Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : homme (28)(...) Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'unhommequi se veut pragmatique mais reste théoricien et qui, de plus, est un forgien idéaliste, ses présentations sont admirablement claires et mettent à la portée des profanes - ce que sont ses élèves kargali - des notions éminemment complexes (notions nouvelles pour les Forgiens et anciennes pour les Exiléens. (...)
C'est cette fragilité, si je puis dire, des fortunes industrielles, qui fait que beaucoup de personnes hésitent encore à se lancer dans cette honorable carrière ; c'est elle aussi qui maintient la faveur dont jouissent les propriétés foncières et qui fait que tant de gens préfèrent un revenu médiocre mais assuré en rentes sur l'état, par exemple, à un revenu plus fort en actions industrielles ou en commandites commerciales. [...] Quand un médecin dit à unhommereplet et court : soyez sobre ou l'apoplexie vous frappera, certainement il parle à coup sûr. Eh bien, il en est de même lorsqu'un économiste dit à un fabricant : avant de produire, connaissez d'abord vos débouchés, étudiez la consommation et appréciez-en le chiffre ; sans quoi vos magasins s'encombreront et vous vous ruinerez : c'est là un cas d'apoplexie industrielle. (...)
Pour moi, je considère que dans la plupart des cas, lorsque le gouvernement et les moeurs n'y sont pas opposés, ce qui est fort rare, il est possible de travailler et de faire des économies ; car la force productive de l'hommeest très grande quand elle n'est pas contrariée et presque toujours, on produit plus que l'on ne consomme. (...)
Là encore, les inégalités sociales disparaissent tous les jours : les domestiques n'y sont pas tenus par les maîtres dans une espèce de vassalité car il leur est facile de changer de condition. Cette réhabilitation de l'hommeest très importante parce qu'elle ajoute au capital moral de la nation qui l'entreprend. En Talbes, où les domestiques n'acceptent pas la qualification de serviteurs mais d'aides (Umak), leur conduite est régulière ; ils tiennent à être respectés par leur maître car ils se respectent eux-même ; ils ne travaillent que modérément mais ils le font avec conscience ; leurs gages sont élevés mais ils ne cherchent pas à les augmenter par les vols, les abus de confiance qui se commettent avec tant de facilité dans d'autres pays où ils sont presque tolérés. (...)
Ainsi, non seulement les capitaux bien dirigés multiplient la richesse, mails ils ajoutent encore à la considération de l'homme; ils sont aussi un puissant moyen de moralité. Dans le pays dont nous venons de parler, la débauche n'est pas devenue, comme ailleurs, une sorte de mal-nécessaire ; le séducteur n'abandonne pas la femme qui a manqué pour lui à ses devoir ; il se marie parce qu'il sait pouvoir subvenir par son travail aux besoins de la famille qu'il se crée, à l'éthalerion des enfants qu'il peut avoir. (...)
« La plus importante question qui se rattache au capital, ce qui en forme l'élément le plus précieux, celui sans lequel les autres n'auraient aucune valeur puisqu'ils ne seraient pas mis en oeuvre : c'est l'hommeet son intelligence qui forment ce que j'ai déjà appelé le capital moral d'une nation. L'intelligence de l'hommeest le plus important de tous les capitaux et il importe de ne pas le laisser inactif. L'or n'est rien sans la pensée, c'est elle qui est tout. [...] Ainsi, messieurs, le capital s'augmente de la valeur intrinsèque de l'homme, qui représente les sommes dépensées pour son éthalerion : mécanicien, manoeuvre ou penseur, c'est la même chose. (...)
Leur valeur augmente ou diminue suivant leurs capacités, leur utilité échangeable. L'éthalerion est un capital fixé dans unhomme, comme une semence est confiée à la terre : l'éthalerion et la semence doivent l'une et l'autre rapporter des fruits. Halton a dit : Le talent est un pouvoir. Nous disons : Le talent est une richesse. L'hommequi le possède en a l'usufruit, le fonds reste à son pays. Qu'unhommeinvente une machine, un procédé, il jouira seul de sa découverte pendant un certain temps ; mais après lui et de son vivant même, après un délai déterminé, elle tombera dans le domaine public et chacun pourra en profiter. L'étude est le moyen le meilleur et le plus sûr d'augmenter le capital moral d'un pays et d'accroître par lui les richesses. (...)
Le rentier, c'est le propriétaire d'un capital accumulé autrefois et qui a besoin pour produire de l'industrie et du savoir faire d'unhommed'intelligence en disponibilité. Après avoir reçu 10 et 15 p.% de ses capitaux lorsqu'il les faisait valoir lui-même, le rentier trouve dur de n'en plus recevoir que 5 et plus dur encore d'être exposé à n'en recevoir plus que 4 et même moins. Cependant, il ne peut pas en être autrement. L'homme, dont le savoir et l'activité font marcher une entreprise, doit être plus rémunéré que celui qui n'a eu d'autre talent que celui d'avancer son argent et d'autre danger à courir que l'éventualité d'une perte partielle. (...)
On a dit que l'exercice continuel d'une seule et même opération dans la même industrie avait pour résultat immédiat et infaillible d'abrutir l'hommequi s'y livrait. En effet, s'est-on demandé, quel développement l'intelligence peut-elle acquérir si le même ouvrier n'a, pendant plusieurs années, que le temps de faire des clous ou d'émoudre des têtes d'épingles ? (...)
Oui, Messieurs, ces occupations sont loin d'agrandir le cercle des connaissances scientifiques et littéraires de ceux qui en sont chargés et l'hommecondamné à faire des clous toute sa vie devient clou lui-même, si je puis m'exprimer ainsi ; et cependant, les Anciens n'ont pas amenés les hommes pour de si rudes occupations ! (...)
Le mouvement n'est pas permanent et si aujourd'hui la division du travail, encore incomplète, force l'hommeà faire un travail stupide et le réduit aux fonctions de machine, elle lui fera trouver plus tard un salaire honorable avec un repos convenable, tout en le dispensant d'une foule de travaux écrasants qui le rendent aujourd'hui roue, volant ou bête de somme. (...)
Vous connaissez tous quel horrible métier c'est que de tirer des épreuves ; il faut être constamment pendu à la mécanique. Eh ! bien, si vous avez un balancier qui fasse cette besogne, l'hommen'est plus abîmé par le travail. Cependant, Messieurs, pour le dire en passant, les premiers ouvriers qui ont dû se servir de cette machine se sont révolté contre la nouvelle puissance qui venait relever la dignité humaine. (...)
Tout est réglé ; et toutes les attributions se correspondent si bien, que l'on dirait que toute l'usine n'obéit qu'à un seulhommeet à un seul mouvement. » Du chômage. « La suspension des travaux nuit non-seulement à l'ouvrier mais au fabricant et alors ce n'est qu'à son corps défendant que celui-ci suspend les travaux. (...)
La préférence de Carousse va très nettement à la mise en oeuvre de l'obstacle privatif, donc à la limitation des naissances par la seule «contrainte morale», à l'exclusion de tout procédé de contraception qui relève du ‘vice'. La contrainte morale conduit touthommecensé à ne pas chercher à avoir un nombre d'enfants tel qu'il ne puisse plus les nourrir. Les idées économiques générales de Carousse s'inspirent pour l'essentiel de Zelphaze de Beuvin : la vraie richesse est le produit du travail car seul le travail peut accroître les ressources disponibles. (...)
Sa pensée est marquée par la nécessité de suivre les commandements des Anciens, qui s'expriment notamment à travers les limites que pose la nature. Il est vain de chercher à contourner les lois de la nature ; chaquehommedoit comprendre qu'il est criminel d'avoir des enfants qu'il ne peut nourrir ; les parents doivent en être rendus responsables ‘devant les Anciens et devant les hommes'. (...)
La responsabilité des gouvernements est elle-aussi engagée. Mais les gouvernements, plutôt que de légiférer et de céder aux idées erronées de droits de l'homme, devraient commencer par éduquer le peuple et ses couches les plus défavorisées. L'hommen'a pas le ‘droit' d'être nourri, il en a la ‘puissance' qu'il doit exercer par son activité, par son travail. D'ailleurs, sur le plan moral, le travail pousse l'hommeà vaincre sa ‘paresse naturelle' alors que l'inconséquence des partisans des droits de l'hommeentraîne le peuple sur la fausse route de la facilité. Les démagogues ne se privent pas d'en exploiter toutes les conséquences en suscitant des révolutions qui, à leur tour, causent une misère et un malheur plus grands encore que ceux desquels on espérait sortir. Par l'éthalerion, on peut espérer que chaque couple comprendra la contrainte morale qui doit l'engager à limiter lui-même le nombre de ses enfants. (...)
Mais cette mesure, que le désir de voir soulager la misère des ouvriers qui se voient enlever leur pain par l'emploi des machines peut inspirer à unhommede bien, ne saurait être adoptée par des hommes d'état qui voient plus loin que le moment présent et dont le devoir est de ne pas engager l'avenir. (...)
Malheureusement, Messieurs, on ne s'est pas borné à tirer des machines les avantages qu'elles offrent, la convoitise de l'hommeen a abusé comme de toutes les bonnes choses. Car après avoir fait servir les machines à économiser la force de l'homme, on s'est autorisé de la permanente activité de l'instrument pour exiger autant de service du bras qui le dirige, de l'oeil qui le surveille - ce que l'on a retiré de la fatigue du travail, on l'a reporté sur la durée. Les journées de dix heures ont été étendues à onze ou quelquefois treize heures et il n'est plus resté aux anciens manoeuvres élevés aux fonctions d'ouvrier qu'un temps à peine suffisant pour satisfaire des appétits bruts ; ils n'ont pas eu celui de vivre, de penser. (...)
Cette mesure ne peut être applicable qu'au travail des enfants ; elle ne l'est pas à celui des hommes qui auraient le droit de dire : « En m'empêchant de travailler au-delà des heures fixées, vous me privez d'un supplément de salaire dont j'ai besoin ; vous me faites mourir de faim pour me laisser reposer. » Je sais bien qu'il est cruel pour touthommede coeur qui pénètre dans une fabrique de voir écrit en traits de souffrance, sur le visage des malheureux qui y sont enfermés tout le jour, les conséquences funestes d'un système manufacturier poussé à l'excès. (...)