Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : vide (16), vidé (3)(...) Un village perdu au milieu de cette terre que j'ai vue creusée par mon père avant moi et que mon fils creusera sous mes yeux et bien après. Cette terre, vaste, s'étendant à l'infini, presque aussivideque la paume de ma main, sans presque aucun relief pour nous abriter du vent, craquelée de ces longues et profondes failles où sommeillent des choses inhumaines qui remontent à la surface les nuits de pleine lune et les jours de tempête. (...)
Ma vie est plus à sa fin qu'à son début et parfois j'en suis heureux. C'est ainsi car nos pères ont appris longtemps avant nous qu'il vaut mieux finirvidéde son sang que de désobéir au Seigneur des Hauts Vents. Je ne suis pas un homme sage, mais comme tous les hommes de mon âge je connais les histoires du monde ancien, l'ancien âge perdu des merveilles. (...)
Je plante le bâton de fer qui est censé nous protéger des mauvais esprits et du Beau Peuple. Finalement, Boeuf prend un lapin qu'il a tiré avec son arc pendant le trajet, levideet le dépèce rapidement avant de le faire cuir. Brume reste silencieuse et je la garde à l'oeil : « les gens qui ne disent rien n'en pense pas moins. (...)
J'aperçois une côte ressortir hideusement de l'un ses flancs. - Elle est partie ? Il crache du sang quand il parle. Je me sensvideet exultant à la fois. - Oui. Je tente de le prendre, il ne hurle pas, la gangue grise vire au blanc et semble le tenir en un seul morceau. (...)
- De quoi ? Tu n'avais pas à aller le chercher... tu l'as fait, j'ai une dette. Je soupire et me sensvidé. La dette est discutable, mais en discuter retournerait seulement le couteau dans la plaie, et ce genre de chose est dangereux dans de pareilles circonstances. (...)
Le décor reste le même, les seuls points de repères sont des arbustes verts ou blancs et quelques buttes qui se dressent occasionnellement et découpent l'horizon. Sivideque lorsque l‘on sort du chemin, on navigue à l'instinct et aux étoiles comme des marins perdus dans un océanvide. Le soir tombe lorsqu'un grondement similaire à celui du tonnerre roulant dans la plaine m'avertit que la Princesse Bleue m'a retrouvé. (...)
La sang-dragon et sa suite avancent, mais pas directement vers moi. Ils ne m'ont pas encore vu. Je regarde autour de moi, cherchant un abri dans tout cevide, j'accélère mon allure malgré l'épuisement et je repère trois buttes de terre médiocres. Je les rejoins en rampant. (...)
Je vois des nuages de poussière qui tourbillonnent, qui cachent les cieux et plongent la plaine dans les ténèbres, ils sont aspirés par des fleuves d'air invisibles qui filent dans ma direction, passent par-dessus ma tête en hurlant et qui me jettent au sol lorsque leurs souffles m'effleurent. Au loin, mon espritvideaperçoit un gigantesque nuage de poussière se soulever au point de rencontre de ces étranges tornades. (...)
Les champs ne sont plus que des taches de terre au milieu des mauvaises herbes qui les entouraient. Mon esprit estvide, sa substance emportée par le vent. Assis par terre, j'attends sans trop savoir quoi, ahuri. La nuit. (...)
L'homme me sourit et se tranche d'abord la paume de la main avant la mienne. Jaï récupère le sang dans un bolvideet le vieux me regarde en marmonnant quelques mots. Il rajoute une fiole de je-ne-sais-quoi et fait brûler le tout. (...)
J'en trouve quelques uns, et je choisis celui où la glace parait le plus solide. Je voudrais prendre encore un moment de repos, mais ma gourde d'eau estvideet la lune est presque pleine et il est mauvais d'errer près du domaine du Beau Peuple à ce moment. (...)
Je jure, cours vers la neige de l'autre coté, mais la glace continue de craquer tout autour de moi, je la sens céder rapidement sous mes pieds. J'entends l'un des blocs tomber dans levidederrière moi dans un sifflement rauque, puis un autre fait le plongeon devant moi, entraînant un pan entier du pont, un autre sous mes pieds. (...)
Je roule dans de la neige, glisse sur de la glace. Etourdi, je n'ai même pas le réflexe de me rattraper. Je bascule à nouveau dans levidepuis le dieu de chutes violentes me frappe à nouveau, rageur. L'impact, sourd et brutal, achève de me couper le souffle. (...)
- Je vois que tu as du mal à saisir, je vais donc te faire un exemple... Et Lewellyn s'élance, se jette du pont dans levidevers les Stalagmites sans un cri, sans un avertissement de plus. Je me précipite au bord du pont, mes yeux contemplent sa chute. (...)
Avec un rire de petite fille animé par la voix d'Aube Grise, elle se défait de moi avec une agilité de chatte, souple et douce comme du lait, légère comme un flocon de neige, elle bascule de mes bras, mon coeur s'emballe lorsqu'elle se balance un instant au-dessus duvide, puis elle me grimpe dessus, sans user de ses mains, s'appuyant avec ses pieds, sur mon coudes, mon menton, mon genoux et finalement se dirige vers la surface, gloussant toujours. (...)
Je commence à avoir la tête qui tourne, aussi, je prends mon élan, bascule, et fait un saut périlleux dans levide, sur place, si rapide et puissant que je ne me reçois qu'au deuxième tour, mes mains se raccrochent si fortement dans la roche qu'elle explose. (...)
Je bascule, le choc de l'atterrissage est lointain, abstrait, pas fatal en tout cas. Je me suis vengé, et maintenant que me reste-t-il ? Je me sensvide, froid. Je suis seul. Je reprends conscience. Mes yeux sont fixés sur le cadavre du Seigneur des Hauts Vents, il n'a plus réellement de tête. (...)
Elle ne croise jamais mon regard, je ne lui parle qu'en cas d'absolue nécessité. Nous sommes tous deux couverts de terre. Je guéris, alors que j'aurais du mourirvidéde mon sang ou rongé par la gangrène ou quelque autre infection, mais aucun de ses maux ne m'atteint, et mes plaies guérissent à une allure qui m'effraie autant que Brume. (...)