Comme un putain de conte de Noël
sur Editions John Doe au format (5 Mo)
24 décembre 1948. La neige qui tombe sur Heaven Harbor recouvre tout de la couleur de l'innocence, mais personne n'est dupe. Surtout pas moi. Dans la ville où le crime ne dort jamais, ce n'est qu'une nuit de plus, une nuit comme les autres. Une bonne nuit pour un boulot facile : l'affaire de quelques minutes et j'aurais pu aller dépenser l'argent du contrat en m'achetant une bonne bouteille et une fille à la Forbidden City, histoire de passer un joyeux réveillon. Mais c'est à ce moment précis ...Contient : ours (8)(...) Je commençais vaguement à me dire que je risquais d'avoir des ennuis avec la sécurité du magasin lorsqu'elle revint avec un énormeoursen peluche blanc avec un noeud vert, qu'elle tenait à bout de bras en riant aux éclats. C'était la première fois que je la voyais rire et je compris soudain pourquoi j'avais été engagé. (...)
Il leva son arme : mon chargeur était vide, mon bras droit pissait le sang, j'étais allongé par terre auprès d'une pute brune et d'unoursblanc, j'étais foutu. Il y eut deux détonations. Au bout de quelques secondes, je réalisai que je n'étais pas mort, et j'ouvris les yeux. (...)
Derrière lui, une arme encore fumante à la main, se tenait un homme en manteau gris, moustache bien taillée, cigare aux lèvres, une plaque du HHPD fixée à la ceinture. Mon salut. Ma perte. Le poing serré sur la patte de l'ours, je fermai à nouveau les yeux en le laissant s'approcher. Pour la deuxième fois en cinq minutes, j'étais à la merci d'un homme et de son revolver, mais cette fois j'étais bien décidé à ne pas me laisser faire. (...)
J'optai donc pour l'entrée des employés, et je me dirigeai d'un pas décidé, quoique boitillant, vers une porte marquée « privé », l'oursdans une main et l'automatique dans l'autre. J'eus à corriger d'un coup de crosse bien senti un grand gaillard dégingandé qui prétendait devoir en référer aux autorités, mais dans l'ensemble la vue du calibre suffit à décourager toutes les velléités à mon égard. (...)
Quelques minutes plus tard, j'étais garé devant l'immeuble décrépi de Natividad où habitait ma copine Maria. Je jetais un coup d'oeil à l'oursblanc assis à la place du mort. Il était recouvert de sang et son bras droit pendouillait lamentablement, uniquement retenu par quelques fils. (...)
Le gamin dormait lorsque j'arrivai à l'appartement. Je pris le temps de nous passer un peu d'eau sur le visage, à l'ourset à moi, pour nous rendre un peu plus présentables, et puis j'allais le réveiller aussi doucement que j'en étais capable. (...)
Il me fixa d'un air totalement dénué de surprise : rien ne vous étonne à cet âge, parce que vous ne vous attendez à rien. Son visage s'éclaira en revanche lorsque je lui tendis l'oursblanc estropié. Sa blessure au bras et son noeud papillon vert suffirent à en faire immédiatement un héros de guerre ayant valeureusement combattu les japonais dans le Pacifique. (...)
Il restait silencieux, le regard fixé sur le gamin haut comme trois pommes à mes côtés, qui tenait maladroitement sonourstrop grand pour lui et dont les yeux clignaient sous l'effet du sommeil. Je ne savais pas ce qui pouvait se passer dans son esprit de psychopathe : se pourrait-il qu'il prenne la même décision que moi, une poignée d'heure plus tôt ? (...)