Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : âme (19)(...) Je sens une nouvelle explosion de pouvoir en moi, mais ma peau se liquéfie et coule par terre comme du lait. La peur plante ses crocs haineux dans monâmequi répond d'une fureur indignée. Mon bras droit se projette dans la lumière. Ma main saisit une gorge, détourne la tête qui lui est reliée et la broie dans un claquement sec. (...)
On dit que lorsqu'un homme arrive au bout du monde, là où les rêves et les cauchemars deviennent les réalités hantées par le Beau Peuple, il ressent de plus en plus le besoin de continuer, et il devient... changé, distordu, corps etâmejusqu'à devenir un monstre, ou une parodie de lui-même. J'ai peur de n'avoir plus d'âme, que le bout du monde ne se trouve maintenant en moi-même. La nuit tombe. Une nuit noire, sans lune, presque sans bruit, hormis le vent et quelques bêtes. (...)
Le glacier bouge, se tord comme un serpent géant pour amener Lewellyn au-dessus de moi, bien en vue. Prêt à dévorer monâme. Il me regarde avec le sourire serein des saints et des divinités inaccessibles. Je tente de bouger, en vain. (...)
- Je suis Lewellyn, Duc de la faille, reprend-t-il, puis-je savoir à qui ais-je l'honneur de m‘adresser ? Je grogne comme un animal pris au piège. - Pourquoi ne m'a tu pas encore voler monâme? Il sourit. Ses yeux se lève vers les cieux, un haussement de sourcils, chacun de ses mouvements est l'élément parfait d'une danse merveilleuse et perpétuelle, un langage à part entière qui capture l'attention de celui qui le contemple dans la toile de sa grâce. (...)
C'est sa nature, tu as simplement vu, ce qu'elle reflétait de toi ce que tu connaissais de mieux en matière de femme. Cette créature n'est que le reflet de ce que tonâmeconsidère comme la femme idéale, c'est tout. Il rit. Je sens une colère sourde m'animer. - Ca te fait rire ! (...)
- Y a-t-il une chose qui ne soit toi dans cet endroit ? - Non, et voila ma tragédie... tu ne supportais pas un simple reflet de tonâme, imagine de ne pas pouvoir y échapper pendant huit cents ans.... vraiment mon ami, c'est moi qui m'en excuse, c'est un supplice que je ne connais que trop bien, et que je m'en veux de t'avoir infligé ! (...)
Il me possède et je lui appartiens, mais pas comme cela. - Comment ? - Mon coeur... la part la plus importante de monâme. - Je ne comprends pas. - Ce n'est pas important. Toujours la voix d'Aube Grise, toujours le ton de la Princesse Bleue, et toujours cette douleur sourde dans ces propos. (...)
- Vous ne sauriez comprendre, ce serait comme expliquer la couleur à un aveugle de naissance, disons qu'il possède monâme, et que je ne peux le trahir. - On peut posséder votreâme? - Oui, mais seulement ceux de notre peuple en sont capables. - Pourquoi ? Comment ? Elle relâche un soupir plein d'amertume. (...)
Il continue de parler et moi d'écouter sans avoir trop l'air de me sentir mal à l'aise dans mes vêtements hors de prix. « Nous sommes immortels, toi et moi, la partie de tonâmequi possède ton pouvoir est impérissable, et aucun de nous n'a jamais réussi à dévorer réellement une Exaltation. (...)
Il comprend la question de son intuition aiguisée comme une guillotine neuve. « Oui, une Exaltation, c'est à la fois le nom de la part de l'âmequi transporte ton pouvoir, et de la transformation qui te permet d'être ce que tu es aujourd'hui. (...)
Les paroles de Lewellyn dansent dans mon esprit, des paroles démentes mais qui possèdent un sens, et j'ignore si c'est parce qu'elles en ont effectivement un ou si c'est parce que je deviens fou, mais toute monâmeme hurle de sortir d'ici, de me dépêtrer de ce piège de beauté et de folie. Je tente d'être discret. (...)
Il t'a dit la vérité, mais il ne t'a dit qu'une partie de cette dernière. Heureusement, tu écoutes cette partie de tonâmequi est sauvage et qui n'écoute jamais. Tu pourras faire revenir ta femme et tes enfants, autant de fois que tu le désire, mais voilà ce qui les attend, et si tu détruis cette chose qu'on appelle le destin, ce ne sera pas réel. (...)
La voix est celle de la Princesse Bleue, mais le ton est celui d'Aube Grise lorsqu'elle me raillait dans nos disputes. - L'âmede ceux-ci est dévorée presque entièrement, mais ce n'est que ce qui attend les simples mortels. (...)
- Oui, dis-je en songeant au Taureau ailé. - Eh bien, c'est la bannière de ton anima, un peu comme si l'essence révélait tonâmevéritable. Je grogne. - Et ton... Anima, à du pouvoir ? Je croise son regard, j'y lis de l'amusement. (...)
- Le don des Dragons, l'entraînement, et toi ? - Moi ?...L'instinct, dis-je, et des souvenirs plus vieux que moi, gravé dans monâme. J'essaye de me souvenir de quelque chose, mais rien ne vient. Je me sens comme amputé d'une partie de mon esprit. (...)
Le cas échéant, qu'est devenue d'Aewyll ? La Raksha est libre, j'espère juste qu'elle n'a pas profité de sa liberté pour dévorer l'âmede gens vivant dans la plaine. Mais le cours de mes pensées est interrompu par une brusque baisse de la température. (...)
Sans me regarder, sans un mot, il pointe du doigt une porte de bois gravée d'un dragon aux ailes d'aigles. « Ne prenez pas monâme! » supplie-t-il. Je grogne. D'une main, je projette le gamin, l'envoyant faire un vol plané à travers l'écurie pour atterrir dans les bottes de foin. (...)