Histoire de Marin : Prise d'un Convoi Espagnol
Le brouhaha de la salle enfumée de l'auberge du Rat qui Pète fait lentement place au silence le plus complet. Tous les regards se tournent vers le vieil homme, maigre et ratatiné, qui se tient debout au comptoir. Son visage rouge de chaleur est marqué par des années d'une consommation immodérée de rhum. Comme s'il ignorait être au centre de l'attention, le vieil homme sort sa corde de tabac, qu'il mord pour en retirer une chique énorme. « Sang du diable, te fais pas prier, vieux Ben. Tu la racontes ...Contient : hommes (10)(...) Ben je suis resté con, là, avec derrière moi le Bichon réprimant son rire gras. « Maître d'Equipage, qu'il dit le capitaine, trentehommesau grand cabestan, envoie grand-voile, brigantine et hunier. Ancre à déraper » Voilà que notre goélette à hunier cingle par vent frais plein largue vers le Yucatan. (...)
» En moins de temps qu'il en faut pour le dire, l'équipage du navire passe d'un grand calme à une excitation sans bornes. Autour de moi, leshommescommencent à douter : « Sainte putain, qu'est ce qu'on va foutre contre au moins cinq navires dont un vaisseau de ligne ». (...)
Dès que l'obscurité nous englobe, le convoi nous indique sa position par ses fanaux, preuve qu'il ne nous a pas repéré. En tant que quartier-maître, Ange touche deux mots à de Vercourt de l'état d'esprit de seshommes. Le capitaine sort alors sur le tillac, emprunte le sifflet du maître d'équipage et appelle tous les matelots. (...)
Rattraper le convoi est un jeu d'enfant, parce qu'ils ont mis en panne pour la nuit. Alors qu'on passe près du dernier navire du convoi, tous leshommesne tiennent plus en place et attendent avec impatience le signal du capitaine. Alors que l'on est déjà bord contre bord, l'autre navire ne nous voit pas, mais nous pouvons distinguer les Espagnols sur le pont. (...)
« Si tu ouvres la bouche, Ben, j'y enfonce mon sabre. Ce galion ne me convient pas. Passons au suivant ». Une fois le galion dépassé, leshommesn'en peuvent plus d'attendre, et De Vercourt les fait tous monter sur le pont : « Nous allons aborder un navire de petite taille par l'arrière. (...)
Xabi fait mettre en panne, et le Pélican passe à l'honneur au cul de la galiotte, dont on peut lire le nom : « Libertad ». FetNat et dixhommesse hissent sur la galerie de poupe. Notre géant de nègre s'introduit dans la salle du conseil et en ressort quelques minutes plus tard avec le capitaine du Libertad, une dague sous la gorge, et les autres officiers. (...)
Une fois le jour levé, les pirates restés sur le Pélican nous simulent un abordage pitoyable, à grand renfort de coups de mousquet et de pistolet. Les autres pirates, dont j'étais, jouant le rôle deshommesdu Libertad, leur mettent une tripotée monumentale. Evidemment, il n'y a de blessés chez nous ni d'un côté ni de l'autre, mais pour faire plus vrai, quelques Espagnols peu coopérants sont passés par-dessus bord ou par les armes de façon spectaculaire, pour donner le change aux autres navires espagnols du convoi. (...)
En quelques secondes, les trois quarts de l'équipage de la frégate est réduit en charpie. Le sang s'écoule par l'arrière à gros bouillons et vient colorer la mer. De Vercourt hurle auxhommesrendus presques sourds par la canonnade. « Largue écoutes et amures. Chacun sur les vergues de grand voile, misaine et artimon. ». Dans un hourra général pour notre capitaine, leshommesse précipitent sur les haubans. Il faut dire que le franc-bord de notre galiotte était bien petit par rapport à celui de la frégate, si bien que pour accéder au pont ennemi, mieux valait se servir des vergues de grand-voile comme passerelles. (...)
La voix n'est autre que celle de De Vercourt, qui sort convert de sang de la salle du conseil de l'Espagnol. Derrière lui, Xabi pousse un canon de dix huit chargé. Cinqhommesse précipitent pour l'aider. Alors que je pousse le canon, Xabi me dit : « Le diable m'emporte, Francis a sorti une botte fulgurante : parade en tierce, un beau froissement, un passage sous l'arme et il s'est fendu vers la gorge de l'Espagnol qu'il a transpercée ». (...)