Le Journal de Lycia (Premières chroniques) - Esprit
de familleJe me trouve à nouveau sur le pont de ce maudit navire secoué par un océan déchaîné. Acculée à la proue du bateau, encerclée par des brutes sales et aveuglées par leurs croyances, je ne sais plus quoi inventer pour m'en sortir. Ma vision est teintée du rouge de mon propre sang, ils sont trop nombreux pour que je puisse espérer les éliminer un à un. Et cette douleur à la tête ne cesse d'empirer. Des mains calleuses s'emparent de moi, plaquant plus encore sur ma peau des vêtements détrempés d'écume ...Contient : ombre (9)(...) Traverser les Ombres me procurait maintenant un sentiment de liberté, différent de l'exaltation initiale de la découverte. Toujours j'avais su ce qu'était vraiment la Terre, uneOmbresimplement parmi des milliards d'autres, mais ce souvenir n'avait pourtant surgi de ma conscience qu'à l'instant magique de ma première manipulation d'Ombre. Et maintenant j'étais libre, plus jamais prisonnière et impuissante comme je l'avais été pendant ces siècles. (...)
La carte, confiée par Mandor, se trouvait maintenant mêlée aux miennes. Nous n'en aurions pas besoin, je le pressentais. Nous nous rapprochions de la curieuseOmbred'accueil du jeune homme, à un train d'enfer. La présence de Yarick et Robin derrière moi m'était indifférente, je les oubliais parfois. (...)
L'horreur s'empara de moi lorsque, approchant, je compris ce dont il s'agissait. Karadriel se trouvait devant nous, moins qu'uneombrede lui-même. Tendu vers le ciel, les pieds pris dans le sol, il semblait chercher à s'allonger toujours plus pour atteindre un but connu de lui seul. (...)
Comment pouvait-elle avoir commis pareille monstruosité ? Yarick et Robin avaient résolu d'aller dans l'Ombrede ce dernier chercher des hommes en nombre suffisant pour nous permettre d'accéder à Karadriel. (...)
Nous ne pouvions presser le pas comme j'en rêvais. Les hommes de Robin en seraient devenus fous. Pour eux, les modifications d'Ombredevaient se faire lentes et subtiles. Jamais ils ne s'étaient éloignés de leur contrée natale. (...)
Pas un son ne lui échappa quand leurs mains extirpèrent de terre ses jambes, raides et tellement déformées. Eric mit fin à ma contemplation morbide en m'intimant l'ordre de nous sortir de cetteOmbre. Je m'exécutai. Pas si promptement pourtant que je savais pouvoir le faire. Je renonçai également à emmener avec nous les hommes de Robin. (...)
Le risque était trop grand d'entraîner à leur suite les créatures dont nous espérions nous débarrasser. Nous parvînmes donc dans une variante plus paisible de notreOmbrede départ, lugubre toujours, mais moins menaçante. Mes manipulations d'Ombresemblaient avoir affecté curieusement Karadriel dont la rigidité paraissait diminuer. Le père de Yarick confirma mon impression. (...)