s'arrêtent pour faire un peu de commerce avec les autres villages, échangeant des légumes contre une ou deux bêtes en me tenant à l'écart et en me cachant de tout ceux qui pourrait me dénoncer au Seigneur desHautsVents. Les affaires sont mauvaises : le Seigneur desHautsVents à visiblement prélevé un tribut important dans toute la plaine. Le peu que j‘aperçoit des villages voisins n'améliore pas mon moral : champs surexploités, vaches maigres, enfants hâves, et maisons silencieuses. (...)
Hakka a été fou de me sauver. Je repense au regard du Héraut, au pouvoir de la Princesse Bleue, du Seigneur desHautsVents et du Trône d'orage. La panique manque de me submerger, puis je m'assieds au fond de la yourte, ferme les yeux, incapable de penser. (...)
J'entends l'étrange voix du Héraut, elle couvre le souffle du vent, les hommes et les bêtes se tiennent dans un silence craintif lorsqu'il élève la voix. - Noble peuple Aïnouk ! Le Seigneur desHautsVents vous a laissé vivre sur ces terres pendant de nombreux jours, et maintenant, il attend de vous que vous lui donniez une compensation pour son infinie hospitalité. (...)
Le ton du Héraut est celui dont doivent user les fleurs vénéneuses en enfer. - Je n'en attends pas moins, mais sachez que le Seigneur desHautsVents serait offensé de ne pas vous voir reconnaître son pouvoir sur les cieux comme sur ces terres : Il ne demande que le dixième de vos troupeaux, cinq de vos hommes, cinq de vos femmes, et cinq de vos enfants. (...)
A nouveau la voix de Hakka, toujours aussi calme, toujours aussi solennelle, et la réponse du Héraut, détachée et sans appel. - Bien, vous subirez alors la justice du Seigneur desHautsVents. Je me lève et observe par l'ouverture de la yourte : les soldats du Seigneur desHautsVents ont démontés et se sont déployés dans le campement, leurs armes dégainées. La main d'acier griffue du Héraut jaillit soudain et attrape Hakka par le col. (...)
Je mets à profit cet instant pour agripper le fleuve de pouvoir qui orbite autour de moi, me laisser emmener par lui pour retrouver les gestes anciens et implacables qui ont tué le gardes du Seigneur desHautsVents et le Héraut. Ils sont là. Ils semblent m'attendre, plus mortels que les deux créatures devant moi. (...)
En reculant, mon dos heurte un autre bloc, la neige qui le recouvre s'effrite et tombe, je reconnais l'homme dans celui-là aussi : l'un garde du Maître desHautsVents. Ils sont figés dans la glace, terrifiés, terrorisés, pour toujours. J'ai le souffle court, ma voix est basse : - Qu'est-ce que c'est ? (...)
Les mots du Hérauts me reviennent : « Tu as fait disparaître la Princesse Bleue... » - La Princesse Bleue... - C'est elle.., dit-elle avec la voix de la Fille du maître desHautsVents. Il s'en sert comme trophée et comme source de lumière. - Le Maître desHautsVents n'est pas venu la chercher ? - Pourquoi le ferait-il ? Lewellyn est par trop puissant ici. (...)
Elle s'approche, pose une main sur mon épaule nue, sa paume fait courir des frissons en moi. Je les réprime. - Je dois aller voir le Seigneur desHautsVents..., dis-je. - Mon père ? Ne fais pas ça, vous aller vous battre, et il te tuera. Il a déjà tué un de mes frères pour la simple raison qu'il lui avait désobéit, et mon frère avait le pouvoir depuis plus longtemps que tu ne le possède, alors toi. (...)
Les caractères du mot «ANATHEME », ont été tracés à l'encre rouge, une véritable débauche de luxe ! Il n'y a qu'une seule personne qui peut se la permettre. Le Maître desHautsVents sait que je suis toujours en vie. Probablement l'un des gardes accompagnant le Héraut est-il parvenu à survivre à la colère des Aïnouks et à revenir jusqu'au Trône d'Orage. (...)
Avec le chien, j'ai de quoi manger suffisamment jusqu'au Trône d'Orage, et les vêtements ne me vont pas trop mal : des vêtements de paysans, gris sombres, avec quelques lanières et quelques ceintures, uniquement ornementés de la cape bleue de la fille du Maître desHautsVents. Je m'improvise des bottes avec le tissu d'une cape que j'ai prise en même temps que les autres vêtements, et les ceint avec les lanières de cuir. (...)
Ca ne vaut pas de vraies bottes mais c'est toujours mieux que rien, puis j'avance et me mets en route pour le Trône d'Orage à travers la steppe. La demeure du Maître desHautsVents est encore loin, pour me distraire de la plaine morne, j'arrache une feuille d'une plante, la plie et joue un air de voyage qui résonne à travers l'air. (...)
J'estime être à encore deux jours de marche lorsque le vent tourne plein sud, puissant, ramenant d'énormes nuages sombres, annonçant l'orage, annonçant la colère du Seigneur desHautsVents. J'observe les titans sombres et célestes qui projettent leurs ombres sur la steppe, qui voilent le soleil brûlant. (...)
Le vent ne m'arrête pas, mais il me ralentit considérablement, et je comprends instinctivement que le Seigneur desHautsVents tente de m'épuiser avant de me cueillir comme une pâquerette. Je regarde vers le ciel, et les béhémoths nuageux qui y dansent tels des géants ivres. (...)
Je grimpe les pentes de terre et de roche retournée devant moi, et arrivé au sommet, je constate que l'attaque du Seigneurs desHautsVents m'a plus avantagée que lui. Ma chute m'a fait avancer de plusieurs kilomètres sur mon itinéraire. (...)
Tous ses assauts ne me font pas avancer, mais je survis, et j'apprends. Je finis par comprendre que le Seigneur desHautsVents à besoins de temps pour m'attaquer de toute sa puissance, un temps que je met a profit pour reconstituer mes réserves de pouvoir, au bout de sa troisième attaque, lors de la chute vertigineuse qui la suit immanquablement, je fini par apprendre que je peux diriger plus ou moins ma chute en m'inclinant de gauche à droite et d'avant en arrière, et je comprend qu'il ne pourra pas me vaincre par ce moyen là non plus. (...)
A l'affût de l'attaque suivante, j'hésite à m'endormir, le pouvoir me soutient aisément, et je sens que je pourrais marcher encore deux bonnes journées avant de m'effondrer, mais je n'ai pas encore rencontré le Seigneur desHautsVents en personne. J'ignore si je m'en sortirai vivant, je n'y pense pas, je me concentre sur la nuit et la journée suivante, sur les heures suivantes. (...)
Tout au plus, je prends une inspiration et soudainement une violente averse dégringole des cieux. Je suis presque déçu, néanmoins, je sais que le Seigneur desHautsVents est un amateur de surprise, et je le suis beaucoup moins lorsque les gouttes d'eau se mettent à tomber de plus en plus dru, de plus en plus denses, et deviennent un instant plus tard une pluie de grêlons glacés, gros comme des poings, tombant à une vitesse vertigineuse, brisant des branches d'arbres épaisse comme des bras d'homme sans difficultés, transperçant, coupant les feuilles. (...)
Je ne vois pas trop ce qui pourrait m'arrêter à part le manque de pouvoir, mais justement je veux en économiser le plus possible pour le Seigneur desHautsVents, aussi je choisis la discrétion. Je me rue sur ce qui ressemble aux portes de bois des écuries. (...)
D'autres questions surgissent dans mon esprit comme à chaque coin de couloir, des questions sans réponses que j'étouffe et réprime pour garder l'esprit clair, concentré sur le danger, la tempête d'un genre différent que le Seigneur desHautsVents s'apprête à déchaîner sur moi. Une tempête de lames, de sang et de fureur. Je peux toujours entendre le vacarme, grondant par-dessus le bruit net de mes pas dans le Trône d'Orage, des cris de guerre dans la langue du nord, dans la langue de la plaine et celle des rivières. (...)
Non, tout cela n'a que pour seul but de me ralentir, de m'épuiser. Après, peut-être, le Seigneur desHautsVents viendra seulement m'achever. Mais je ne compte pas jouer selon ses règles. Mon regard parcours le croisement baigné de lumière devant moi : luxe, jade et le pouvoir, invisible, saturant les lieux, mais enfermé dans le jade, aussi inaccessible pour moi que le soleil et la lune. (...)
Au milieu de la grande salle ornementée d'inscriptions en langue ancienne, trône la statue d'un dragon de jade bleu, elle est entourée de cinq soldat armés de pied en cap, derrière eux, se tient un homme masqué, protégé d'une armure d'acier immaculée réfléchissante comme un miroir, les épaules couvertes d'une cape noire, aux longs cheveux tombant en une cascade de blancheur neigeuse dans son dos, et son regard, bleu et glacé comme la mort se fixe sur moi avant d'exploser dans une frénésie d'éclair. Enfin. Le Seigneur desHautsVents. La surprise joue, mais pas autant que j'espérais. J'atterris dans la salle dans une pluie de lumière solaire et de flocons de verre scintillant. (...)
L'un des gardes crie un ordre en langue du nord, je le repère par réflexe et le met soudainement en tête de liste des gens à tuer. Le Seigneur desHautsVents ne profère pas un mot, à peine pose-t-il ses mains sur les épaules de deux de ces hommes. (...)
Le coup m'atteint à l'épaule, y trace un sillon écarlate et vient se planter dans l'un des piliers de jade derrière moi. Le rire du Seigneur desHautsVents est une chose claire et froide comme un matin d'hiver, il retentit triomphalement. Je rugis et le pouvoir avec moi dans une explosion de lumière. (...)
J'entends le renâclement d'un aurochs tout prêt de moi, et je vois le taureau ailé se refléter dans les yeux emplis de terreur du dernier garde, juste avant qu'il ne s'enfuie en hurlant. Je reste seul au milieu du carnage. Mes yeux se portent sur le Seigneur desHautsVents. - Et maintenant.., dis-je. Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, l'instant d'après, l'anima du Sang-dragon explose dans une fureur de vent polaire, de cristaux de neige glace et de lumière d'azur. (...)
Lorsque je frappe, mes poings crispés creusent des trous dans les murs, pulvérisent des piliers, soulèvent des vagues de poussières et répandent des ondes de choc, mais le Seigneur desHautsvents m'est aussi inaccessible que l'azur bleu du ciel. Lui aussi manque sa cible, mais moins souvent que moi, ses dagues ont la puissance de la foudre, et sa foudre, une puissance au delà des mots. (...)
Les moins chanceux retapissent les murs, les autres s'enfuient, ventre à terre. Victoire sans objet, car la seconde d'après, le Seigneur desHautsVents revient à la charge, accompagné de ses foutues dagues infernales, de sa foudre et sa glace. (...)
Ma voix est un grognement de bête. - Pourquoi ? Je frappe, son masque se brise, le sol s'affaisse sous nous. Le Seigneur desHautsVents est un homme dans la quarantaine, beau, le regard bleu et glacé, la peau pâle, le visage orné d'un bouc, maintenant ensanglanté. (...)
Je me sens vide, froid. Je suis seul. Je reprends conscience. Mes yeux sont fixés sur le cadavre du Seigneur desHautsVents, il n'a plus réellement de tête. Mes yeux se posent sur mes mains, couvertes de sang jusqu'aux coudes. (...)
La seule chose qui s'approche de moi, ce sont ces quelques silhouettes de femmes, vêtues de parures magnifiques et légères, les courtisanes du Seigneur desHautsVents sans doute, qui traînent une jeune femme vaguement familière. L'une d'elle chuchote à cette dernière : « Tu le connais, toi, il est de ton village. (...)
Je regarde le gâchis autour de moi : le lupanar en ruine dans lequel j'ai atterrit, les femmes terrorisées, le vent soufflant à travers les murs et le pouvoir du lieu, brisé comme l'aile d'un oiseau. Je secoue la tête, saisis le corps du Seigneur deshauts- vents. - Nous partons, dis-je. Je franchis les portes du harem en titubant, laissant dans mon sillage des flaques de sang. (...)
De l'autre coté, dans le couloir situé au pied de l'escalier, des soldats m'attendent, armés et nombreux. Ils reculent rapidement devant moi lorsque je jette le corps de leur maître Seigneur desHautsVents à leurs pieds. Certains s'agenouillent, d'autres pleurent, la plupart restent stupéfaits, silencieux. (...)
Et tu as choisi de sacrifier les autres pour sauver tes fesses, et tous tes efforts ont échoués : Le soleil m'a élu, j'ai tué le Héraut, j'ai tué le Seigneur desHautsVents, j'ai détruit le Seigneur de la faille... Ses yeux s'agrandissent de terreur. Je continue. (...)
Les légendes disent que les élus du soleil et ceux des dragons sont ennemis, alors j'ai prévenu le Seigneur desHautsVents grâce à Brume, mais le destin... c'est injuste ! Le destin, répète-t-il, le destin... J'éclate de rire. (...)
Je franchis les collines grises et du sommet de ces dernières, je perçois une odeur humide portée par les vents venus du fond des mers, là où ils vont et viennent à leur guise, libres du pouvoir du Seigneur desHautsVents et portés par leurs seules volontés. Dans le ciel, le soleil brille, puissant, majestueux. (...)