Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : compagnons (22)(...) Il y avait sur notre gauche une vaste construction qui ressemblait à un hôpital. « C'est une maison de fous, dit un de noscompagnonsde voyage. » « Bon, pensai-je, voilà un établissement où nous devrions finir nos jours ! Et, si grand qu'il fût, cet hôpital serait encore trop petit pour contenir toute la folie du professeur Lidenbrock ! (...)
Je passai la nuit suivante en plein cauchemar au milieu d'un volcan et des profondeurs de la terre, je me sentis lancé dans les espaces planétaires sous la forme de roche éruptive. Le lendemain, 23 juin, Hans nous attendait avec sescompagnonschargés des vivres, des outils et des instruments. Deux bâtons ferrés, deux fusils, deux cartouchières, étaient réservés à mon oncle et à moi. (...)
Tel il était, tel il nous servit fort ; la raideur des pentes s'accroissait, mais ces marches de pierres permettaient de les gravir aisément, et si rapidement même, qu'étant resté un moment en arrière pendant que mescompagnonscontinuaient leur ascension, je les aperçus déjà réduits, par l'éloignement, à une apparence microscopique. (...)
A de certains passages douteux, il devint nécessaire de nous lier par une longue corde, afin que celui auquel le pied viendrait à manquer inopinément se trouvât soutenu par sescompagnons. Cette solidarité était chose prudente, mais elle n'excluait pas tout danger. Cependant, et malgré les difficultés de la descente sur des pentes que le guide ne connaissait pas, la route se fit sans accident, sauf la chute d'un ballot de cordes qui s'échappa des mains d'un Islandais et alla par le plus court jusqu'au fond de l'abîme. (...)
Le professeur Lidenbrock, lui, avait fait un examen rapide de leur disposition ; il était haletant ; il courait de l'une à l'autre, gesticulant et lançant des paroles incompréhensibles. Hans et sescompagnons, assis sur des morceaux de lave, le regardaient faire ; ils le prenaient évidemment pour un fou. (...)
Cependant j'avais repris mon fardeau avec courage, et je suivais rapidement Hans, que précédait mon oncle. Je tenais à ne pas être distancé ; ma grande préoccupation était de ne point perdre mescompagnonsde vue. Je frémissais à la pensée de m'égarer dans les profondeurs de ce labyrinthe. D'ailleurs, la route ascendante devenait plus pénible, je m'en consolais en songeant qu'elle me rapprochait de la surface de la terre. (...)
La gourde du guide à demi pleine, voilà tout ce qui restait pour désaltérer trois hommes. Après leur repas, mes deuxcompagnonss'étendirent sur leurs couvertures et trouvèrent dans le sommeil un remède à leurs fatigues. (...)
Aussi, telles je voyais ces couches intactes, telles elles seraient encore lorsque sonnerait la dernière heure du monde. Cependant nous marchions, et seul de mescompagnonsj'oubliais la longueur de la route pour me perdre au milieu de considérations géologiques. (...)
Le guide suivait cette scène avec son indifférence accoutumée. Il comprenait cependant ce qui se passait entre ses deuxcompagnons. Nos gestes indiquaient assez la voie différente où chacun de nous essayait d'entraîner l'autre ; mais Hans semblait s'intéresser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prêt à partir si l'on donnait le signal du départ, prêt à rester à la moindre volonté de son maître. (...)
» Un effrayant geste de colère frappa une dernière fois mes regards, et je fermai les yeux. Lorsque je les rouvris, j'aperçus mes deuxcompagnonsimmobiles et roulés dans leur couverture. Dormaient-ils ? Pour mon compte, je ne pouvais trouver un instant de sommeil. (...)
Un frisson me parcourut tout le corps. « Un peu de calme, dis-je à haute voix. Je suis sûr de retrouver mescompagnons. Il n'y a pas deux routes ! Or, j'étais en avant, retournons en arrière. » Je remontai pendant une demi-heure. (...)
« D'ailleurs, pensai-je, j'ai un moyen sûr de ne pas m'égarer, un fil pour me guider dans ce labyrinthe, et qui ne saurait casser, mon fidèle ruisseau. Je n'ai qu'à remonter son cours, et je retrouverai forcément les traces de mescompagnons. » Ce raisonnement me ranima, et je résolus de me remettre en marche sans perdre un instant. (...)
Je compris alors la raison de ce silence étrange, quand j'écoutai pour la dernière fois si quelque appel de mescompagnonsne parviendrait pas à mon oreille. Ainsi, au moment où mon premier pas s'engagea dans la route imprudente, je ne remarquai point cette absence du ruisseau. (...)
Il est évident qu'à ce moment, une bifurcation de la galerie s'ouvrit devant moi, tandis que le Hans-bach obéissant aux caprices d'une autre pente, s'en allait avec mescompagnonsvers des profondeurs inconnues ! Comment revenir. De traces, il n'y en avait pas. Mon pied ne laissait aucune empreinte sur ce granit. (...)
En effet, quelle puissance humaine pouvait me ramener à la surface du globe et disjoindre ces voûtes énormes qui s'arcboutaient au-dessus de ma tête ? Qui pouvait me remettre sur la route du retour et me réunir à mescompagnons? « Oh ! mon oncle ! » m'écriai-je avec l'accent du désespoir. Ce fut le seul mot de reproche qui me vint aux lèvres, car je compris ce que le malheureux homme devait souffrir en me cherchant à son tour. (...)
Tout un monde d'idées avait éclos dans mon esprit. Je pensai que ma voix affaiblie ne pouvait arriver jusqu'à mescompagnons. « Car ce sont eux, répétai-je. Quels autres hommes seraient enfouis à trente lieues sous terre ? (...)
Pour me faire entendre il fallait précisément parler le long de cette muraille qui servirait à conduire ma voix comme le fil de fer conduit l'électricité. Mais je n'avais pas de temps à perdre. Que mescompagnonsse fussent éloignés de quelques pas et le phénomène d'acoustique eût été détruit. Je m'approchai donc de la muraille, et je prononçai ces mots, aussi distinctement que possible : « Mon oncle Lidenbrock ! (...)
Je fis une prière de reconnaissance à Dieu, car il m'avait conduit parmi ces immensités sombres au seul point peut-être où la voix de mescompagnonspouvait me parvenir. Cet effet d'acoustique très étonnant s'expliquait facilement par les seules lois physiques ; il provenait de la forme du couloir et de la conductibilité de la roche. (...)
Evidemment l'atmosphère est saturée de fluide, j'en suis tout imprégné, mes cheveux se dressent sur ma tête comme aux abords d'une machine électrique. Il me semble que, si mescompagnonsme touchaient en ce moment, ils recevraient une commotion violente. 11 Nuages de formes arrondies. (...)
Le moment approchait de nous frayer par la poudre un passage à travers l'écorce de granit. Je sollicitai l'honneur de mettre le feu à la mine. Cela fait, je devais rejoindre mescompagnonssur le radeau qui n'avait point été déchargé ; puis nous prendrions du large, afin de parer aux dangers de l'explosion, dont les effets pouvaient ne pas se concentrer à l'intérieur du massif. (...)
» Ma demande n'obtint aucune réponse. Une heure se passa. Je commençais à éprouver une faim violente. Mescompagnonssouffraient aussi, et pas un de nous n'osait toucher à ce misérable reste d'aliments. Cependant nous montions toujours avec une extrême rapidité. (...)
Pour mon compte, oubliant le besoin et les fatigues, je serais resté à cette place pendant de longues heures encore, mais il fallut suivre mescompagnons. Le talus du volcan offrait des pentes très raides ; nous glissions dans de véritables fondrières de cendres, évitant les ruisseaux de lave qui s'allongeaient comme des serpents de feu. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...