Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : traversée (16)(...) La nuit était noire ; il y avait belle brise et forte mer ; quelques feux de la côte apparurent dans les ténèbres ; plus tard, je ne sais, un phare à éclats étincela au-dessus des flots ; ce fut tout ce qui resta dans mon souvenir de cette premièretraversée. A sept heures du matin nous débarquions à Korsor, petite ville située sur la côte occidentale du Seeland. (...)
Elle transportait à Reykjawik du charbon, des ustensiles de ménage, de la poterie, des vêtements de laine et une cargaison de blé ; cinq hommes d'équipage, tous Danois, suffisaient à la manoeuvrer. « Quelle sera la durée de latraversée? demanda mon oncle au capitaine. - Une dizaine de jours, répondit ce dernier, si nous ne rencontrons pas trop de grains de nord-ouest par le travers des Feroë. (...)
Le 3, le capitaine reconnut Myganness, la plus orientale de ces îles, et, à partir de ce moment, il marcha droit au cap Portland, situé sur la côte méridionale de l'Islande. Latraverséen'offrit aucun incident remarquable. Je supportai assez bien les épreuves de la mer ; mon oncle, à son grand dépit, et à sa honte plus grande encore, ne cessa pas d'être malade. (...)
Trois heures plus tard, toujours en foulant le gazon décoloré des pâturages, il fallut contourner le Kollafjord, détour plus facile et moins long qu'unetraverséede ce golfe ; bientôt nous entrions dans un « pingstaoer », lieu de juridiction communale, nommé Ejulberg, et dont le clocher eût sonné midi, si les églises islandaises avaient été assez riches pour posséder une horloge ; mais elles ressemblent fort à leurs paroissiens, qui n'ont pas de montres, et qui s'en passent. (...)
6 Le fjord était large en cet endroit d'un demi-mille au moins ; les vagues déferlaient avec bruit sur les rocs aigus ; ce golfe s'évasait entre des murailles de rochers, sorte d'escarpe à pic haute de trois mille pieds et remarquable par ses couches brunes que séparaient des lits de tuf d'une nuance rougeâtre. Quelle que fût l'intelligence de nos chevaux, je n'augurais pas bien de latraverséed'un véritable bras de mer opérée sur le dos d'un quadrupède. « S'ils sont intelligents, dis-je, ils n'essayeront point de passer. (...)
Je compris parfaitement la nécessité d'attendre un certain instant de la marée pour entreprendre latraverséedu fjord, celui où la mer, arrivée à sa plus grande hauteur, est étale. Alors le flux et le reflux n'ont aucune action sensible, et le bac ne risque pas d'être entraîné, soit au fond du golfe, soit en plein Océan. (...)
Hambourg, la maison de Königstrasse, ma pauvre Graüben, tout ce monde sous lequel je m'égarais, passa rapidement devant mon souvenir effaré. Je revis dans une vive hallucination les incidents du voyage, latraversée, l'Islande, M. Fridriksson, le Sneffels ! Je me dis que si, dans ma position, je conservais encore l'ombre d'une espérance, ce serait signe de folie, et qu'il valait mieux désespérer ! (...)
- Un peu de patience, mon garçon. Une rechute nous mettrait dans l'embarras, et il ne faut pas perdre de temps, car latraverséepeut être longue. - Latraversée? - Oui, repose-toi encore aujourd'hui, et nous nous embarquerons demain. - Nous embarquer ! (...)
Je me bornerai donc à reproduire ici ces notes quotidiennes, écrites pour ainsi dire sous la dictée des événements, afin de donner un récit plus exact de notretraversée. Vendredi 14 août. - Brise égale du N.-O. Le radeau marche avec rapidité et en ligne droite. (...)
Tout cela est du temps perdu, et, en somme, je ne suis pas venu si loin pour faire une partie de bateau sur un étang ! » Il appelle cettetraverséeune partie de bateau, et cette mer un étang ! « Mais, dis-je, puisque nous avons suivi la route indiquée par Saknussemm... - C'est la question. Avons-nous suivi cette route ? Saknussemm a-t-il rencontré cette étendue d'eau ? L'a-t-iltraversée? Ce ruisseau que nous avons pris pour guide ne nous at-il pas complètement égarés ? - En tout cas, nous ne pouvons regretter d'être venus jusqu'ici. (...)
Sais-tu bien, Axel, qu'elle peut lutter de grandeur avec la Méditerranée ? - Oui, surtout si nous ne l'avonstraverséeque dans sa largeur ! - Ce qui est fort possible ! - Et, chose curieuse, ajoutai-je, si nos calculs sont exacts, nous avons maintenant cette Méditerranée sur notre tête. (...)
XXXVII Il me serait impossible de peindre la succession des sentiments qui agitèrent le professeur Lidenbrock, la stupéfaction, l'incrédulité et enfin la colère. Jamais je ne vis un homme si décontenancé d'abord, si irrité ensuite. Les fatigues de latraversée, les dangers courus, tout était à recommencer ! Nous avions reculé au lieu de marcher en avant ! (...)
Nous ne pouvons gouverner, nous sommes le jouet des tempêtes, et c'est agir en fous que de tenter une seconde fois cette impossibletraversée! » De ces raisons toutes irréfutables je pus dérouler la série pendant dix minutes sans être interrompu, mais cela vint uniquement de l'inattention du professeur, qui n'entendit pas un mot de mon argumentation. (...)
Enfin, après trois heures de navigation, c'est-à-dire vers six heures du soir, on atteignait un endroit propice au débarquement. Je sautai à terre, suivi de mon oncle et de l'Islandais. Cettetraverséene m'avait pas calmé. Au contraire, je proposai même de brûler « nos vaisseaux », afin de nous couper toute retraite. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...