Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : maître (9)(...) Aussi je me préparais à regagner prudemment ma petite chambre du haut, quand la porte de la rue cria sur ses gonds ; de grands pieds firent craquer l'escalier de bois, et lemaîtrede la maison, traversant la salle à manger, se précipita aussitôt dans son cabinet de travail. (...)
» Je n'avais pas eu le temps de bouger que le professeur me criait déjà avec un vif accent d'impatience : « Eh bien ! tu n'es pas encore ici ? » Je m'élançai dans le cabinet de mon redoutablemaître. Otto Lidenbrock n'était pas un méchant homme, j'en conviens volontiers ; mais, à moins de changements improbables, il mourra dans la peau d'un terrible original. (...)
C'est une imagination volcanique, et, pour faire ce que d'autres géologues n'ont point fait, il risquerait sa vie. Je me tairai ; je garderai ce secret dont le hasard m'a rendumaître! Le découvrir, ce serait tuer le professeur Lidenbrock ! Qu'il le devine, s'il le peut. Je ne veux pas me reprocher un jour de l'avoir conduit à sa perte ! (...)
C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. A notre arrivée, lemaîtrevint nous tendre la main, et, sans plus de cérémonie, il nous fit signe de le suivre. Le suivre, en effet, car l'accompagner eût été impossible. (...)
Pas un arbre, si ce n'est quelques bouquets de bouleaux nains semblables à des broussailles. Pas un animal, sinon quelques chevaux, de ceux que leurmaîtrene pouvait nourrir, et qui erraient sur les mornes plaines. Parfois un faucon planait dans les nuages gris et s'enfuyait à tire-d'aile vers les contrées du sud ; je me laissais aller à la mélancolie de cette nature sauvage, et mes souvenirs me ramenaient à mon pays natal. (...)
Nos gestes indiquaient assez la voie différente où chacun de nous essayait d'entraîner l'autre ; mais Hans semblait s'intéresser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prêt à partir si l'on donnait le signal du départ, prêt à rester à la moindre volonté de sonmaître. Que ne pouvais-je en cet instant me faire entendre de lui ! Mes paroles, mes gémissements, mon accent, auraient eu raison de cette froide nature. (...)
L'Islandais remua doucement la tête, et désignant tranquillement mon oncle : « Master, fit-il. - Lemaître, m'écriai-je ! insensé ! non, il n'est pas lemaîtrede ta vie ! il faut fuir ! il faut l'entraîner ! m'entends-tu ! me comprends-tu ? » J'avais saisi Hans par le bras. (...)
Il semblait que l'Islandais eût mis de côté toute volonté personnelle et fait voeu d'abnégation. Je ne pouvais rien obtenir d'un serviteur aussi inféodé à sonmaître. Il fallait marcher en avant. J'allais donc prendre sur le radeau ma place accoutumée, quand mon oncle m'arrêta de la main. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...