Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : homme (86)(...) tu n'es pas encore ici ? » Je m'élançai dans le cabinet de mon redoutable maître. Otto Lidenbrock n'était pas un méchanthomme, j'en conviens volontiers ; mais, à moins de changements improbables, il mourra dans la peau d'un terrible original. (...)
Avec son marteau, sa pointe d'acier, son aiguille aimantée, son chalumeau et son flacon d'acide nitrique, c'était unhommetrès fort. A la cassure, à l'aspect, à la dureté, à la fusibilité, au son, à l'odeur, au goût d'un minéral quelconque, il le classait sans hésiter parmi les six cents espèces que la science compte aujourd'hui. (...)
Struve, ambassadeur de Russie, précieuse collection d'une renommée européenne. Voilà donc le personnage qui m'interpellait avec tant d'impatience. Représentez-vous unhommegrand, maigre, d'une santé de fer, et d'un blond juvénile qui lui ôtait dix bonnes années de sa cinquantaine. (...)
En somme, on pouvait vivre heureux dans cette maisonnette de Königstrasse, malgré les impatiences de son propriétaire, car, tout en s'y prenant d'une façon un peu brutale, celui-ci ne m'en aimait pas moins. Mais cethomme-là ne savait pas attendre, et il était plus pressé que nature. Quand, en avril, il avait planté dans les pots de faïence de son salon des pieds de réséda ou de volubilis, chaque matin il allait régulièrement les tirer par les feuilles afin de hâter leur croissance. (...)
Vas-tu me demander maintenant de t'expliquer ce mot ? - Je m'en garderai bien », répliquai-je avec l'accent d'unhommeblessé dans son amour-propre. Mais mon oncle continua de plus belle et m'instruisit, malgré moi, de choses que je ne tenais guère à savoir. (...)
» C'est là que j'attendais mon savant, chez lequel cependant je découvrais un profond analyste. « Ce Saknussemm, reprit-il, était unhommeinstruit ; or, dès qu'il n'écrivait pas dans sa langue maternelle, il devait choisir de préférence la langue courante entre les esprits cultivés du seizième siècle, je veux dire le latin. (...)
Mon oncle Lidenbrock nous met tous à la diète jusqu'au moment où il aura déchiffré un vieux grimoire qui est absolument indéchiffrable ! - Jésus ! nous n'avons donc plus qu'à mourir de faim ! » Je n'osai pas avouer qu'avec unhommeaussi absolu que mon oncle, c'était un sort inévitable. La vieille servante, sérieusement alarmée, retourna dans sa cuisine en gémissant. (...)
Je restai d'abord comme frappé d'un coup subit. Quoi ! ce que je venais d'apprendre s'était accompli ! Unhommeavait eu assez d'audace pour pénétrer !... « Ah ! m'écriai-je en bondissant, mais non ! mais non ! (...)
Malgré les reproches que je croyais être en droit de lui faire, une certaine émotion me gagnait. Le pauvrehommeétait tellement possédé de son idée, qu'il oubliait de se mettre en colère ; toutes ses forces vives se concentraient sur un seul point, et, comme elles ne s'échappaient pas par leur exutoire ordinaire, on pouvait craindre que leur tension ne le fît éclater d'un instant à l'autre. (...)
Il ne parut pas m'entendre. « Mon oncle Lidenbrock ! répétai-je en élevant la voix. - Hein ? fit-il comme unhommesubitement réveillé. - Eh bien ! cette clef ? - Quelle clef ? La clef de la porte ? - Mais non, m'écriai-je, la clef du document ! (...)
Il allait et venait ; il prenait sa tête à deux mains ; il déplaçait les sièges ; il empilait ses livres ; il jonglait, c'est à ne pas le croire, avec ses précieuses géodes ; il lançait un coup de poing par-ci, une tape par-là. Enfin ses nerfs se calmèrent et, comme unhommeépuisé par une trop grande dépense de fluide, il retomba dans son fauteuil. « Quelle heure est-il donc ? (...)
- Ce sera là un beau voyage. » Je bondis à ces mots. « Oui, Axel, un voyage digne du neveu d'un savant. Il est bien qu'unhommese soit distingué par quelque grande entreprise ! - Quoi ! Graüben, tu ne me détournes pas de tenter une pareille expédition ? (...)
C'était à n'y pas croire. « Axel, me dit Graüben, j'ai longtemps causé avec mon tuteur. C'est un hardi savant, unhommede grand courage, et tu te souviendras que son sang coule dans tes veines. Il m'a raconté ses projets, ses espérances, pourquoi et comment il espère atteindre son but. (...)
cher Axel, c'est beau de se dévouer ainsi à la science ! Quelle gloire attend M. Lidenbrock et rejaillira sur son compagnon ! Au retour, Axel, tu seras unhomme, son égal, libre de parler, libre d'agir, libre enfin de... » La jeune fille, rougissante, n'acheva pas. (...)
Mon oncle avait pour lui une chaude lettre de recommandation. En général, un savant en reçoit assez mal un autre. Mais ici ce fut tout autrement. M. Thomson, enhommeserviable, fit un cordial accueil au professeur Lidenbrock, et même à son neveu. Dire que notre secret fut gardé vis-à-vis de l'excellent directeur du Muséum, c'est à peine nécessaire. (...)
Bjarne, se trouvait à bord ; son futur passager, dans sa joie, lui serra les mains à les briser. Ce bravehommefut un peu étonné d'une pareille étreinte. Il trouvait tout simple d'aller en Islande, puisque c'était son métier. (...)
» Puis, après m'avoir recommandé du geste un silence absolu, il descendit dans le canot qui l'attendait. Je le suivis, et bientôt nous foulions du pied le sol de l'Islande. Tout d'abord apparut unhommede bonne figure et revêtu d'un costume de général. Ce n'était cependant qu'un simple magistrat, le gouverneur de l'île, M. (...)
Pictursson, il faisait actuellement une tournée épiscopale dans le Bailliage du Nord ; nous devions renoncer provisoirement à lui être présentés. Mais un charmanthomme, et dont le concours nous devint fort précieux, ce fut M. Fridriksson, professeur de sciences naturelles à l'école de Reykjawik. (...)
Ce fut, en effet, le seul personnage avec lequel je pus m'entretenir pendant mon séjour en Islande. Sur trois chambres dont se composait sa maison, cet excellenthommeen mit deux à notre disposition, et bientôt nous y fûmes installés avec nos bagages, dont la quantité étonna un peu les habitants de Reykjawik. (...)
- Précisément. - Une des gloires de la littérature et de la science islandaises ? - Comme vous dites. - Unhommeillustre entre tous ? - Je vous l'accorde. - Et dont l'audace égalait le génie ? - Je vois que vous le connaissez bien. (...)
Ce sera plus long, mais plus intéressant. - Bon. Je verrai à me procurer un guide. - J'en ai précisément un à vous offrir. - Unhommesûr, intelligent ? - Oui, un habitant de la presqu'île. C'est un chasseur d'eider, fort habile, et dont vous serez content. (...)
Quand je me réveillai, j'entendis mon oncle parler abondamment dans la salle voisine. Je me levai aussitôt et je me hâtai d'aller le rejoindre. Il causait en danois avec unhommede haute taille, vigoureusement découplé. Ce grand gaillard devait être d'une force peu commune. (...)
De longs cheveux, qui eussent passé pour roux, même en Angleterre, tombaient sur ses athlétiques épaules. Cet indigène avait les mouvements souples, mais il remuait peu les bras, enhommequi ignorait ou dédaignait la langue des gestes. Tout en lui révélait un tempérament d'un calme parfait, non pas indolent, mais tranquille. (...)
Il demeurait les bras croisés, immobile au milieu des gestes multipliés de mon oncle ; pour nier, sa tête tournait de gauche à droite ; elle s'inclinait pour affirmer, et cela si peu, que ses longs cheveux bougeaient à peine ; c'était l'économie du mouvement poussée jusqu'à l'avarice. Certes, à voir cethomme, je n'aurais jamais deviné sa profession de chasseur ; celui-là ne devait pas effrayer le gibier, à coup sûr, mais comment pouvait-il l'atteindre ? (...)
- Après », me dit le professeur pour mon édification. Hans, le traité conclu, se retira tout d'une pièce. « Un fameuxhomme, s'écria mon oncle, mais il ne s'attend guère au merveilleux rôle que l'avenir lui réserve de jouer. (...)
En arrivant à la porte de la maison du recteur, simple cabane basse, ni plus belle, ni plus confortable que ses voisines, je vis unhommeen train de ferrer un cheval, le marteau à la main, et le tablier de cuir aux reins. « Saelvertu, lui dit le chasseur. (...)
- Kyrkoherde, fit Hans en se retournant vers mon oncle. - Le recteur ! répéta ce dernier. Il paraît, Axel, que ce bravehommeest le recteur. » Pendant ce temps, le guide mettait le « kyrkoherde » au courant de la situation ; celui-ci, suspendant son travail, poussa une sorte de cri en usage sans doute entre chevaux et maquignons, et aussitôt une grande mégère sortit de la cabane. (...)
De là, nécessité de travailler pour vivre ; mais à pêcher, à chasser, à ferrer des chevaux, on finit par prendre les manières, le ton et les moeurs des chasseurs, des pêcheurs et autres gens un peu rudes ; le soir même je m'aperçus que notre hôte ne comptait pas la sobriété au nombre de ses vertus. Mon oncle comprit vite à quel genre d'hommeil avait affaire ; au lieu d'un brave et digne savant, il trouvait un paysan lourd et grossier ; il résolut donc de commencer au plus tôt sa grande expédition et de quitter cette cure peu hospitalière. (...)
Deux bâtons ferrés, deux fusils, deux cartouchières, étaient réservés à mon oncle et à moi. Hans, enhommede précaution, avait ajouté à nos bagages une outre pleine qui, jointe à nos gourdes, nous assurait de l'eau pour huit jours. (...)
Ce digne couple nous rançonnait comme un aubergiste suisse et portait à un beau prix son hospitalité surfaite. Mon oncle paya sans marchander. Unhommequi partait pour le centre de la terre ne regardait pas à quelques rixdales. Ce point réglé, Hans donna le signal du départ, et quelques instants après nous avions quitté Stapi. (...)
Je l'aperçus, les bras étendus, les jambes écartées, debout devant un roc de granit posé au centre du cratère, comme un énorme piédestal fait pour la statue d'un Pluton. Il était dans la pose d'unhommestupéfait, mais dont la stupéfaction fit bientôt place à une joie insensée. « Axel ! Axel ! s'écria-t-il, viens ! (...)
Je pris un certain plaisir à suivre de l'oeil les milliers de cascades improvisées sur les flancs du cône, et dont chaque pierre accroissait l'assourdissant murmure. Mon oncle ne se contenait plus. Il y avait de quoi irriter unhommeplus patient, car c'était véritablement échouer au port. Mais aux grandes douleurs le ciel mêle incessamment les grandes joies, et il réservait au professeur Lidenbrock une satisfaction égale à ses désespérants ennuis. (...)
Mon oncle, penché sur l'abîme, suivait d'un oeil satisfait la descente de ses bagages, et ne se releva qu'après les avoir perdus de vue. « Bon, fit-il. A nous maintenant. » Je demande à touthommede bonne foi s'il était possible d'entendre sans frissonner de telles paroles ! Le professeur attacha sur son dos le paquet des instruments ; Hans prit celui des outils, moi celui des armes. (...)
» Les calculs du professeur étaient exacts ; nous avions déjà dépassé de six mille pieds les plus grandes profondeurs atteintes par l'homme, telles que les mines de Kitz-Bahl dans le Tyrol, et celles de Wuttemberg en Bohème. La température, qui aurait dû être de quatre-vingt-un degrés en cet endroit, était de quinze à peine. (...)
Depuis une demi-heure, les pentes se sont modifiées, et à les suivre ainsi, nous reviendrons certainement à la terre d'Islande. » Le professeur remua la tête enhommequi ne veut pas être convaincu. J'essayai de reprendre la conversation. Il ne me répondit pas et donna le signal du départ. (...)
Les mers dévoniennes étaient habitées par un grand nombre d'animaux de cette espèce, et elles les déposèrent par milliers sur les roches de nouvelle formation. Il devenait évident que nous remontions l'échelle de la vie animale dont l'hommeoccupe le sommet. Mais le professeur Lidenbrock ne paraissait pas y prendre garde. Il attendait deux choses : ou qu'un puits vertical vînt à s'ouvrir sous ses pieds et lui permettre de reprendre sa descente ; ou qu'un obstacle l'empêchât de continuer cette route. (...)
Vingt minutes plus tard, nous arrivions à une vaste excavation ; je reconnus alors que la main de l'hommene pouvait pas avoir creusé cette houillère ; les voûtes en eussent été étançonnées, et véritablement elles ne se tenaient que par un miracle d'équilibre. (...)
Je ne m'appesantirai pas sur les souffrances de notre retour. Mon oncle les supporta avec la colère d'unhommequi ne se sent pas le plus fort ; Hans avec la résignation de sa nature pacifique ; moi, je l'avoue, me plaignant et me désespérant ; je ne pouvais avoir de coeur contre cette mauvaise fortune. (...)
- Le courage ! - Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de désespoir ! » A quelhommeavais-je affaire et quels projets son esprit audacieux formait-il encore ? « Quoi ! vous ne voulez pas ? (...)
Ils n'allaient pas plus loin. Cependant, après le premier instant de terreur, j'eus honte de mes soupçons contre unhommedont la conduite n'avait rien eu jusque-là de suspect. Son départ ne pouvait être une fuite. Au lieu de remonter la galerie, il la descendait. (...)
De mauvais desseins l'eussent entraîné en haut, non en bas. Ce raisonnement me calma un peu, et je revins à un autre d'ordre d'idées. Hans, cethommepaisible, un motif grave avait pu seul l'arracher à son repos. Allait-il donc à la découverte ? (...)
On déjeuna et l'on but de cette excellente eau ferrugineuse. Je me sentais tout ragaillardi et décidé à aller loin. Pourquoi unhommeconvaincu comme mon oncle ne réussirait-il pas, avec un guide industrieux comme Hans, et un neveu « déterminé » comme moi ? (...)
Ma bonne humeur prenait volontiers une tournure mythologique. Quant à mon oncle, il pestait contre l'horizontalité de la route, lui, « l'hommedes verticales ». Son chemin s'allongeait indéfiniment, et au lieu de glisser le long du rayon terrestre, suivant son expression, il s'en allait par l'hypothénuse. (...)
même dans ce cas, en me hâtant, je les retrouverai. C'est évident ! » Je répétai ces derniers mots comme unhommequi n'est pas convaincu. D'ailleurs, pour associer ces idées si simples, et les réunir sous forme de raisonnement, je dus employer un temps fort long. (...)
» m'écriai-je avec l'accent du désespoir. Ce fut le seul mot de reproche qui me vint aux lèvres, car je compris ce que le malheureuxhommedevait souffrir en me cherchant à son tour. Quand je me vis ainsi en dehors de tout secours humain, incapable de rien tenter pour mon salut, je songeai aux secours du Ciel. (...)
Je me levai et, m'appuyant sur mon bâton ferré, je remontai la galerie. La pente en était assez raide. Je marchais avec espoir et sans embarras, comme unhommequi n'a pas le choix du chemin à suivre. Pendant une demi-heure, aucun obstacle n'arrêta mes pas. (...)
Hans a frotté tes plaies avec je ne sais quel onguent dont les Islandais ont le secret, et elles se sont cicatrisées à merveille. C'est un fierhommeque notre chasseur ! » Tout en parlant, mon oncle apprêtait quelques aliments que je dévorai, malgré ses recommandations. (...)
C'est un peu lourd à porter, mais la voûte est solide ; le grand architecte de l'univers l'a construite on bons matériaux, et jamais l'hommen'eût pu lui donner une pareille portée ! Que sont les arches des ponts et les arceaux des cathédrales auprès de cette nef d'un rayon de trois lieues, sous laquelle un océan et des tempêtes peuvent se développer à leur aise ? (...)
Tout ce monde fossile renaît dans mon imagination. Je me reporte aux époques bibliques de la création, bien avant la naissance de l'homme, lorsque la terre incomplète ne pouvait lui suffire encore. Mon rêve alors devance l'apparition des êtres animés. (...)
Il parcourt tous les points de l'espace avec sa lunette et se croise les bras d'un air dépité. Je remarque que le professeur Lidenbrock tend à redevenir l'hommeimpatient du passé, et je consigne le fait sur mon journal. Il a fallu mes dangers et mes souffrances pour tirer de lui quelque étincelle d'humanité ; mais, depuis ma guérison, la nature a repris le dessus. (...)
Je frissonne à l'évocation que je fais de ces monstres. Nul oeil humain ne les a vus vivants. Ils apparurent sur la terre mille siècles avant l'homme, mais leurs ossements fossiles, retrouvés dans ce calcaire argileux que les Anglais nomment le lias, ont permis de les reconstruire anatomiquement et de connaître leur colossale conformation. (...)
Deux monstres seulement troublent ainsi la surface de la mer, et j'ai devant les yeux deux reptiles des océans primitifs. J'aperçois l'oeil sanglant de l'ichthyosaurus, gros comme la tête d'unhomme. La nature l'a doué d'un appareil d'optique d'une extrême puissance et capable de résister à la pression des couches d'eau dans les profondeurs qu'il habite. (...)
Je saute sur le roc. Mon oncle me suit lestement, tandis que le chasseur demeure à son poste, comme unhommeau-dessus de ces étonnements. Nous marchons sur un granit mêlé de tuf siliceux ; le sol frissonne sous nos pieds comme les flancs d'une chaudière où se tord de la vapeur surchauffée ; il est brûlant. (...)
Ses longs cheveux, repoussés par l'ouragan et ramenés sur sa face immobile, lui donnent une étrange physionomie, car chacune de leurs extrémités est hérissée de petites aigrettes lumineuses. Son masque effrayant est celui d'unhommeantédiluvien, contemporain des ichthyosaures et des megatheriums. Cependant le mât résiste. La voile se tend comme une bulle prête à crever. (...)
A mon arrivée sur le rivage, j'aperçus Hans au milieu d'une foule d'objets rangés avec ordre. Mon oncle lui serra la main avec un vif sentiment de reconnaissance. Cethomme, d'un dévouement surhumain dont on ne trouverait peut-être pas d'autre exemple, avait travaillé pendant que nous dormions et sauvé les objets les plus précieux au péril de sa vie. (...)
- La voici, sur ce rocher, en parfait état, ainsi que le chronomètre et les thermomètres. Ah ! le chasseur est unhommeprécieux ! » Il fallait bien le reconnaître, en fait d'instruments, rien ne manquait.. Quant aux outils et aux engins, j'aperçus, épars sur le sable, échelles, cordes, pics, pioches, etc. (...)
Nous avons le temps d'aller et de revenir, et avec ce qui restera je veux donner un grand dîner à tous mes collègues du Johannaeum ! » J'aurais dû être habitué, depuis longtemps, au tempérament de mon oncle, et pourtant cethomme-là m'étonnait toujours. « Maintenant, dit-il, nous allons refaire notre provision d'eau avec la pluie que l'orage a versée dans tous ces bassins de granit ; par conséquent, nous n'avons pas à craindre d'être pris par la soif. (...)
» Le professeur se dirigea vers le rocher sur lequel Hans avait déposé les instruments. Il était gai, allègre, il se frottait les mains, il prenait des poses ! Un vrai jeunehomme! Je le suivis, assez curieux de savoir si je ne me trompais pas dans mon estime. Arrivé au rocher, mon oncle prit le compas, le posa horizontalement et observa l'aiguille, qui, après avoir oscillé, s'arrêta dans une position fixe sous l'influence magnétique. (...)
XXXVII Il me serait impossible de peindre la succession des sentiments qui agitèrent le professeur Lidenbrock, la stupéfaction, l'incrédulité et enfin la colère. Jamais je ne vis unhommesi décontenancé d'abord, si irrité ensuite. Les fatigues de la traversée, les dangers courus, tout était à recommencer ! (...)
l'on saura ce que peut ma volonté. Je ne céderai pas, je ne reculerai pas d'une ligne, et nous verrons qui l'emportera de l'hommeou de la nature ! » Debout sur le rocher, irrité, menaçant, Otto Lidenbrock, pareil au farouche Ajax, semblait défier les dieux. (...)
J'allais donc prendre sur le radeau ma place accoutumée, quand mon oncle m'arrêta de la main. « Nous ne partirons que demain », dit-il. Je fis le geste d'unhommerésigné à tout. « Je ne dois rien négliger, reprit-il, et puisque la fatalité m'a poussé sur cette partie de la côte, je ne la quitterai pas sans l'avoir reconnue. (...)
D'autres mâchoires identiques, quoique appartenant à des individus de types divers et de nations différentes, furent trouvées dans les terres meubles et grises de certaines grottes, en France, en Suisse, en Belgique, ainsi que des armes, des ustensiles, des outils, des ossements d'enfants, d'adolescents, d'hommes, de vieillards. L'existence de l'hommequaternaire s'affirmait donc chaque jour davantage. Et ce n'était pas tout. Des débris nouveaux exhumés du terrain tertiaire pliocène avaient permis à des savants plus audacieux encore d'assigner une haute antiquité à la race humaine. Ces débris, il est vrai, n'étaient point des ossements de l'homme, mais seulement des objets de son industrie, des tibias, des fémurs d'animaux fossiles, striés régulièrement, sculptés pour ainsi dire, et qui portaient la marque d'un travail humain. Ainsi, d'un bond, l'hommeremontait l'échelle des temps d'un grand nombre de siècles ; il précédait le mastodonde ; il devenait le contemporain de « l'elephas meridionalis » ; il avait cent mille ans d'existence, puisque c'est la date assignée par les géologues les plus renommés à la formation du terrain pliocène ! (...)
On comprendra donc les stupéfactions et les joies de mon oncle, surtout quand, vingt pas plus loin, il se trouva en présence, on peut dire face à face, avec un des spécimens de l'hommequaternaire. C'était un corps humain absolument reconnaissable. Un sol d'une nature particulière, comme celui du cimetière Saint-Michel, à Bordeaux, l'avait-il ainsi conservé pendant des siècles ? (...)
Sans doute il se crut au Johannaeum, professant devant ses élèves, car il prit un ton doctoral, et s'adressant à un auditoire imaginaire : « Messieurs, dit-il, j'ai l'honneur de vous présenter unhommede l'époque quaternaire. De grands savants ont nié son existence, d'autres non moins grands l'ont affirmée. (...)
» Personne ne souriait, mais le professeur avait une telle habitude de voir les visages s'épanouir pendant ses savantes dissertations ! « Oui, reprit-il avec une animation nouvelle, c'est là unhommefossile, et contemporain des mastodontes dont les ossements emplissent cet amphithéâtre. Mais de vous dire par quelle route il est arrivé là, comment ces couches où il était enfoui ont glissé jusque dans cette énorme cavité du globe, c'est ce que je 12 L'angle facial est formé par deux plans, l'un plus ou moins vertical qui est tangent au front et aux incisives, l'autre horizontal, qui passe par l'ouverture des conduits auditifs et l'épine nasale inférieure. (...)
Sans doute, à l'époque quaternaire, des troubles considérables se manifestaient encore dans l'écorce terrestre ; le refroidissement continu du globe produisait des cassures, des fentes, des failles, où dévalait vraisemblablement une partie du terrain supérieur. Je ne me prononce pas, mais enfin l'hommeest là, entouré des ouvrages de sa main, de ces haches, de ces silex taillés qui ont constitué l'âge de pierre, et à moins qu'il n'y soit venu comme moi en touriste, en pionnier de la science, je ne puis mettre en doute l'authenticité de son antique origine. (...)
Ou plutôt vécurent-ils ici, dans ce monde souterrain, sous ce ciel factice, naissant et mourant comme les habitants de la terre ? Jusqu'ici, les monstres marins, les poissons seuls, nous étaient apparus vivants ! Quelquehommede l'abîme errait-il encore sur ces grèves désertes ? XXXIX Pendant une demi-heure encore, nos pieds foulèrent ces couches d'ossements. (...)
Regarde, regarde, là-bas ! Il me semble que j'aperçois un être vivant ! un être semblable à nous ! unhomme! » Je regardai, haussant les épaules, et décidé à pousser l'incrédulité jusqu'à ses dernières limites. (...)
Mais celui-ci dépassait par sa taille toutes les mesures données par la paléontologie ! N'importe ! Un singe, oui, un singe, si invraisemblable qu'il soit ! Mais unhomme, unhommevivant, et avec lui toute une génération enfouie dans les entrailles de la terre ! Jamais ! Cependant nous avions quitté la forêt claire et lumineuse, muets d'étonnement, accablés sous une stupéfaction qui touchait à l'abrutissement. (...)
Hans n'avait jamais eu ce poignard en sa possession. « Est-ce donc l'arme de quelque guerrier antédiluvien, m'écriai-je, d'unhommevivant, d'un contemporain de ce gigantesque berger ? Mais non ! Ce n'est pas un outil de l'âge de pierre ! (...)
- Mais elle n'est pas venue seule ! m'écriai-je ; elle n'a pas été se tordre d'elle-même ! quelqu'un nous a précédés !... - Oui, unhomme. - Et cethomme? - Cethommea gravé son nom avec ce poignard ! Cethommea voulu encore une fois marquer de sa main la route du centre ! Cherchons, cherchons ! » Et, prodigieusement intéressés, nous voilà longeant la haute muraille, interrogeant les moindres fissures qui pouvaient se changer en galerie. Nous arrivâmes ainsi à un endroit où le rivage se resserrait. (...)
« En avant, en avant ! » m'écriai-je. Je m'élançais déjà vers la sombre galerie, quand le professeur m'arrêta, et lui, l'hommedes emportements, il me conseilla la patience et le sang-froid. « Retournons d'abord vers Hans, dit-il, et ramenons le radeau à cette place. (...)
- Rien, Axel, rien. Mais te nourrira-t-il davantage à le manger des yeux ? Tu fais là les raisonnements d'hommesans volonté, d'un être sans énergie ! - Ne désespérez-vous donc pas ? m'écriai-je avec irritation. (...)
et tant que son coeur bat, tant que sa chair palpite, je n'admets pas qu'un être doué de volonté laisse en lui place au désespoir. » Quelles paroles ! L'hommequi les prononçait en de pareilles circonstances était certainement d'une trempe peu commune. « Enfin, dis-je, que prétendez-vous faire ? (...)
Le professeur mangea avidement, avec une sorte d'emportement fébrile ; moi, sans plaisir, malgré ma faim, et presque avec dégoût ; Hans, tranquillement, modérément, mâchant sans bruit de petites bouchées et les savourant avec le calme d'unhommeque les soucis de l'avenir ne pouvaient inquiéter. Il avait, en furetant bien, retrouvé une gourde à demi pleine de genièvre ; il nous l'offrit, et cette bienfaisante liqueur eut la force de me ranimer un peu. (...)
J'avais repris quelque espoir. Mais notre dernier repas venait d'être achevé. Il était alors cinq heures du matin. L'hommeest ainsi fait, que sa santé est un effet purement négatif ; une fois le besoin de manger satisfait, on se figure difficilement les horreurs de la faim ; il faut les éprouver, pour les comprendre. (...)
Aussi, au sortir d'un long jeûne, quelques bouchées de biscuit et de viande triomphèrent de nos douleurs passées. Cependant, après ce repas, chacun se laissa aller à ses réflexions. A quoi songeait Hans, cethommede l'extrême occident, que dominait la résignation fataliste des Orientaux ? Pour mon compte, mes pensées n'étaient faites que de souvenirs, et ceux-ci me ramenaient à la surface de ce globe que je n'aurais jamais dû quitter. (...)
Cependant le présence de Hans, et diverses informations venues d'Islande modifièrent peu à peu l'opinion publique. Alors mon oncle devint un grandhomme, et moi, le neveu d'un grandhomme, ce qui est déjà quelque chose. Hambourg donna une fête en notre honneur. Une séance publique eut lieu au Johannaeum, où le professeur fit le récit de son expédition et n'omit que les faits relatifs à la boussole. (...)
Au moment où ces questions étaient palpitantes, mon oncle éprouva un vrai chagrin. Hans, malgré ses instances, avait quitté Hambourg ; l'hommeauquel nous devions tout ne voulut pas nous laisser lui payer notre dette. Il fut pris de la nostalgie de l'Islande. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...