Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : passe (22), passé (6)(...) Chaque année, avant la plus longue nuit de l'hiver, chaque homme du village égorge une bête pour en recueillir le sang, le mettre dans un bol et le laisser dans l'autel familial devant la maison après une prière. La nuitpasseet les bols de sang sont retrouvés vides. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent souscrire à l'offrande sont vidés de leur sang à la place de leurs bêtes. (...)
Un autre ancien, on l'avait retrouvé lui, sa femme et ses quatre enfants vidés de leurs sangs et suspendus aux poutres du plafond, pendus par les pieds comme des porcs, décoration sinistre de cauchemar. Deux jours avant le solstice d'hiver, un caravanier itinérant étaitpasséet vendait des exorcismes, mais les talismans étaient bidons. Les morts s'étaient offensés et avaient fait un exemple. (...)
- Qu'est-ce que tu veux en savoir, le chiot ? - Ben, à quoi ressemblait le monde ! Pigeon Fou sourit. Il s'est rendu intéressant et c'est sonpasse-temps favori. Je ne peux pas lui en vouloir d'ailleurs, lors de certaines nuits d'hivers calmes et interminables, c'est même franchement utile. (...)
Tu délires déjà bien assez comme ça ! - Il paraît qu'il y a des bateaux volant à Lookshy ! Intervient OEil Vert, un gosse naïf quipassetrop de temps avec ses bêtes, mais qui n'a pas son pareil une fois lâché dans la nature. - Ouais, dit Boeuf. (...)
Deux jours plus tard je me retrouve à courir comme un dément. Je lui ais dit de ne pas s'éloigner, mais Chien Enragé est trop sûr de lui. Il apassétrop de temps à parader dans le village avec sa foutue épée, à regarder les yeux des jeunes femmes de la barrière s'extasier sur ses muscles au petit matin. (...)
Soudain, un glas retentit, et mon sang se fige dans mes veines. Boeuf jure. Rude nous regarde, paniqué : - Que sepasse-t-il ? Pigeon écarquille les yeux de stupéfaction. - Non... nous... le village... le Seigneur nous renie ! (...)
J'ai une chance de le prendre par surprise, en tout cas j'entretiens cette illusion jusqu'au moment où j'aperçois sa silhouette, projetée par la lumière du feu, une silhouette de femme. La silhouette de la Princesse Bleue. Je serre les dents. Ellepassedevant moi, silencieuse, revêtue de son armure, l'épée dans son fourreau. Elle a le corps d'une femme qui n'a jamais connu les champs, mais la démarche de celle qui ne sait que trop bien ce qu'est un combat. (...)
Puis sa cape claque au vent lorsqu'elle se retourne et s'en va, calmement, comme un vent de printemps qui tourne, sans dire un mot, sans un avertissement. Rien ne traverse mon esprit. Je suis prêt à tout. Rien ne sepasse. J'entends juste la Princesse Bleue s'installer, s'asseoir. Je reste éveillé, attendant à nouveau, je ne sais quoi. (...)
Le Seigneur des Hauts Vents doit savoir qu'ils circulent sur ces pâturages. Impossible qu'un tel clanpasseinaperçu. Mahe revient vers moi. - Votre couche est prête. - Vous avez un accord avec le Seigneur des Hauts Vents ? (...)
Pendant un instant, je pense m'enfuir, je pense à courir et aller me cacher au-delà de la frontière, pour trouver le destin qui m'y attend, quel qu'il soit. Puis l'instantpasse. J'ai fui trop souvent. Je me suis incliné, me suis rabaissé trop souvent. J'ai livré des enfants à un tyran meurtrier pour me sauver moi et les miens. (...)
Je voudrais prendre encore un moment de repos, mais ma gourde d'eau est vide et la lune est presque pleine et il est mauvais d'errer près du domaine du Beau Peuple à ce moment. Je prends une inspiration profonde, et je mets un pied sur la neige. Rien ne sepasse. Tout va bien. Un autre pas. On raconte de nombreuses histoires sur cet endroit. Les voyageurs disparaissent souvent près des failles, et parfois on les retrouve. (...)
Ils retombent avec un bruit sourd, leurs sangs se confondant avec la neige. Je souffle, le pouvoir en moi est solidement entamé. Un court instantpassependant lequel je crois pouvoir me reposer, mais j'ai tort. Le sol tremble tout entier, entre en éruption, des rugissements emplissent toute la faille et soudain une centaine d'entre eux jaillissent, enfanter par la neige, rugissant, m'encerclant, leurs yeux affamés et sanglants fixés sur moi. (...)
Je m'attends à oublier qui je suis, à devenir son esclave, à fondre comme de la neige, ou à simplement disparaître et mourir, mais rien ne sepasse. Au début. Puis la terre tremble, et son reflet dans le mur de glace sourit, se divise en deux en même temps que l'immense paroi qui révèle une lumière bleuâtre aveuglante. (...)
- Autant que je le puisse être. Je fronce les sourcils, contrarié par la réponse. Une vague de peurpassesur son visage : la peur de Brume. Je m'apaise et me rappelle avec qui, ou quoi je parle. - Tu es lui ? (...)
Cette chose obscure qui habite en moi s'anime, bouge, rugit silencieusement, rampe hors du puits de mon esprit juste assez pour me donner envie de crier, de bouger physiquement, mais rien ne sepasse, je ne lève pas la main. Cette chose en moi comprend mieux que ma raison ce qu'elle m'explique. (...)
Une tortue glisse le long d'un mur, dans sa carapace creuse, des vêtements tels que je n'en ais jamais porté : des vêtements de prince, de roi, de dieux. La méfiancepassedans mon esprit comme un fantôme hurleur. - Je ne suis pas sûr... Je sors de l'eau. - Je le suis, tu ne risque rien, faits à partir d'élégance, d'ostentation et de fatuité, ils t'iront à merveille ! (...)
- Oui, tous les deux... tu es comme moi, prisonnier d'un monde qui te rejette et tente de te détruire. Cause, effet,passé, présent et futur, tout cela te conduit à devenir, à être et à rester un monstre aux yeux de tous tes semblables, à perdre ceux que tu as perdus, malgré tout tes pouvoirs, tu ne peux pas sortir du présent dans lequel tu vis, tu es pourchassé et craint dans toute la Création et l'issue unique est la mort. (...)
- Oui, tu as bien entendu et tu as vu, dans un endroit où l'Essence est libre, on peut échapper aux conséquences de ses actes, lepasséne signifie rien, le futur pas beaucoup plus, la linéarité brisée, on devient libre, libre de sa condition, de soi-même ! (...)
Je sais reconnaître l'odeur du mensonge lorsque j'en entends un, et j'ai reconnu l'odeur des mensonges des Sang-dragon, je me suis rendus compte qu'ils ne savaient pas vraiment pourquoi ni comment ils vous avaient vaincus pourquoi vous n'étiez pas revenu, et à ce moment j'ai compris que vous pouviez vous réincarner, que tant que le monde n'était pas brisé, vous reviendriez, et ce n'était qu'une question de temps, vous reviendriez, c'était certain et j'en parlais aux tribus de la folie qui envahissait Création. » Je surprends dans mon esprit l'ombre d'une curiosité. - Et que c'est ilpassé? Ma voix me fait l'impression d'être aussi gracieuse que le croassement d'un corbeau. La voix de Lewellyn se fait cassante, douloureuse. (...)
Ca a dû t'être d'une certaine utilité j'imagine. - Exact. Je garde le sourire et attends. Un momentpasse, pendant lequel la Princesse Bleue et moi nous observons longuement. Finalement, Aewyll prend l'initiative. (...)
- Je suis désolé. Elle hausse les épaules. - Ce n'est pas grave, dit-elle, ils repousseront. Une vague de gaietépasseà travers son sourire désolé. - Si je réussis, dis-lui que le Trône d'Orage lui appartient. - Je lui dirais, et si tu échoue ? (...)
De là, ils peuvent apercevoir une bonne partie de la plaine jusqu'à la limite de l'horizon. Un endroit facile à garder, et privilégié par les rares caravanes marchande de la guilde quipassedans la nation du vent. Les gens qui y vivent ne sont pas très différents de ceux qui vivaient dans le mien : juste un peu moins pauvres, un peu moins désespérés. (...)
Je discerne la forme ronde du pain emmitouflé dans le tissu blanc, légèrement éclairée par une petite fenêtre oùpassele clair de lune et je salive comme un chien devant sa pâtée. C'est l'instant d'après que je commets mon erreur. (...)
Je me couvre de la cape de la Princesse Bleue pour dormir la nuit, une merveille qui semble imperméable à l'humidité et qui me fait faire l'économie de mon pouvoir pendant le jour. Lors d'une journée grise et brumeuse, jepassenon loin d'un buisson blanc, qui annonce la proximité de la faille. Cette nuit là, je ne m'endors que d'un oeil. (...)
Le pouvoir court toujours dans mon corps et je dois faire très attention pour ne pas démolir la vitre malgré moi tandis que les bruits de pas se rapprochent rapidement. Jepasseet referme la baie. Je me retrouve sur l'allée extérieure de l'aile du donjon central. Deux gardes ahuris, en haubert et armés de haches m'observent avec de grands yeux. (...)
Lui aussi manque sa cible, mais moins souvent que moi, ses dagues ont la puissance de la foudre, et sa foudre, une puissance au delà des mots. Et tous les coups lui sont permis. Ses dagues virevoltent comme un essaim meurtrier autour de moi,passeà travers les espaces des portes, m'attaquent des quatre directions à la fois. Luimême apparaît et disparaît comme un feu follet dans au coeur de la nuit. (...)
Je devais lui dire que tu serais choisi par le soleil ! Je t'en supplie, épargne-moi ! » Je souris,passeune main dans ses cheveux. Elle est vêtue d'une robe de courtisane, légère, de satin, évanescente et parfumée. (...)
Je l'abandonne malgré son regard que je sens peser sur moi. L'emmener dans le pays des morts est le pire service que je pourrais lui rendre et il s'estpassétrop de chose pour que nous puissions partager la même route longtemps. Elle ne veut pas de la liberté, ni de la justice, elle veut juste être protégée. (...)