De la monnaie et du numéraire
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Du métal et des monnaies. « Le numéraire ne servant ni à la nourriture de l'homme, ni à son entretien, ni à rien de ce qu'il consomme pour son usage, il faut chercher ailleurs la raison de l'importance qu'on lui accorde et de l'intérêt qu'on attache à en posséder la plus grande quantité possible. Nous trouvons bien, dans l'histoire, que quelques peuples ont vécu heureux sans lui, et ont atteint un certain degré de puissance ; mais ces exemples sont excessivement rares, tandis que le nombre des ...Contient : banque (34)(...) Le commerce, une fois organisé, a recherché tous les moyens de faciliter ses opérations, et il en est arrivé à ce point, aujourd'hui, de trouver les routes ordinaires trop lentes, même lorsqu'il les parcourt au galop des chevaux, et la monnaie, embarrassante pour solder ses achats ou recevoir le montant de ses ventes et c'est pour gagner du temps, ce précieux capital comme disent les sostriens, qu'ont été inventés les billets debanqued'une part et les chemins de fer de l'autre. Nous nous occuperons plus tard de ces perfectionnements de la monnaie, des banques et du crédit ; continuons, ce soir, nos recherches sur le numéraire métallique, et terminons d'abord par quelques chiffres, ce qui a rapport aux métaux proprement dits. (...)
Des deux côtés, il y a beaucoup de vrai ; des deux côtés, il y a beaucoup de faux. Un pays sans crédit, sansbanque, sans papier, c'est l'Ile de Stance, dont la pauvreté est devenue proverbiale ; un autre pays, où le crédit est assis sur les plus larges bases, où les banqueroutes sont en très-grand nombre, où les plus petits achats se soldent avec la monnaie de papier, c'est la République d'Autrans qui s'est trouvé à deux doigts de sa perte, car ses richesses nouvellement affirmées, n'ont pu prévenir la crise, parce qu'elles étaient presque entièrement fictives. (...)
A Exil, où les maisons de change se sont multipliées, ce sont elles qui escomptent presque tout ; En Talbes, au contraire, où les banques sont très peu nombreuses, et où elles apportent beaucoup de sévérité dans le choix de leurs opérations, les banquiers font la forte partie du papier et le reportent ensuite à labanqueavec la garantie de leur signature. Au moyen de cette création successive et chaque fois renouvelée des billets debanqueet des lettres de change, ceux qui les ont émis sont parvenus à tripler et à quadrupler leurs affaires, à les décupler même. En Sostrie, où le numéraire est deux fois moindre qu'en Autrelles, on y fait des affaires deux fois plus considérables, avec le secours des billets particuliers, qui circulent comme papier monnaie et qui sont escomptés par les banques. (...)
Il existe, en effet, dans cette ville une maison qui a reçu le nom de Maison Claire, et dans laquelle les septante maisons debanqueont un bureau où les commis viennent à une heure convenue régler les comptes de leurs patrons par de simples échanges de créance dont la balance seule est soldée en billets debanqueou en espèce pour les appoints. C'est en étudiant le mécanisme de cet établissement, dont les fonctions sont si simples et si régulières, que Graciado a été conduit à son système exclusif. (...)
Un effet de commerce peut bien circuler d'homme à homme, mais comme on ne l'accepte qu'avec confiance, il peut arriver que le dernier à qui on l'offre ne veuille pas le prendre. On s'adresse alors à unebanquequi l'escompte (c'est-à-dire qui donne moyennant une certaine retenue, la somme que cet effet représente) et attend l'échéance pour être remboursée. Avec cette manière d'agir, les affaires d'unebanquene seraient jamais très brillantes. Mais on a été conduit à un moyen, dont on a plus tard abusé, qui dispense en partie la maison de change de donner du numéraire ; et c'est là ce qui distingue la civilisation exiléenne de toutes celles qui l'ont précédée. (...)
Aujourd'hui, une maison de change, avec une très petite quantité de numéraire, rend les mêmes services que si elle avait beaucoup d'argent, et c'est ce qu'il me sera facile de vous expliquer. Supposez que nous établissions unebanque, en Sostrie par exemple ; supposez que nous sommes cent actionnaires à un million de sequins. Cettebanqueprendra le papier de ceux qui s'adresseront à elle s'il a trois mois et trois signatures, et elle leur donnera en échange un billet d'une forme particulière et sera pour elle un engagement de payer 1000 sequins, si vous voulez, au porteur et à vue. (...)
Pas du tout, Messieurs ; cette personne ne recevra point un billet dans un bureau pour aller en toucher le montant dans le bureau voisin, parce que le billet de mille sequin est commode, facile à transporter et à cacher, et qu'on est toujours sûr de l'échanger pour 1000 sequins à cause de la confiance que tout le monde a dans la solvabilité de labanque. Aussi ne cherche-t-on à échanger un billet que lorsqu'on a besoin de fractionner la somme pour de petits paiements. Encore dans ce cas, labanquepeut-elle donner des coupons de 500 sequins et même de 250 en province ; ce sont ces petits billets qu'on échange de préférence. Dans quelle proportion labanquepeut-elle émettre des billets relativement au numéraire qu'elle possède ? En se basant sur des observations de plusieurs années, et en comptant le nombre des remboursements qui se sont faits terme moyen dans les termes ordinaires, bien que des dépenses puissent varier d'après une foule de circonstances, on a vu qu'on pouvait émettre des billets pour une somme quatre fois plus forte que la provision en espèce et qu'unebanqueau capital de cent millions pouvait avoir une circulation de quatre cent millions.Mais, dira-t-on, si un beau jour, on venait à demander à cettebanquel'échange en argent de 200 millions ? — Il n'y a pas d'exemple d'un événement semblable, je dirai même d'un pareil malheur. Admettons tout de même le contraire. Labanqueaurait dans ses caves son capital de 100 millions, plus avec un peu de temps, le montant des effets à diverses échéances qu'on lui aurait donnés en échange de ses 300 millions de billets. Ces effets ne sont qu'à trois mois [...] Il faudrait donc, pour que labanquene pût pas payer tous ses billets, que les trois signatures de chaque effet qu'elle a reçu en échange fussent insolvables. (...)
[...] Comme je vous le disais tout à l'heure, l'émission des billets doit avoir une certaine limite. Supposez, comme cela est arrivé en Sostrie, qu'unebanqueémette avec un capital de 100 millions, pour 1200 millions de billets ; qu'arrivera-t-il ? — Il arrivera toujours, et l'expérience est là pour le prouver, que les remboursements se présenteront en foule, et que labanquequi aura trop largement accordé sa confiance, se trouvera en déficit après avoir écoulé ses capitaux disponibles, et sera obligé de suspendre ses paiements. C'est en pareil cas que M. (...)
» Monnaie de papier et papier-monnaie : une nouvelle théorie « Les événements survenus au royaume d'Autrelles en l'an 1392 sont assez importants pour notre étude pour je crois mon devoir de revenir dessus. [...] LaBanquenational d'Autrelles, grand établissement financier de cette noble nation, fut contraint par le gouvernement, pour lequel il remplit les fonction de collecteur d'iimpôts, de lui faire des avances considérables sur les revenus publics. Les billets sortis par cette voie des mains de labanquepour passer dans celle de l'administration, servirent à celle-ci, non pas à entreprendre des travaux publics, mais à solder des employés, des marins, des soldats ; c'est-à-dire des citoyens qui ne gardent pas les billets, mais les changent de suite pour solder des achats moindres que leur quotité. (...)
Les billets ne servant plus à l'escompte des valeurs industrielles et ne circulant pas, furent présentés au remboursement dans une proportion beaucoup plus forte qu'autrefois ; de telle sorte que la réserve ordinaire, c'est-à-dire du tiers, devint insuffisante et qu'il fallut à labanque, pour faire face à toutes les demandes d'espèces qui lui étaient adressées chaque jour, maintint toujours autant d'or dans ses coffres qu'elle avait de billets en émissions. Tant qu'elle resta dans ces limites, elle continua de fonctionner, non plu, il est vrai, commebanquede circulation, mais du moins commebanquede prêt à très courte échéance. La position devint plus grave et labanquefut sur le point de suspendre entièrement ses opérations, lorsque les besoins du gouvernement, ayant forcés celui-ci à lui demander de nouvelles anticipations sur les revenus publics, elle ne put les effectuer qu'en billets de nouvelle création qui n'étaient représentés par aucune augmentation de son capital en numéraire. De toutes parts, il arrivait des demandes d'espèces auxquelles on ne pouvait satisfaire, et les choses en vinrent à ce point que le Sixte Deux Nouvel 1392, dernier jour du paiement en espèces, il n'y avait en caisse que 1,272,000 sigiles - la monnaie autrelienne - et tout annonçait que des demandes bien plus considérables pleuvraient sur labanquele Prime suivant. Les directeurs étaient aux abois, et le gouvernement (qui avait poussé labanqueà cette extrémité) ne savait quel parti prendre. Il se décida néanmoins, et, dans la journée de Septime, il fit publier un ordre de conseil qui défendait aux directeurs de payer leurs billets en numéraire, jusqu'à ce qu'on eût pris l'avis du roi. Il fut décidé alors de maintenir cette restriction durant tout le temps de la guerre, et de ne la lever que six mois après la signature d'un traité de paix définitif avec l'Empire de Kargarl. (...)
Les banquiers, négociants et marchands de Nessen et de Berles firent alors preuve dans cette circonstance d'autant de patriotisme qu'en avaient montré ces mêmes classes cinquante ans auparavant. La confiance étant rétablie, le gouvernement et labanquesurent la conserver en apportant des limites à la faute qu'ils avaient commise ; s'ils ne remboursèrent pas les billets en circulation, du moins n'en émirent-ils pas de nouveaux ; et le papier se maintint, sinon tout-à-fait au pair de l'or, du moins fort peu en dessous : il faisait à lui seul presque tout le service de la monnaie, et il continua jusqu'au Prime-2 Pleine 1397, époque à laquelle l'acte de reprise des paiements en espèces reçut son exécution. (...)
Il avait imaginé pour obtenir ce résultat, de faire rembourser les billets dont il s'agissait, non pas en espèces monnayées, mais en lingots ; de telle sorte que tant qu'ils n'excédaient pas les besoins de la circulation, les porteurs n'auraient aucun intérêt à demander le remboursement puisqu'il eût été incommode ; et comme en effet, ils eussent pu ne le faire que dans cette hypothèse, il y avait dans cette organisation une double garantie : celle de labanquecontre des exigences sans fondements de la part des porteurs de billets, et celle du public contre les trop fortes émissions ; les uns étant punis de leurs caprices, en cas qu'ils en eussent, par un paiement en matières d'une valeur réelle mais incommodes, et ne pouvant servir qu'à des opérations debanque; et l'autre étant sans cesse menacée d'un prompt châtiment, c'est à dire d'une forte demande de remboursement, en cas de trop fortes émissions. La monnaie métallique se trouvait ainsi complètement bannie des affaires, elle n'existait plus que pour solder les consommations du jour, et seulement entre les mains des particuliers et des marchands de bétail. (...)
Sans voler nominalement au secours de la nation ébranlée par cette crise monétaire, les Maisons de changes présentes - et au premier rang desquelles la Pan-forgienne d'investissement - firent savoir qu'elles acceptaient les billets de labanquenationale pour les transactions entre le royaume d'Autrelles et Exil, s'assurant par là une confortable réputation auprès des industriels et commerçants autrelliens, mais aussi auprès du gouvernement qui pouvait ainsi continuer ses projets politiques et militaires. (...)
Il suffit pour s'en convaincre de bien pénétrer le caractère essentiel des billets ; ceux émis par les banques aussi bien que ceux souscrits par les simples particuliers, doivent toujours être exigibles à un très court délai près. Quand un établissement public ou un particulier faisant fonction debanqueavancent de l'argent, la valeur de ceux-ci doit être représentée en caisse par des effets à échéance très rapprochés ; ils ne peuvent donc verser leurs fonds dans une entreprise d'où ils ne pourraient le retirer promptement : les travaux publics, les constructions de maisons, ne peuvent être ainsi commandités par eux. Qu'un propriétaire, par exemple, emprunte 100,000 VE à unebanqueou à un capitaliste contre ses billets ; et qu'il les emploie à bâtir une maison, à payer ses ouvriers, ses entrepreneurs. (...)
Si, ce qui arrive fréquemment, sa maison n'est pas habitable à échéance des billets, ou que, terminée, elle ne soit pas encore louée, le propriétaire ne pourra remplir ses engagement : et labanquese trouvera avoir en main des non-valeurs. Elle sera obligée, pour se faire rembourser, de recourir à l'expropriation ; c'est-à-dire de se soumettre à toutes les lenteurs et les formalités qu'entraînent les régimes hypothécaires ; et après une attente de quinze ou dix-huit mois, elle vendra la maison, au-dessous de ce qu'elle aura coûté, elle sera en perte sur ses avances et le propriétaire sera ruiné. (...)