Liber Tolosa - Nuit d'été à la cour de Raymon le Vieux
sur CDS Editions au format (8.8 Mo)
Contient : comte (17)(...) Les temps sont à la paix et aux réjouissances. C'était la naissance tant attendue. Oh, ce n'est pas le premier enfant, ni le premier fils ducomte, ni le premier mariage d'ailleurs, mais le premier mâle légitime. Son premier fils, Bertrans, aîné de vingt ans et issue d'une union naturelle n'y voit là que joie et bonheur pour son père. (...)
Oui c'est tout de même son quatrième mariage et rien ne dit que c'est le dernier. Il faudra bien trouver un moyen de confirmer les liens avec l'Aragon. A la table ducomte, un trobador de mes amis, Peire Cardenal discute avec lui et rit à gorge déployée. Ils sont en train de mirer Bertrans et Hugues d'Alfaro se défiant au bras de fer pour faire les jolis coeurs devant les quelques damoiselles réunies ici ce soir. (...)
Les deux jeunes hommes sont des fiers chevaliers et semblent de force égale. La mignonne Guilhelmine, autre enfant naturelle ducomte, qui marche à peine, encourage à grands cris son demi-frère, tentant de donner des coups de pied dans les mollets du Navarrais. (...)
", répond l'autre. Raimond de Ricaud, que l'on n'a pas beaucoup entendu de la soirée, un homme de confiance ducomte, sérieux et austère, s'approche alors en compagnie d'un clerc. "- Votre seigneurie, voici Raimond de Rabastens, dont vous avez déjà entendu parler en bien et qui a déjà oeuvré à votre cause pour le rattachement de l'Agenais. - Bonjour mon père, prenez place ! -Comte, c'est un honneur. - Alors vous êtes curé à Agen, demande Raimond VI. - Archidiacre de l'église d'Agen pour être exact, mais mes desseins ne s'arrêtent pas là. (...)
Sans prétendre à une grande ambition, je cherche un évêché digne de ce nom. - Comme celui de Toulouse ? sourit lecomte. - Par exemple ! - Nous en reparlerons en temps utile mon père, pour l'heure Fulcrand notre évêque, même s'il se fait vieux, est encore bien valide. (...)
En tout cas, merci de votre hospitalité et de m'avoir envoyé votre viguier pour me guider dans votre magnifique cité. - Oui, merci à toi mon bon Ricaud, souligne lecomte. - Ce n'est rien, j'aime les balades nocturnes et le calme des rues toulousaines. Et puis ça permet d'avoir un oeil sur les petites gens et les estafiers qui ne manquent pas dès que la nuit est tombée." Les deux hommes s'éloignent, laissant lecomteà ses pensées. Peire Cardenal qui est resté à ses côtés, risque un mot : " - Senhal, vous semblez bien songeur tout d'un coup ? (...)
- Votre esprit trop clair pourrait vous faire avoir des ennuis s'il ne trouvait pas un jour bonne protection ou bon seigneur pour l'employer judicieusement. Je peux avoir besoin d'un homme comme vous. - Mon boncomte, pour l'heure je désire encore la liberté d'aller et venir au gré du vent, mais je sais l'accueil et la proposition que vous me faites, je la garde par devers moi, ma bonne espérance pouvant changer. (...)
Pour preuve, Alphonse-Jourdain avait confié son fils Raimond V sous la tutelle du père de Guilhem pour faire son éducation politique, c'est pour dire. Même si les temps changent et que la bourgeoisie est plus présente à la cour ducomte, comme les Capdeniers ce soir, ils demeurent parmi les barons les plus influents. La confiance des comtes n'est pas exclusive pour autant. (...)
Croyez-vous que l'on puisse se passer de l'appui d'une telle abbaye ? Evitons les querelles de chapitres du temps de l'évêque Isarn. Lecomtene les apprécie pas plus que vous. Montrez-lui ce que vous êtes à même de faire pour sa ville et je vous garantis qu'il ne se montrera pas ingrat. (...)
- Mes idéaux sont ceux de mon ordre, mais il est dur dans une ville de pèlerinage d'être les seuls à avoir des établissements charitables, tant les hospices fleurissent dans Tolosa. Dieu ne nous prépare pas à la concurrence, il juge sur la durée. - Lecomteaussi juge sur la durée et l'engagement, sachez-le. » Ah, les puissants de ce monde ne peuvent s'empêcher, même par une si belle nuit d'été de faire de la politique. (...)
Si certains cherchent des privilèges faciles, ils sauront vite que l'on doit montrer sa valeur avant d'y prétendre. "Per mon Audiartz sui gais que tota gens ad eslais prezon mais locomteRamon de nul autrecomtedel mon." (1). Lexique : Audiartz : surnom que donne Raimon de Miraval à Raimond VI et réciproquement cadelon : jeune enfant qui tête encore sa mère coms :comteestafier : escroc, luron, drôle, mauvais sujet senhal : seigneur, forme poétique employée par les troubadours trobador : troubadour viguier : prévôt (1)Pour mon Audiart je suis plein de gaieté parce que tous les gens, d'un même élan, prisent davantage lecomteRaimon qu'aucun autrecomtedu monde.Ma que calor ! Oui quelle chaleur en cette nuit d'août mil cent quatre-vingt-dix-sept. La cour intérieure du château Narbonnais a à peine su conserver un peu de fraîcheur. Entre ses murs, sous un ciel étoilé les convives de nostre coms Raimon digèrent un banquet fort apprécié. Un grand feu illumine encore les tables et la petite scène où des jongleurs se sont donnés en spectacle et où j'ai moi-même pu exprimer une élogieuse canso en l'honneur de la douce Jeanne, la nouvelle épouse de mon Audiartz ...