Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : voix (37)(...) Dans mon opinion, cela ne présageait rien, sinon une scène épouvantable quand mon oncle trouverait son dîner dévoré. J'en étais à ma dernière crevette, lorsqu'unevoixretentissante m'arracha aux voluptés du dessert. Je ne fis qu'un bond de la salle dans le cabinet. (...)
Ses doigts tremblèrent, lorsqu'il reprit le vieux parchemin ; il était sérieusement ému. Enfin il toussa fortement, et d'unevoixgrave, appelant successivement la première lettre, puis la seconde de chaque mot, il me dicta la série suivante : messunkaSenrA. (...)
Je me penchai sur la table ; je posai mon doigt successivement sur chaque lettre, et, sans m'arrêter, sans hésiter, un instant, je prononçai à hautevoixla phrase tout entière. Mais quelle stupéfaction, quelle terreur m'envahit ! Je restai d'abord comme frappé d'un coup subit. (...)
Cependant le temps s'écoulait ; la nuit se fit ; les bruits de la rue s'apaisèrent ; mon oncle, toujours courbé sur sa tâche, ne vit rien, pas même la bonne Marthe qui entrouvrit la porte ; il n'entendit rien, pas même lavoixde cette digne servante, disant : « Monsieur soupera-t-il ce soir ? » Aussi Marthe dut-elle s'en aller sans réponse. (...)
« Mon oncle ! » dis-je. Il ne parut pas m'entendre. « Mon oncle Lidenbrock ! répétai-je en élevant lavoix. - Hein ? fit-il comme un homme subitement réveillé. - Eh bien ! cette clef ? - Quelle clef ? La clef de la porte ? (...)
s'écria-t-il, tu avais donc d'abord écrit ta phrase à l'envers ? » Et se précipitant sur la feuille de papier, l'oeil trouble, lavoixémue, il lut le document tout entier, en remontant de la dernière lettre à la première. Il était conçu en ces termes : In Sneffels Yoculis craterem kem delibat umbra Scartaris Julii intra calendas descende, audas viator, et terrestre centrum attinges. (...)
Après le dessert, il me fit signe de le suivre dans son cabinet. J'obéis. Il s'assit à un bout de sa table de travail, et moi à l'autre. « Axel, dit-il d'unevoixassez douce, tu es un garçon très ingénieux ; tu m'as rendu là un fier service, quand, de guerre lasse, j'allais abandonner cette combinaison. (...)
s'écria mon oncle du plus loin qu'il m'aperçut, et ta malle qui n'est pas faite, et mes papiers qui ne sont pas en ordre, et mon sac de voyage dont je ne trouve pas la clef, et mes guêtres qui n'arrivent pas ! » Je demeurai stupéfait. Lavoixme manquait pour parler. C'est à peine si mes lèvres purent articuler ces mots : « Nous partons donc ? (...)
- Oui, malheureux garçon, qui vas te promener au lieu d'être là ! - Nous partons ? répétai-je d'unevoixaffaiblie. - Oui, après-demain matin, à la première heure. » Je ne pus en entendre davantage, et je m'enfuis dans ma petite chambre. (...)
Le lendemain je m'entendis appeler de bonne heure. J'étais décidé à ne pas ouvrir ma porte. Mais le moyen de résister à la doucevoixqui prononçait ces mots : « Mon cher Axel ? » Je sortis de ma chambre. Je pensai que mon air défait, ma pâleur, mes yeux rougis par l'insomnie allaient produire leur effet sur Graüben et changer ses idées. (...)
Nos chevaux, d'ailleurs, choisissaient d'instinct les endroits propices sans jamais ralentir leur marche. Mon oncle n'avait pas même la consolation d'exciter sa monture de lavoixou du fouet ; il ne lui était pas permis d'être impatient. Je ne pouvais m'empêcher de sourire en le voyant si grand sur son petit cheval, et, comme ses longues jambes rasaient le sol, il ressemblait à un centaure à six pieds. (...)
Je ne m'attendais pas à ce confortable ; seulement, il régnait dans cette maison une forte odeur de poisson sec, de viande macérée et de lait aigre dont mon odorat se trouvait assez mal. Lorsque nous eûmes mis de côté notre harnachement de voyageurs, lavoixde l'hôte se fit entendre, qui nous conviait à passer dans la cuisine, seule pièce où l'on fit du feu, même par les plus grands froids. (...)
Je lui fis part de mes craintes, et je me reculai pour le laisser éclater à son aise. « J'y pensais », répondit-il simplement. Que signifiaient ces paroles ! Allait-il donc entendre lavoixde la raison ? Songeait-il à suspendre ses projets ? C'eût été trop beau pour être possible. Après quelques instants de silence, pendant lesquels je n'osais l'interroger, il reprit en disant : « J'y pensais. (...)
Je m'en servais le moins possible, opérant des miracles d'équilibre sur les saillies de lave que mon pied cherchait à saisir comme une main. Lorsqu'une de ces marches glissantes venait à s'ébranler sous le pas de Hans, il disait de savoixtranquille : « Gif akt ! - Attention ! » répétait mon oncle. Après une demi-heure, nous étions arrivés sur la surface d'un roc fortement engagé dans la paroi de la cheminée. (...)
Quant à la profondeur à laquelle nous étions parvenus, ces quatorze manoeuvres d'une corde de deux cents pieds donnaient deux mille huit cents pieds. En ce moment lavoixde Hans se fit entendre : « Halt ! » dit-il. Je m'arrêtai court au moment où j'allais heurter de mes pieds la tête de mon oncle. (...)
Cette dernière observation s'appliquait à la galerie obscure et fut donnée par la boussole. « Maintenant, Axel, s'écria le professeur d'unevoixenthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence. (...)
J'ai commencé ce voyage ; je l'accomplirai jusqu'au bout, ou je n'en reviendrai pas. Va-t'en, Axel, va-t'en ! » Mon oncle parlait avec une extrême surexcitation. Savoix, un instant attendrie, redevenait dure et menaçante. Il luttait avec une sombre énergie contre l'impossible ! (...)
» Je secouai la tête avec un air de profonde incrédulité. « Ecoute-moi jusqu'au bout, reprit le professeur en forçant lavoix. Pendant que tu gisais, là sans mouvement, j'ai été reconnaître la conformation de cette galerie. (...)
Je regardai plus attentivement, et il me sembla voir l'Islandais qui disparaissait, la lampe à la main. Pourquoi ce départ ? Hans nous abandonnait-il ? Mon oncle dormait. Je voulus crier. Mavoixne put trouver passage entre mes lèvres desséchées. L'obscurité était devenue profonde, et les derniers bruits venaient de s'éteindre. (...)
» Je revins sur mes pas. Je marchai pendant un quart d'heure. Je regardai. Personne. J'appelai. Point de réponse. Mavoixse perdit au milieu des caverneux échos qu'elle éveilla soudain. Je commençai à me sentir inquiet. Un frisson me parcourut tout le corps. « Un peu de calme, dis-je à hautevoix. Je suis sûr de retrouver mes compagnons. Il n'y a pas deux routes ! Or, j'étais en avant, retournons en arrière. (...)
Et, chose étrange, il me vint à la pensée que, si mon corps fossilisé se retrouvait un jour, sa rencontre à trente lieues dans les entrailles de terre soulèverait de graves questions scientifiques ! Je voulus parler àvoixhaute, mais de rauques accents passèrent seuls entre mes lèvres desséchées. Je haletais. Au milieu de ces angoisses, une nouvelle terreur vint s'emparer de mon esprit. (...)
« C'est une hallucination ! » pensais-je. Mais non. En écoutant avec plus d'attention, j'entendis réellement un murmure devoix. Mais de comprendre ce qui se disait, c'est ce que ma faiblesse ne me permit pas. Cependant on parlait. (...)
Je parvins à saisir des mots incertains, bizarres, incompréhensibles. Ils m'arrivaient comme des paroles prononcées àvoixbasse, murmurées, pour ainsi dire. Le mot « förlorad » était plusieurs fois répété, et avec un accent de douleur. (...)
Rien ne se fit entendre. Quelques minutes se passèrent. Tout un monde d'idées avait éclos dans mon esprit. Je pensai que mavoixaffaiblie ne pouvait arriver jusqu'à mes compagnons. « Car ce sont eux, répétai-je. Quels autres hommes seraient enfouis à trente lieues sous terre ? (...)
» Je me remis à écouter. En promenant mon oreille sur la paroi, je trouvai un point mathématique où lesvoixparaissaient atteindre leur maximum d'intensité. Le mot « förlorad » revint encore à mon oreille ; puis ce roulement de tonnerre qui m'avait tiré de ma torpeur. « Non, dis-je, non. Ce n'est point à travers le massif que cesvoixse font entendre. La paroi est faite de granit, et elle ne permettrait pas à la plus forte détonation de la traverser ! (...)
Pour me faire entendre il fallait précisément parler le long de cette muraille qui servirait à conduire mavoixcomme le fil de fer conduit l'électricité. Mais je n'avais pas de temps à perdre. Que mes compagnons se fussent éloignés de quelques pas et le phénomène d'acoustique eût été détruit. (...)
Enfin, te supposant toujours sur le chemin du Hans-bach, nous sommes redescendus en tirant des coups de fusil. Maintenant, si nosvoixpeuvent se réunir, pur effet d'acoustique ! nos mains ne peuvent se toucher ! Mais ne te désespère pas, Axel ! (...)
Je le répéterai, et vous observerez également le moment précis auquel vous arrivera ma réponse. » « Bien, et la moitié du temps compris entre ma demande et ta réponse indiquera celui que mavoixemploie pour arriver jusqu'à toi. » « C'est cela, mon oncle » « Es-tu prêt ? » « Oui. » « Eh bien, fais attention, je vais prononcer ton nom. (...)
En route, mon enfant, en route ! » Ces paroles me ranimèrent. « Adieu, mon oncle, m'écriai-je ; je pars. Nosvoixne pourront plus communiquer entre elles, du moment que j'aurai quitté cette place ! Adieu donc ! (...)
Je fis une prière de reconnaissance à Dieu, car il m'avait conduit parmi ces immensités sombres au seul point peut-être où lavoixde mes compagnons pouvait me parvenir. Cet effet d'acoustique très étonnant s'expliquait facilement par les seules lois physiques ; il provenait de la forme du couloir et de la conductibilité de la roche. (...)
Je me souviens qu'en maint endroit ce phénomène fut observé, entre autres, dans la galerie intérieure du dôme de Saint-Paul à Londres, et surtout au milieu de curieuses cavernes de Sicile, ces latomies situées près de Syracuse, dont la plus merveilleuse en ce genre est connue sous le nom d'Oreille de Denys. Ces souvenirs me revinrent à l'esprit, et je vis clairement que, puisque lavoixde mon oncle arrivait jusqu'à moi, aucun obstacle n'existait entre nous. En suivant le chemin du son, je devais logiquement arriver comme lui, si les forces ne me trahissaient pas en route. (...)
A mon premier soupir il me prit la main ; à mon premier regard il poussa un cri de joie. « Il vit ! il vit ! s'écria-t-il. - Oui, répondis-je d'unevoixfaible. - Mon enfant, fit mon oncle en me serrant sur sa poitrine, te voila sauvé ! » Je fus vivement touché de l'accent dont furent prononcées ces paroles, et plus encore des soins qui les accompagnèrent. (...)
Mais ce fut un bien autre émerveillement, quand, courant à travers cette poussière volcanique, il saisit un crâne dénudé, et s'écria d'unevoixfrémissante : « Axel ! Axel ! une tête humaine ! - Une tête humaine ! mon oncle, répondis-je, non moins stupéfait. (...)
Nulle créature humaine ne peut braver impunément la colère de ces monstres. - Nulle créature humaine ! répondit mon oncle, en baissant lavoix. Tu te trompes, Axel ! Regarde, regarde, là-bas ! Il me semble que j'aperçois un être vivant ! un être semblable à nous ! (...)
Elle ne me revient pas à l'esprit sans que l'épouvante ne fasse encore battre mon coeur. A partir de ce moment, notre raison, notre jugement, notre ingéniosité, n'ont plusvoixau chapitre, et nous allons devenir le jouet des phénomènes de la terre. A six heures, nous étions sur pied. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...