Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : yeux (84)(...) Un village perdu au milieu de cette terre que j'ai vue creusée par mon père avant moi et que mon fils creusera sous mesyeuxet bien après. Cette terre, vaste, s'étendant à l'infini, presque aussi vide que la paume de ma main, sans presque aucun relief pour nous abriter du vent, craquelée de ces longues et profondes failles où sommeillent des choses inhumaines qui remontent à la surface les nuits de pleine lune et les jours de tempête. (...)
Tout à coup, on pourrait couper l'ambiance au couteau. - Qui ? Comment ? Demande Flocon. Quelque chose brille au coin desyeuxde Regard Vif. Il retient ses larmes et parcourt l'assistance du regard. Je remarque sa main qui tremble. (...)
La lumière pâle du jour entre dans la pièce et découpe la silhouette trop familière du Héraut : un mètre quatre vingt, bien que mince, son armure ancienne fait penser étrangement à la carapace d'un insecte, un mille-pattes. Son visage est caché derrière un masque étrange : sansyeux, juste un amas de tentacules qui pendent et tombent jusque devant son menton. Parfois, ces derniers s'animent comme de gros vers de terre. (...)
- Tu n'étais pas mieux à son âge. - Malheureusement. - Tu regrettes de m'avoir épousée ? Elle se retourne et m'observe. Plante sesyeuxgris dans les miens. Sa voix est calme et posée. - Je n'ai jamais eu le temps de regretter quoi que ce soit. (...)
Les phalanges du Shaman étaient blanches, crispées sur les poignets de sa fille. Brume : Petite femme à peine sortie de l'enfance, gracieuse, les cheveux bruns, lesyeuxbleus, la peau pâle et le regard en permanence concentré sur quelque chose qui perpétuellement nous échappe. (...)
Pigeon Fou reste comme nous, pétrifié, un long instant. Puis le regard de Brume croise celui de Boeuf, et elle baisse lesyeux. Boeuf grimace, cherche quelque chose dans son sac, en ressort une petite fiole d'alcool qu'il se met à téter comme un bébé. (...)
Je lui ais dit de ne pas s'éloigner, mais Chien Enragé est trop sûr de lui. Il a passé trop de temps à parader dans le village avec sa foutue épée, à regarder lesyeuxdes jeunes femmes de la barrière s'extasier sur ses muscles au petit matin. Il va mourir parce qu'il devait faire ses besoins avec un peu d'intimité. (...)
Son cri d'angoisse nous a éveillés brutalement. Comme les autres, je me suis levé le coeur battant, l'épée à la main, la peur au ventre, lesyeuxfouillant les brumes du matin désespérément pour comprendre ce qui se passait. Rien, à part Boeuf, qui criait et hurlait en frappant le sol de ses poings. (...)
Je dépasse OEil Vert. Puis la chose sort du brouillard dans un cliquetis, un loup gris caparaçonné à huit pattes, auxyeuxrouges. Il n'y a pas un aboiement, pas un grognement, juste ce cliquetis frénétique qui s'interrompt une fraction de seconde, et reprend lorsque j'entends quelque chose se déchirer, et OEil Vert hurler. (...)
Près d'elle, l'air est si froid que ma lame se couvre de givre et vole en éclat lorsqu'elle frappe entre ses deuxyeux. La bête ne meurt pas, ne grogne pas, ne crie pas, mais sa carapace se fissure et du sang y suinte. (...)
Cet endroit n'a rien de naturel. Du coin de l'oeil, j'aperçois Brume qui sort sa tête du chariot. Lorsqu'elle pose lesyeuxsur l'endroit, sa bouche reste ouverte, stupéfiée. - Reste à l'intérieur. Elle m'obéit et disparaît. (...)
Devant l'entrée, deux énormes dragons de pierre grise et de jade monte la garde à l'entrée, dressés comme des cobras sur le point d‘attaquer. Leursyeuxsont des boules d'éclairs bourdonnantes, et parfois, un éclair parcours leurs corps dans un crépitement nerveux. (...)
Soudain, un glas retentit, et mon sang se fige dans mes veines. Boeuf jure. Rude nous regarde, paniqué : - Que se passe-t-il ? Pigeon écarquille lesyeuxde stupéfaction. - Non... nous... le village... le Seigneur nous renie ! Les gardes s'avancent vers nous pour nous mettre à mort. (...)
Je tente de me redresser, mon épaule me fait un mal de chien. Pas la peine d'essayer à nouveau, j'ai besoin de repos, alors je ferme lesyeuxet prie silencieusement pour qu'une bande de loups ne m'ait pas pisté. C'est drôle d'y repenser maintenant. (...)
Je me suis assis sur le ventre de Sillon, bloqué ses bras avec mes jambes, et d'un coup sec, j'ai planté mon couteau dans son crâne, il est mort lesyeuxgrand ouvert. Une part de moi s'est perdue à jamais dans son regard. Tout le monde nous regardait, tout le monde était silencieux. (...)
La douleur est là aussi, m'enlaçant comme une amante. Il pleut de grosse goutte de pluie fraîche matinale. J'ouvre lesyeux, me relève. La douleur plante ses baisers sur mon front comme autant de fleurs dont l'éclosion serait sans fin. (...)
La douleur est là, la fièvre aussi, la plupart du temps aussi assourdies que le son, mais qui carillonnent lorsque le chariot qui me transporte tressaute sur le chemin. J'ouvre lesyeux. Un trou laisse tomber un pilier de lumière dans la yourte, l'éclairant à peine. Dehors, j'entends un homme chanter dans une langue que j'ignore. (...)
Je tente de me lever et le regrette aussitôt. La douleur explose dans ma hanche. Je me laisse retomber et ferme lesyeux. L'endroit est chaud comme un four et je sue comme un boeuf, mais le trou me permet de respirer. (...)
Nous avons cessé de bouger et la bâche est ouverte. Une silhouette se découpe et un homme entre. Barbu, cheveux courts et noirs, lesyeuxbridés, vêtus de tissus, un bol fumant à la main et une cuillère en bois profonde à l'autre. Il s'approche. (...)
J'ouvre la bouche et j'avale. Un instant plus tard, je tousse comme si je devais cracher mes poumons, les larmes auxyeux, la nourriture est relevée et bouillante comme de l'acier chauffé à blanc. Impossible d'avaler plus. (...)
Plusieurs jours passent ainsi. Jaï revient deux à trois fois par jour. Il me nourrit, me soigne, me lave et sourit, mais sesyeuxsont deux fentes aiguisées et réfléchies et il parle peu. J'entends d'autres voix à l'extérieur mais ne voit personne d'autre. (...)
Parfois nous restons immobiles longtemps, parfois nous bougeons sans arrêt. Je m'habitue à la nourriture. Une nuit, j'ouvre lesyeuxet un homme se tient au coté de Jaï. L'homme est vieux, ridé, les cheveux gris et longs, de longues moustaches grises tombent de son visage et sesyeuxsont aussi aiguisés que le poignard dégainé que je remarque dans sa main. Je ne le crains pas. Par réflexe je pense à attendre qu'il s'approche pour le tuer en l'étouffant avec les draps, mais une part de moi se sent heureuse, extatique. (...)
Une femme entre et accompagne Jaï. Cheveux noirs en natte, taille moyenne, mince et vêtue d'une tunique blanche et brune, cesyeuxbridés me scrutent comme si j'allais la dévorer. Jaï et le vieux lui parlent. Elle hoche la tête docilement, mais je lis une intelligence douloureusement familière dans son regard. (...)
Le ciel est bleu, la plaine semble presque dorée tant il a frappé dessus. Je revois le regard d'Aube Grise. Je ferme lesyeuxsi forts que cela me fait mal. - Tout va bien ? J'ouvre lesyeux. - Oui. Ne te met plus en danger. Apprenez à Hakka à parler ma langue. Mahe sourit. - Merci, mais nous n'avons pas le temps, dit-elle. (...)
C'est notre secret mystique, la seule justice qui nous appartienne. - Je comprends, mais ne reste pas trop avec moi. Jaï est jaloux. - Je sais. Sesyeuxsourient. Soudain, je me sens triste. L'histoire de ces barbares m'en rappelle trop une autre. Les jours passent. (...)
Je repense au regard du Héraut, au pouvoir de la Princesse Bleue, du Seigneur des Hauts Vents et du Trône d'orage. La panique manque de me submerger, puis je m'assieds au fond de la yourte, ferme lesyeux, incapable de penser. Dehors, le groupe de cavalier s'est arrêté. Mahe et Hakka se tiennent devant lui. (...)
J'ai livré des enfants à un tyran meurtrier pour me sauver moi et les miens. J'ai menti, j'ai tué, et malgré tout cela j'ai tout perdu. J'en ai assez. C'est fini. Je ferme lesyeux. Dehors, les gardes du Héraut s'approchent. Je me lève pour venir à leur rencontre. J'oublie que je n'ai pas d'arme. (...)
Autour de moi, quelques yourtes brûlent et quelques Aïnouks m'observent avec plus d'inquiétude dans leurs regards que les incendies, les gardes morts, ou le Héraut lui-même. Je me tourne vers Mahe, lui tend la main. Sesyeuxéblouis s'écarquillent encore. J'entends un bruit de corde qui se tend derrière moi puis un claquement sec. (...)
Je me tourne vers Mahe, tente de parler. - Je ne voulais... Je n'ai pas le temps de terminer. Une flèche traverse la gorge de Mahe. Sesyeuxlarmoyants sont grand ouverts lorsqu'elle s'effondre en arrière. Sa bouche ouverte projette une traînée de sang. (...)
Un instant, j'ai peur d'exploser, mais finalement, il se stabilise et n'enfle plus. Quand je me sens défaillir, je ferme lesyeux, me concentre sur ce flot d'énergie, sur l'écho qu'il provoque dans tout mon corps. Je le sens qui imprègne chacun de mes muscles, chacun de mes os, et la fatigue disparaît. (...)
Vers le milieu du pont naturel, il est polaire, mais il n'y a pas de neige et la glace ressemble à du verre et j'y perçois mon reflet : un homme de taille moyenne, le visage couvert d'une maigre barbe, large d'épaule, aux cheveux noirs et à la peau mate, lesyeuxlégèrement bridés. Je marque un temps d'arrêt. Il y a longtemps que je ne me suis plus vu. J'ai l'impression d'être étranger à moi-même. (...)
Je glisse, tourbillonne dans l'air un moment, puis aperçois le sol couvert de neige teintée de bleu qui se précipite vers moi. Je ferme lesyeuxet me concentre sur ce point de chaleur dans mon coeur. Je suis percuté par un dieu en colère, le son du choc est son rugissement. (...)
Je prends une inspiration puisant jusqu'au coeur du fleuve d'énergie qui coule en moi et lorsque j'expire, relâche le pouvoir, je le sens réchauffer mes muscles, apaiser la douleur, et m'animer d'une énergie étrange tandis que l'aura d'or se développe encore plus, s'anime. Là ! Je l'aperçois dans le reflet de la paroi de glace polie comme un miroir. Un taureau noir auxyeuxd'or, deux ailes blanches émergeant de son dos d'ébène. Nos regards se croise à travers le reflet un instant. (...)
Ils surgissent si vite que j'ai à peine le temps de les entrevoir : Des êtres massifs, couverts d'une fourrure blanche immaculée, lesyeuxrouge sang, leurs bras épais se terminant par des griffes blanches acérées. Ils me bondissent dessus dans un concert de hurlements bestiaux. (...)
Le sol tremble tout entier, entre en éruption, des rugissements emplissent toute la faille et soudain une centaine d'entre eux jaillissent, enfanter par la neige, rugissant, m'encerclant, leursyeuxaffamés et sanglants fixés sur moi. Ils marchent sur moi. Contrairement aux hommes, ils ne redoutent pas ma lumière. (...)
Le regard des monstres s'éteint presque, comme des ours somnolents sortant de leur hibernation. Un groupe d'entre eux s'écartent et une vibration continue parcours le sol à nouveau. Mesyeuxs'écarquillent lorsqu'à quelques mètres de moi, un pilier de glace s'élève de dessous la neige, garnis de sculptures lascives, d'inscriptions étranges formant un ornement à la froide beauté baroque. (...)
Tout au sommet, sur un trône de glace parfaitement transparent, une créature dont la seule vision me fend le coeur. Sesyeuxtotalement blancs fument de froid, lâchent de longues colonnes de brume prismatique s'envolant vers le ciel. (...)
Je grogne comme un animal pris au piège. - Pourquoi ne m'a tu pas encore voler mon âme ? Il sourit. Sesyeuxse lève vers les cieux, un haussement de sourcils, chacun de ses mouvements est l'élément parfait d'une danse merveilleuse et perpétuelle, un langage à part entière qui capture l'attention de celui qui le contemple dans la toile de sa grâce. (...)
Sa voix me donne le tournis, mais je comprends ce qu'il me dit aussi clairement que ces choses impossibles que l'on perçoit dans les rêves, et que l'on ne comprend plus une fois éveillé. Il s'approche de moi et me regarde dans lesyeux. Je n'y vois qu'une lumière blanche, froide, absolue et impossible et tout à coup, tout s'apaise. (...)
Cette part de moi est dans ce lieu plus à son aise que ma raison. Je me sens fou et malheureux alors je ferme lesyeuxet tente de ressentir le pouvoir qui gravite au-dedans et autour de moi. Puis tout s'apaise. - Excusez-moi, dit-elle, je ne voulais pas vous blesser. - Ce n'est pas... important. Elle baisse lesyeux, calmement. - Ca l'est, je le sens. Nous restons un instant silencieux tout les deux. - Que désirez-vous ? (...)
Ma raison gémit silencieusement, et cet autre-moi même pousse un étrange rugissement victorieux. Je visite le palais de Lewellyn. Des fauves blancs circulent ici et là, silencieusement. Leursyeuxrouges et exorbités fixés sur le néant de leurs propres esprits. D'autres tortues creuses glissent tout aussi silencieusement sur les tapis de neige, gracieusement, parfois elles collent sur les murs ou aux plafonds, et n'y glissent pas moins comme sur de la glace. (...)
Et Lewellyn s'élance, se jette du pont dans le vide vers les Stalagmites sans un cri, sans un avertissement de plus. Je me précipite au bord du pont, mesyeuxcontemplent sa chute. Mes entrailles se glace lorsqu'il s'empale avec un bruit sec et dur sur une stalagmite, laissant une traînée de Sang-bleu sur le monceau aiguisé de métal, embrochés sinistrement. (...)
Cause, effet, passé, présent et futur, tout cela te conduit à devenir, à être et à rester un monstre auxyeuxde tous tes semblables, à perdre ceux que tu as perdus, malgré tout tes pouvoirs, tu ne peux pas sortir du présent dans lequel tu vis, tu es pourchassé et craint dans toute la Création et l'issue unique est la mort. (...)
Je m'adosse à un endroit où le chant du vent se fait fort mais où rien d'autre ne se produit. Je ferme lesyeuxet essaie de me remémorer l'étrange géographie des lieux. La salle des vents chantants, puis la salle des fauves qui patrouillent, non loin, la salle de bain de lait et le pont traversant la grotte où Lewellyn s'est suicidé puis, à nouveau mes appartements. (...)
Cet endroit est comme un rêve éveillé, et parfois l'important dans un rêve n'est pas tant où l'on va, mais ce que l'on fait, comme une histoire que l'on est en train de réécrire soi-même. Je rouvre brutalement lesyeuxlorsque je me rends compte que la salle des vents chante, mais que je n'écoute pas ce que les voix disent. (...)
Je frotte la glace et rencontre un regard de terreur pure, figé dans la glace. Je recule, trébuche sur mon séant et m'éloigne sans pouvoir quitté ce regard, cet homme desyeux. Chien Enragé. En reculant, mon dos heurte un autre bloc, la neige qui le recouvre s'effrite et tombe, je reconnais l'homme dans celui-là aussi : l'un garde du Maître des Hauts Vents. (...)
Tu pourras faire revenir ta femme et tes enfants, autant de fois que tu le désire, mais voilà ce qui les attend, et si tu détruis cette chose qu'on appelle le destin, ce ne sera pas réel...parce que c'est le destin qui rend les choses réelles, et précieuses à vosyeux. - Par les dieux... Je ne les invoque pas souvent, mais l'occasion me semble appropriée. Elle rit, un rire qui a quelque chose de cruel. (...)
J'aperçois Aewyll en train de se tapir derrière un des blocs de glace avec la même grâce prudente qu'Aube Grise lorsqu'elle était petite fille. Le sifflement de son serpent s'enfle tout à coup, sesyeuxse mettent à briller comme des lunes bleues, se redressant comme pour prendre son élan, il crache une lumière blanche teintée d'arc-en-ciel qui inonde tout. (...)
Sa gueule se fait béante, elle me goberait d'un seul coup si le fleuve de pouvoir et du tonnerre ne m'animais pas et ne m'aidais pas à empêcher sa gueule de se fermer En un éclair, la Princesse Bleue bondit, non vole plutôt, et se pose sur la tête de la bête, son épée vient la frapper entre ses deuxyeux, faisant voler des éclats d'écailles de glaces et neiges blanche. La langue du serpent vient me fouetter, je la bloque d'un pied contre sa gorge, et la bête se dresse, se ruant soudain vers le plafond, tentant de m'écraser. (...)
La princesse en profite pour coincer la gueule du monstre en plantant son arme à travers sa mâchoire. J'arme un coup de poing dans lequel je mets tout mon pouvoir. Lesyeuxde la bête sont froids, mais brillent tels des soleils jumeaux lorsqu'ils reflètent l'éclat de lumière qui émane de moi. (...)
Aewyll reprend conscience avec la grimace d'une petite fille, gémit lascivement, d'une façon qui me perturbe tant et si bien que mes instincts virils s'éveillent instantanément, et se rendorment presque aussitôt, lorsque son corps tout entier semble se tordre étrangement lorsque sa perfection se revêt de ses amalgames de personnalités, de gestes familiers et de regards qui forment la somme de ce qu'elle est. A mes coté, la Princesse Bleue à l'air aussi déconcertée que moi. Aewyll ouvre lesyeux, de la même façon la mère d'Aube Grise, brutalement, comme après un cauchemar. - Je suis libre ! (...)
Elle se laisse tomber à genoux, saisit son bras comme un chiot nouveau né puis expire : son souffle devient une chair pâle et immaculée qui s'incorpore à son bras. Puis elle se tourne vers nous, ses lèvres arborent le sourire de ma mère, sesyeuxcelui des étoiles. - Voilà... - Nous allons remonter, dis-je. Elle regarde la lumière du jour, à peine perceptible. (...)
- Tu es un Enfant de l'aube, dit-elle, un Tigre de bronze... - Hein ? Elle sourit toujours, mais je perçois l'ombre de la peur dans sesyeux. - Tu es un exalté Solaire, et un membre de la caste de l'aube. - Lewellyn m'a dit ça aussi. - Que t'a-t-il dit d'autre ? (...)
Il a attendu comme une araignée que tu te jettes dans sa toile. - Que vas-tu faire maintenant ? Ou vas- tu aller ? demande la Princesse Bleue. Je ferme lesyeuxet réfléchis, me rappelle un jeune garçon, qui croyait en la justice, et un autre, qui m'en parlait fréquemment. Je voudrais le rejoindre, mais avant... J'ouvre lesyeux, le ciel est bleu encombré de nuage d'or, rose et blanc. Je peux sentir les étranges perturbations de l'air qui accompagne la Princesse Bleue partout où elle va. (...)
Je la saisis par les épaules pour qu'elle évite de tomber et je lui assène le coup suivant, frappe du coude à l'arrière du crâne, comme un coup de marteau. Sesyeux, surpris, se closent tandis que la sang-dragon perd conscience. Je l'allonge doucement à terre, sans quitter Aewyll du regard. (...)
Le souvenir de mon lopin de terre boueux m'étreint, et les journées (y) passées aux champs en compagnie de mon fils et de ma femme me reviennent. J'étouffe une bouffée de nostalgie, frotte mesyeuxhumides et continue à ramper. Il y a deux entrées littéralement creusées à travers la colline, frayant un chemin d'est en ouest dans le village, mais elles sont barrées par de grandes portes de bois, bien gardées et je ne suis pas encore assez stupide pour les prendre. (...)
Je m'arrête, puis ouvre le plus rapidement possible pour réduire le grincement au minimum. J'attends. Rien ne vient, à part un chat noir rabougri qui m'observe d'un air princier de cesyeuxjaunes. Je m'engouffre dans le garde-manger. Dans ce dernier, règne la fraîcheur et des odeurs de pain, de viandes séchées et salées : tout ce qu'un homme dans ma position peut espérer de la vie. (...)
Je m'abats dans un champ de chaume, m'accroupis, et laissent les mastiffs s'approcher, du coin de l'oeil, les paysans descendent la pente à leur tour, tant bien que mal, lesyeuxfixés sur leurs chiens. Je réfléchis à toute vitesse. Ils pourraient me poursuivre longtemps, peut-être des jours, me pistant comme à la chasse, comme une bête. (...)
Je saisis le pouvoir à pleines mains, le laisse couler en moi et rattrape la bête, trop sonnée pour être réellement rapide. Celle qui à tuer Chien Enragé avait lesyeuxrouges, celle-ci a lesyeuxbleus, mais lorsque je la rattrape elle paie pour l'autre, toutes les autres. Le lendemain, je prends ses dents, des choses froides comme la glace et blanche comme l'ivoire, en guise de trophée, ainsi qu'une de ses plaques dorsales, tout aussi froide et je me remets en route. (...)
Une heure après l'aube, je marche contre le vent, lorsque quelque chose explose dans une lumière multicolore à quelques centimètres de mon visage. Je roule à terre pour me jeter à l'écart, et pose lesyeuxsur la chose l'explosion à éclot comme une fleur des plaine, révélant un enfant ailé, tout de lumière prismatique, volant tout près de moi, irréel, ridicule. (...)
Je reprends, le vent se lève encore, fort, toujours plus fort, son hurlement devient toujours plus fort, assourdissant. Les larmes coule sur mesyeuxet je me retrouve à avancer à l'aveuglette. J'ai du mal à respirer. Ma peau s'étire vers l'arrière sous l'effet du vent. (...)
Chaque pas devient un effort, quand soudain, j'entends un grondement devant moi, qui englouti même le hurlement du vent. Je nettoie mesyeux, et j'aperçois l'étendue de la menace : tout l'horizon se soulève, une raz-de-marée de poussière qui dévale la steppe telle une vague titanesque qui déferle sur l'univers comme un monstre avide. (...)
Pendant une fraction de seconde, je manque de me noyer bêtement, j'avale de l'eau par fleuves entiers, et je remonte à la surface. Je lève lesyeuxà nouveau vers le Trône d'Orage. Des éclairs courent à la surface du bâtiment, se rassemblent dans le donjon central avant de s'élancer vers le ciel sous la forme d'un long dragon antique de lumière pure. (...)
Je parcours les cinquante mètres de démence électrique au travers duquel le Trône d'Orage m'apparaît comme un fantastique monstre de jade bleu et de pierre grise dont lesyeuxde verre froid sont fixés sur moi, ces treize tours tendues vers le ciel. Arrivé à moins de dix mètres, je bondis sur un tronc d'arbre en ruine, ricoche vers un arbre tout proche pour gagner encore un peu de hauteur, fais exploser l'essence dans chacun de mes gestes pour atteindre l'arbre suivant, qui explose sous l'impact quand je prend l'élan pour franchir la muraille de pierre et de jade du Trône d'Orage, me projetant de toute mes forces vers la muraille. (...)
L'air hurle, rugit sur mon passage. Le monde n'est plus qu'une masse de couleur floue au milieu d'un espace de mur gris sur lequel mesyeuxsont rivés, vers lequel chacun de mes muscles tend désespérément. De minuscules étoiles d'aciers partent des murailles, fusant vers moi sans m'atteindre, des flèches peut-être. (...)
Les deux jeunes soldats sont terrifiés, le vieux crache par terre. - Faites le cramer ! rugit-il. Mesyeuxs'écarquillent. Il comprend intuitivement mes pensées et sourit avant de fermer la porte. Mon armure de pouvoir me protège des impacts mais pas forcément de l'étouffement, et si le feu ne vient pas à bout de moi, la chaleur et l'asphyxie termineront peut-être le boulot. (...)
Je me retrouve sur l'allée extérieure de l'aile du donjon central. Deux gardes ahuris, en haubert et armés de haches m'observent avec de grandsyeux. L'un d'eux ouvre la bouche, mais il n'a pas le temps de faire beaucoup plus. Le pouvoir coule dans mes veines et leur sang peu après. (...)
Je jure dans ma barbe, j'aurais voulu l'attaquer de suite au lieu de lui laisser le temps de se remettre de sa surprise. Je n'ai même pas le temps de me redresser. Sesyeuxdeviennent une des tigres de foudres, qui courent et bondissent sur ses avants bras tendu vers moi, se précipitant sur moi dans un craquement assourdissant. (...)
J'entends le renâclement d'un aurochs tout prêt de moi, et je vois le taureau ailé se refléter dans lesyeuxemplis de terreur du dernier garde, juste avant qu'il ne s'enfuie en hurlant. Je reste seul au milieu du carnage. Mesyeuxse portent sur le Seigneur des Hauts Vents. - Et maintenant.., dis-je. Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, l'instant d'après, l'anima du Sang-dragon explose dans une fureur de vent polaire, de cristaux de neige glace et de lumière d'azur. (...)
Je les dévie les une après les autres, et je bondis vers lui. J'arrive à peine sur lui qu'il me noie sous une vague d'éclairs jaillie de sesyeux. La brûlure est fulgurante, le choc violent, je suis jeté à terre. Le temps de me redresser, les dagues animées d'une vie propre fondent à nouveau sur moi. (...)
Des bruits de pas qui glissent rapidement sur le sol atteignent mes oreilles, un autre bruit plus meurtrier suit. Je me raccroche au pouvoir comme un enfant a sa mère et ferme lesyeux. Deux morsures de serpents viennent se faire sentir, mais je suis indemne. Quelque chose me taille le dos, je n'arrive pas à savoir quoi. (...)
Je frappe à nouveau son visage, écrase son nez qui ruisselle aussitôt. - Pourquoi ? Il ri. Je sens des larmes me monter auxyeux. Je frappe à nouveau. Je crie. Son visage est dévasté, un de sesyeuxexplose sous l'impact. - Pourquoi ? Il lâche un râle de douleur. Je crois l'entendre dire « stop » ou « arrête. (...)
Je me suis vengé, et maintenant que me reste-t-il ? Je me sens vide, froid. Je suis seul. Je reprends conscience. Mesyeuxsont fixés sur le cadavre du Seigneur des Hauts Vents, il n'a plus réellement de tête. Mesyeuxse posent sur mes mains, couvertes de sang jusqu'aux coudes. Je reprends conscience, je sors lentement de ma léthargie mais je ne suis pas sûr que la même personne habite mon corps. (...)
Finalement, les femmes jettent leur captive à mes pieds. Elle m'est familière : ces cheveux bruns... cesyeuxbleus... ce regard concentré sur une chose hors de portée de tout... « Vous l'avez tué... par les dieux, vous l'avez tué » répète-t-elle. (...)
Une nausée sèche me donne envie de vomir, la tête me tourne, puis tout deviens froid, le monde entier, et moi. Je me retourne vers elle, la redresse. Sesyeuxs'agrandissent de terreur tandis que les autres femmes autour d'elle s'agenouillent devant nous. (...)
Et tu as choisi de sacrifier les autres pour sauver tes fesses, et tous tes efforts ont échoués : Le soleil m'a élu, j'ai tué le Héraut, j'ai tué le Seigneur des Hauts Vents, j'ai détruit le Seigneur de la faille... Sesyeuxs'agrandissent de terreur. Je continue. Brume entre dans la caverne, ne dit rien et observe. - Tu ne sais pas ce que c'est ! (...)