L'araignée de glace
sur Asmodée au format (159 Ko)
Medico, 1666. La tisseuse à la fourrure de velours bleu nuit avait élu domicile près de la grande fenêtre de la chambre. Immobile au milieu d'un piège semblable à un flocon de neige, elle guettait, patiente, les proies imprudentes qui finiraient immanquablement par se prendre dans ses rets. Le reflet d'un rayon de soleil joua quelques instants sur le pelage de la créature, la parant de l'éclat d'un saphir. Un papillon aux ailes multicolores se posa délicatement sur la toile, tenta de repartir ...Contient : regard (14)(...) Sandra fixa un court instant la nuque étroite, surmontée d'un chignon sévère celle qui croyait encore avoir tout pouvoir sur sa destinée, puis tourna sonregardvers les trois personnes qui lui faisaient face. Au centre se tenait un homme d'une cinquantaine d'années, encore svelte et musclé, vêtu de riches étoffes ocres et brunes. (...)
Et aucune force, aucune faiblesse discernable dans ce chaos. Tentant de dissimuler son trouble, elle chercha son nécessaire de couture et surprit leregardde sa mère. Unregardqu'elle devinait, derrière le voile, froid, calculateur et satisfait. Unregardqui signifiait : « Vous m'avez dépassée en sorcellerie, mais jamais ne le pourrez en puissance politique. Vous n'aurez ni amour, car vous ne connaissez pas les arts des courtisanes, ni pouvoir parce que vous ne pourrez jamais agir à l'encontre de votre époux. » Elle essaya de se concentrer sur son travail de broderie - d'ordinaire, cela lui occupait les mains tout en lui laissant le loisir de réfléchir - mais en vain. (...)
Sa voix basse, grave et douce, était semblable à la caresse d'un chat. Sandra releva la tête, croisa une fois de plus sonregardet s'apprêtait à répondre lorsque sa mère l'interrompit : « Sandra ne va pas dans le monde. A son âge, les jeunes filles sont bien trop influençables, je pense, pour qu'il soit sain de les montrer partout. (...)
« Un son chaleureux, profond... J'ai senti un frisson traverser mon échine et je me suis retournée. Il était là, à quelques pas seulement, en compagnie de deux autres personnes. Sonregard... Sonregardavait l'éclat d'un joyau. » Une silhouette se dessinait, montée sur un destrier couleur cobalt. « Il a croisé mes yeux, m'a souri. (...)
Comme une somnambule, elle se dirigea vers la chambre d'enfant. La nourrice était là, essayant tant bien que mal de calmer le bébé. Elle jeta unregarden coin à la femme voilée de noir. « Il fait ses dents, madame. Ce n'est pas grave, bien que douloureux. (...)
» La servante s'inclina, mit l'enfant dans les bras de la jeune femme et sortit, après lui avoir lancé unregardde pitié. Léa berça l'enfant quelques temps, mêlant ses propres larmes aux siennes, puis le plaça dans son berceau, saisit un oreiller et commença à appuyer. (...)
Mais, très cher ami, je ne suis pas ici pour le seul plaisir de humer les délicates effluves qui émanent de ces lieux. » Il jeta unregardautour de lui. « Y a-t-il un endroit où vous et moi pourrions nous entretenir sans risquer d'être interrompus ? (...)
Il me déplairait d'être contrainte de verser le sang en ces lieux. Alors lâchez-moi et partez. » Ils s'affrontèrent quelques instants duregard; l'homme finit par baisser les yeux, desserra son étreinte et quitta l'auberge en lui lançant un coup d'oeil mauvais. (...)
En une nuit, j'ai perdu mon petit garçon, ma femme a révélé, devant un parterre estomaqué de gentilshommes et de courtisanes, qu'elle n'était qu'une senzavista et m'avait berné depuis le début - sous votre influence, bien entendu - et s'est plongé une dague dans le coeur après avoir craché tout son venin et tué son propre fils - Mais pourquoi ? Pourquoi ? » Sandra se leva, se rendit à la fenêtre, sous leregardattentif de l'un des hommes de Flavio. Elle inspira longuement et se retourna. Ses yeux étaient secs, ne reflétant qu'une rage soudaine. (...)
- Maintenant, je veux entendre la vérité de votre bouche. Et je veux que justice soit faite. Je veux qu'on me rende ma vie. » Sandra se rassit et croisa sonregard. Les prunelles de Flavio luisaient d'un éclat glacé. Une peur sourde s'immisça en elle, elle frissonna et détourna les yeux. (...)
Il contempla longuement le reflet de ses yeux dans la vitre, y cherchant une réponse, n'en trouvant aucune, puis, enfin, plongea sonregarddans le sien. « Alors vous ne regrettez rien ? - Non. » répondit-elle calmement. « Je ne regrette rien. (...)