Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : machines (35)(...) A la chiche lumière que fournit le ciel succède la clarté que nous tirons de l'huile, de la houille, de la résine. La nuit n'existe plus, le repos est inconnu, au moins pour lesmachinesqui, dans les besoins pressants, voient leurs conducteurs et leurs surveillants se relever les uns les autres, sans qu'elles arrêtent un instant leur marche. (...)
En effet, je vous ai dit que tous les ouvriers, l'un dans l'autre, faisaient 48,000 épingles, au lieu de quelques centaines qu'ils pourraient à peine faire, s'ils étaient obligés de se livrer simultanément à toutes les opérations. [...] L'invention desmachinesest un effet de la division du travail ; elles l'ont perfectionnée après lui avoir donné naissance. (...)
Mais pénétrez dans quelques ateliers, ceux de tréfilerie par exemple, où avant l'application des mécaniques, les ouvriers faisaient eux-mêmes fonction demachines, vous les verrez, le journal à la main, assister en surveillants au travail qui se fait sous leurs yeux et leur direction, et qui n'exige d'eux que quelques coups de mains de temps en temps. (...)
D'un autre côté, l'on est en droit de se dire que les ouvriers les plus intelligents sont ceux qui sont le plus en contact avec lesmachines, à moins qu'ils ne soient trop encombrés et mélangés, c'est-à-dire de sexes différent et à moins qu'ils ne soient trop jeunes ; car les ouvriers saisissent ce qu'il y a de plus ingénieux dans lesmachines. Je n'en citerai pour preuve que les ouvriers d'Exil exerçant des centaines d'industries différentes et produisant des milliers de millions de produits avec desmachinessimples. Cette brillante industrie exiléenne est le résultat de la division du travail. Et pourtant elle n'a pas d'égale sur Forge, parce qu'il y a là-bas une atmosphère d'intelligence, d'enthousiasme et d'émulation que les ouvriers n'ont point ailleurs et qui abandonnerait les Exiléens s'ils voulaient travailler isolés ou s'ils s'en allaient sur le continent. (...)
C'est ce qui n'arrive pas dans les grandes industries que j'appellerai savantes ou à grands capitaux, parce qu'on y regarde à deux fois avant de laisser chômer les valeurs imposantes engagées dans des bâtiments considérables et desmachinesfort chères et fort nombreuses. » De l'ordre social et de la liberté industrielle : la querelle des écoles sostrienne et talbéenne « Monsieur de Silismondi a été frappé de l'extrême misère qui se manifestait à côté de la richesse et il s'est demandé [...] si le dernier mot du développement industriel était d'augmenter indéfiniment la prospérité de quelques uns au prix de la détresse de presque tous les autres. (...)
— Vous avez aboli, a-t-il dit, les jurandes et les maîtrises et vous voilà dans le désarroi de la concurrence universelle ; vous avez poussé jusqu'à ses dernières limites la division du travail et l'introduction desmachineset maintenant vous avez la richesse accumulée sur un point et la misère sur dix autres. Oui, vous avez augmenté la production mais vous avez oublié que ce n'est pas assez de produire et qu'il faut encore écouler et consommer, et vous voilà aux prises avec les encombrements et les crises commerciales qui vous apportent la disette au sein de l'abondance, qui font de l'industrie un champ de bataille et de l'humanité la litière de quelques privilégiés. (...)
Car si le développement de l'industrie a occasionné quelques maux, que de biens n'en est-il pas résulté ? Sans lesmachines, sans la division du travail, les ouvriers d'aujourd'hui auraient-ils le linge que n'avaient pas nos pères ! (...)
de Silismondi a eu tord, je crois, de s'appuyer sur le produit net pour ses démonstrations ; car si un ouvrier fait un habit, il faut tenir compte du profit de tous ceux qui y ont pris part : du berger, du tondeur, du laveur, du peigneur, du teinturier, du tisseur, du producteur des matières colorantes, des producteurs desmachines, du fabricant des boutons, du fabricant de la doublure, etc., etc. ; j'en oublie plus de la moitié. (...)
[...] La liberté du commerce est une conséquence corrélative de la liberté industrielle ; et la suppression des douanes en est la déduction mathématique et naturelle. Telle est la solution de la question des encombrements et des crises périodiques. » Desmachines. Vous avez vu comment l'accroissement des capitaux et la division du travail avaient conduit à l'invention desmachines. Nous devons examiner maintenant quelles ont été les conséquences de l'emploi de ces nouveaux instruments de production sur l'industrie et le bien-être des travailleurs. Comme tout ce qui est conçu par l'esprit des hommes, lesmachinesont eu des avantages et des inconvénients. En même temps qu'elle enlevaient le travail à quelques individus, elle l'offraient à d'autres ; elles créaient des produits et en même temps des consommateurs : en un mot, elles déplaçaient des existences mais elles n'en détruisaient aucune. (...)
Mais, vous le savez, il n'en fut pas ainsi : elles sont arrivées tout à coup, à l'ouverture des Portes d'Airain, elles ont été inventées à la fois et sans qu'auparavant on en eut jamais entendu parlé. Les deuxmachinesles plus importantes sont la machine à vapeur et le métier à filer. Leur importance et les modification qu'elles apportèrent dans tout le système de fabrication forcèrent bientôt de changer tous les instruments qui devaient leur être subordonnés, surtout à la première. C'est la brusque découverte de cesmachinespuissantes qui a donné tant d'importance à la question qui nous occupe, c'est à la soudaineté de leur apparition que sont dues toutes les complications que nous étudions aujourd'hui. (...)
Mais cette mesure, que le désir de voir soulager la misère des ouvriers qui se voient enlever leur pain par l'emploi desmachinespeut inspirer à un homme de bien, ne saurait être adoptée par des hommes d'état qui voient plus loin que le moment présent et dont le devoir est de ne pas engager l'avenir. (...)
de Silismondi a grande raison de dire que si les inventions sont immédiatement révélées, le zèle pour de pareilles découvertes se refroidira ; et il se refroidira si bien qu'il disparaîtra même tout-à-fait et que les hommes industrieux iront porter leurs inventions dans des contrées où les droits du génie sont mieux appréciés et mieux récompensés. [...] Non, Messieurs, il ne peut pas être permis d'apporter des obstacles aux développements desmachinesdans l'industrie, parce qu'on ne peut les empêcher partout à la fois ; rester en place quand tout le monde avance, c'est reculer - et en industrie, reculer c'est mourir. Si nous considérons lesmachinessous un autre point de vue, nous verrons qu'il ne nous est pas possible de renoncer, je ne dis pas à leur emploi, mais encore à leur perfectionnement. Lesmachinessont le double produit des capitaux et de l'intelligence et renoncer à leur usage, à leur invention, c'est abandonner nos richesses, c'est nous suicider moralement. [...] Lorsque, frappé des inconvénients qui résultent desmachines, on veut placer en regard les avantages qu'elles procurent, on ne doit pas se borner à considérer les services spéciaux qu'elles rendent à l'industrie qui les emploie, car celle-ci n'en ressent pas seule les heureux effets. (...)
Que l'on parvienne à trouver, par exemple, un procédé de fabrication de fer qui réduise le prix de 15 à 20 pour cent et ce ne seront pas seulement les maîtres de forge qui profiteront de cette économie, mais encore tous les industriels qui emploient le fer, tous les consommateurs qui achètent des objets dont la confection a nécessité le concours demachineset d'instruments dont le fer compose la principale matière première. [...] La réduction du prix qui en résultera aura pour conséquence, malgré l'opinion contraire de M. (...)
de Silismondi, d'augmenter la consommation, ce qui occupera un plus grand nombre d'ouvriers et ajoutera à la richesse publique en créant de nouveaux revenus. [...] Ce sont lesmachinesqui ont permis de donner aux femmes du travail proportionné à leur force, qui les a fait sortir de cette éternelle minorité à laquelle les anciennes lois organisatrices de l'industrie les avaient condamnées. (...)
Cette amélioration dans le sort des femmes est un signe non équivoque de civilisation. [...] Dans les cités, qui doivent leur prospérité auxmachineset à l'industrie, elles sont employées à un travail qui n'a rien de dégradant, et où elles peuvent faire usage de la délicatesse de leurs organes, de l'habileté de leurs doigts, du tact exquis dont elles sont douées. Lesmachinesont encore émancipé les enfants, qui n'avaient été jusqu'ici qu'une charge souvent bien lourde pour leurs parents et qui sont devenus un moyen d'augmenter le bien-être de la famille. Malheureusement, Messieurs, on ne s'est pas borné à tirer desmachinesles avantages qu'elles offrent, la convoitise de l'homme en a abusé comme de toutes les bonnes choses. Car après avoir fait servir lesmachinesà économiser la force de l'homme, on s'est autorisé de la permanente activité de l'instrument pour exiger autant de service du bras qui le dirige, de l'oeil qui le surveille - ce que l'on a retiré de la fatigue du travail, on l'a reporté sur la durée. (...)
[...] Il est donc, vous le voyez, d'une loi pour fixer la durée du travail comme de celle qui interdirait l'emploi desmachines; elles sont également impossibles parce qu'elles ne peuvent être générales. Cette mesure ne peut être applicable qu'au travail des enfants ; elle ne l'est pas à celui des hommes qui auraient le droit de dire : « En m'empêchant de travailler au-delà des heures fixées, vous me privez d'un supplément de salaire dont j'ai besoin ; vous me faites mourir de faim pour me laisser reposer. (...)
Parce que, à côté du soulagement qu'on espère donner au malheur, on trouve le mal certain que l'on causera à ceux dont on prétend adoucir la position. Avant de terminer, je veux répondre encore à un argument avec lequel M. de Silismondi combat lesmachines. Elles ont, dit-il, pour résultat éloigné de concentrer l'industrie entre les mains des plus riches. (...)
de Silismondi l'affirme, il est certain qu'on devrait s'empresser de mettre obstacle aux développement de cette aristocratie nouvelle qui serait due auxmachines; mais il n'y a qu'un seul inconvénient à ce système, c'est qu'il est réfuté par les faits - c'est que les pays où lesmachinessont les plus nombreuses et les plus perfectionnées sont ceux aussi qui ont le plus de population et chez lesquels son accroissement est le plus rapide. [...] J'ajouterai encore : les villes manufacturières sont mieux bâties, mieux pavées, mieux éclairées que celles qui n'ont pas d'industrie, les connaissances spéciales et l'instruction y sont plus généralement répandues que partout ailleurs. Toutes les sciences, tous les arts ont participé aux progrès desmachineset tous ont fourni à l'industrie leur contingent de découvertes. En manière de conclusion. « Depuis qu'à l'exemple d'Exil, chaque peuple a voulu se faire le fabricant et le boutiquier de l'univers, l'invention desmachinesest devenue une loi à laquelle tout le monde a été contraint d'obéir ; il n'y a de chance de succès que pour ceux qui ont travaillé sans relâche à améliorer leurs méthodes, à perfectionner leurs instruments. La supériorité a été le partage de ceux qui ont le plus inventé et qui, à chaque découverte nouvelle, en ont fait chaque jour succéder une autre. (...)
de Silismondi a nié que toute diminution de prix d'un marchandise d'un usage habituel avait pour résultat un accroissement de consommation, qu'il s'est opposé au développement desmachineset qu'il a demandé avec tant d'insistance qu'on y apportât des obstacles. Suivant lui, vous le savez, les revenus ne s'accroissent que comme deux, quand la production augmente comme quatre. (...)
Depuis lors, chaque progrès dans les arts a stimulé et accru la production, celle-ci a augmenté les profits et les salaires et ces derniers ont provoqué la manifestation de besoins qui jusqu'alors n'avaient jamais été que des désirs à peine avoués, tant leur satisfaction semblait impossible ou tout au moins éloignée. [...] Après des preuves si multipliées de l'utilité desmachines, tout le monde, je l'espère, sera convaincu de la nécessité dans laquelle nous sommes non-seulement de les conserver mais encore de les perfectionner. (...)
Ce point important arrêté, je m'empresserai de reconnaître qu'elles ont eu un inconvénient grave mais purement humain, c'est-à-dire qu'il est possible de le détruire ; cet inconvénient est celui qui résulte de la dépendance presqu'absolue dans laquelle les ouvriers se trouvent placés par rapport à ceux qui les emploient. Heureusement que si lesmachinesl'ont causé, elles peuvent aussi le faire disparaître. Si elles ont d'abord concentré les moyens de travail dans un petit nombre de mains, elles ont successivement accru ce nombre, de sorte que les coalitions entre les maîtres, si faciles autrefois et que les lois réprimaient si mollement, sont devenues presque impossibles. (...)