Ciel et Terre
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Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : sang (72)Ciel et Terre Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Lesangqui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. (...)
Quelques talismans de fer froid pour les choses qui hantent les entrailles de la terre et les brumes à l'horizon, trop belles, trop féroces pour être humaines et trop puissantes pour simplement se contenter de notresang, notre chair et notre vie. J'ai une femme, un fils, une vieille lance, un boeuf, une maison et un champ. (...)
Ma vie est plus à sa fin qu'à son début et parfois j'en suis heureux. C'est ainsi car nos pères ont appris longtemps avant nous qu'il vaut mieux finir vidé de sonsangque de désobéir au Seigneur des Hauts Vents. Je ne suis pas un homme sage, mais comme tous les hommes de mon âge je connais les histoires du monde ancien, l'ancien âge perdu des merveilles. (...)
Chaque année, avant la plus longue nuit de l'hiver, chaque homme du village égorge une bête pour en recueillir lesang, le mettre dans un bol et le laisser dans l'autel familial devant la maison après une prière. La nuit passe et les bols desangsont retrouvés vides. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent souscrire à l'offrande sont vidés de leursangà la place de leurs bêtes. L'été, la plaine est verte, brûlante, impitoyable. Chaque année, après le jour le plus long de l'été, un Héraut du Seigneur des Hauts Vents nous visite, revêtu d'acier et armé de jade, porteur d'exigences, d'étrangeté et de pouvoir. (...)
J'essaye de dire quelque chose qui reste bloqué dans ma gorge. Le regard du caravanier en train de fixer sonsangqui jaillit de sa gorge par à-coups bouillonnant, d'un air incrédule et horrifié. Le souvenir me rend nauséeux. (...)
Je commence peut-être à entrevoir pourquoi le Héraut des vents la choisie comme sacrifice : on dit que certaines connaissances sont interdites aux mortels et la rumeur dit que dusangdivin coule dans les veines du Shaman. Peut-être lui a-t-il enseigné quelque chose qu'il n'aurait pas dû. (...)
Puis elle vomit un souffle de brouillard gluant, gris et glacé sur lui, tout en me regardant de son regard rougesang. Je dégaine mon épée et je bondis. Près d'elle, l'air est si froid que ma lame se couvre de givre et vole en éclat lorsqu'elle frappe entre ses deux yeux. La bête ne meurt pas, ne grogne pas, ne crie pas, mais sa carapace se fissure et dusangy suinte. La bête crache un staccato de cliquetis rageur et douloureux. Elle recule, et OEil Vert parvient à libérer une main de la gangue blanchâtre, lui laboure le ventre d'un coup de poignard en hurlant de rage : Unsangrouge et gluant se répand sur lui, et la chose s'enfuit dans un cliquetis rapide. Comme une extension de son corps le brouillard semble se retirer avec elle. (...)
On dirait qu'une dizaine d'épée se sont abattues sur lui. J'aperçois une côte ressortir hideusement de l'un ses flancs. - Elle est partie ? Il crache dusangquand il parle. Je me sens vide et exultant à la fois. - Oui. Je tente de le prendre, il ne hurle pas, la gangue grise vire au blanc et semble le tenir en un seul morceau. (...)
Déchiqueté comme il est, rien que le fait que je le porte devrait le couper en deux, mais la gangue grise semble le tenir en un seul morceau. Je sens sonsangqui dégouline un peu dans ma nuque lorsque je le mets sur mon dos, mais il gémit tout au long du voyage du retour, ce qui me semble être un bon signe. (...)
Je le pose dans le chariot, au pied de Brume qui nous observe d'un air doucement terrifié. - Tu saignes ! C'est Rude Automne. - Juste lesangd'OEil Vert. J'ai pas une égratignure. Boeuf me regarde. Je secoue la tête négativement. Il s'éloigne, les mains posées sur son visage. (...)
Je garde le poing serré sur la terre noire et froide du domaine. Une éternité semble passer (s'écouler) dans le silence. Soudain, un glas retentit, et monsangse fige dans mes veines. Boeuf jure. Rude nous regarde, paniqué : - Que se passe-t-il ? Pigeon écarquille les yeux de stupéfaction. (...)
Pour l'heure, je suis même surpris qu'elle ne m'ait pas rejoint. La tête me tourne, ce n'est pas la fièvre, pas encore, juste le manque desanget l'épuisement. Il me faudra au moins quatre jours, peut-être cinq, pour revenir au village, si je ne meurs pas avant, tué par une bête, des brigands ou pire. (...)
Je titube, trotte, me nourrit de baie, d'insectes, bois de l'eau de pluie. Les mouches virevoltent autour de moi, attirées par l'odeur dusanget ma chair à vif. Je m'improvise un cataplasme avec la terre d'une termitière pour désinfecter et boucher le trou dans mon épaule. (...)
Quelque part là-bas, j'entends Boeuf crier, sangloter, les implorations de Rude Automne. Je revois lesangdu caravanier, son regard exorbité, quelques autres, et Sillon. L'été était venu comme un coup de massue étouffant, l'année de mes treize ans. (...)
Quand j'y repense, Sillon est peut-être parmi les morts qui errent dans la plaine et qui boivent lesangdes offrandes au Solstice d'hiver, Boeuf, de son vivant, les détestait, maintenant peut-être s'étripent-ils dans le monde des morts. (...)
Mon regard a croisé celui de Sillon. Il ne pouvait plus parler mais son regard parlait pour lui. Peur et tristesse. Lesangcoulait à flot et il savait que c'était fini. Caillou a ouvert la bouche et levé la main, mais c'est Regard Vif qui a parlé en premier : - Allez petit, la justice, jusqu'au bout. (...)
Ce n'est encore qu'un sombre nuage de poussière dans la steppe, rampant à toute vitesse sur l'horizon rougesang, tel un monstre cyclope, dont l'oeil serait une étoile projetant une lumière bleutée. Lasang-dragon et sa suite avancent, mais pas directement vers moi. Ils ne m'ont pas encore vu. Je regarde autour de moi, cherchant un abri dans tout ce vide, j'accélère mon allure malgré l'épuisement et je repère trois buttes de terre médiocres. (...)
Malgré les apparences, les buttes n'ont rien de naturel, ce sont des tertres élevés par les Aïnouks, nomades qui passent dans la région, ils y enterrent leurs morts, des gris-gris, ou d'autres choses, et parfois, tout cela refuse de rester où on les y a laissés. D'après Regard Vif, ce sont eux qui viennent se nourrir dusanglors du Solstice d'Hiver. Approcher de ces buttes est de la folie au mieux, un blasphème au pire, mais je ne veux même pas penser à l'alternative. Je rampe entre les buttes silencieuses tandis que le soleil couchant baigne la steppe desanget d'obscurité, et je me tapis dans un renfoncement tout proche, retient mon souffle, écoute et attend. (...)
Par réflexe je pense à attendre qu'il s'approche pour le tuer en l'étouffant avec les draps, mais une part de moi se sent heureuse, extatique. L'homme me sourit et se tranche d'abord la paume de la main avant la mienne. Jaï récupère lesangdans un bol vide et le vieux me regarde en marmonnant quelques mots. Il rajoute une fiole de je-ne-sais-quoi et fait brûler le tout. (...)
- Hakka dit que vous avez un pacte avec les morts. Vous avez marché sur leurs territoires. - Je n'ai rien de tout ça, dis-je. Je sais que lesangattire et nourrit les morts au Solstice d'hiver, c'est tout. Le temps de faire la traduction et que Hakka réponde, Mahe devient pâle. (...)
Nous le connaissions au village parce que l'on entendait parfois les morts le hurler lors du Solstice d'Hiver, quand quelqu'un refusait de payer le tribut dusang. Je pourrais avoir peur, je devrais avoir peur, mais je me sens presque euphorique. Peut-être ai-je réellement parcouru la terre des morts. (...)
Je sens cette animation intérieure familière qui m'habite dans ces instants, mais elle se développe, elle grandit. Chacun de mes battements de coeur devient assourdissant, monsangbat dans mes veines comme des geysers d'énergie qui viennent alimenter mon corps. Je lutte pour contrôler l'euphorie mêlée de rage qui m'anime. (...)
- Tuez-le, s'il vous plait, dit-il, un éclair de lumière verte jaillissant de son oeil. Les gardes se ruent sur moi. Je les accueille. Je romps des échines, fait couler lesang, défonce des crânes, démembre des corps, arrête des coups d'épée à main nue. Mes gestes sont rapides, puissants, spontanés, mais plus anciens que la nation du vent elle-même. (...)
D'instinct, je libère tout le fleuve d'énergie qui m'anime dans ce geste unique. Le choc est brutal, le Héraut hurle. Sonsangviolet éclot comme une fleur dans un bruit de craquement obscène. Mahe est projetée en arrière par l'onde de choc, le bras du Héraut toujours agrippé à sa gorge, mais plus désormais relié à son épaule. (...)
Ses yeux larmoyants sont grand ouverts lorsqu'elle s'effondre en arrière. Sa bouche ouverte projette une traînée desang. Je tends la main comme pour la retenir. En vain. Je me retourne. M'interpose entre la pluie de flèche et elle. (...)
J'ai déchiré un drap pour l'envelopper et arrêté le saignement, mais mon bras dégouline à travers et le tissu est littéralement imbibé desang. Curieusement, depuis mon combat, ma hanche me fait moins mal. La lumière émanant de moi s'étiole petit à petit, finit par s'éteindre, mais je peux sentir le fleuve d'énergie capter la vie autour de moi, enfler, en un processus lent et inéluctable. (...)
Ils surgissent si vite que j'ai à peine le temps de les entrevoir : Des êtres massifs, couverts d'une fourrure blanche immaculée, les yeux rougesang, leurs bras épais se terminant par des griffes blanches acérées. Ils me bondissent dessus dans un concert de hurlements bestiaux. (...)
Je sens des côtes pareilles à celle d'un ours céder sous la puissance du coup et le monstre est projeté dans les ténèbres illuminées par la lumière émanant de moi. Il s'écrase contre un mur, vomit unsangblanc et retombe face contre terre. Plus que deux. Ils se ramassent, prêt à se jeter sur moi. Grognement de rage, ils semblent ignorer la peur. (...)
Je n'ai pas l'espace pour armer mes coups, néanmoins j'en envoie quelques uns bouler et même si je suis rapidement couvert d'unsangblanc glacé, l'intensité du combat me tient chaud. Ils grognent, hurlent, griffent, mordent et frappent. (...)
», me dis-je tout en brisant un bras blanc, velu et griffu tendu vers moi. Soudain le combat marque un temps d'arrêt. Ils m'entourent. Je suis couvert de leursangblanc et des buttes de leurs cadavres s'élèvent maintenant à ma gauche et à ma droite, mais ils sont toujours là, leurs regards rouges figés dans une extase frénétique permanente. (...)
Un regard et un sourire malicieux, Ceux d'Aube Grise lors de notre première nuit. Je ne peux m'empêcher de sentir lesangme monter au visage en même temps que des souvenirs. Elle quitte les lieux. Je tente de me baigner rapidement. (...)
Je t'avais dit que je sais reconnaître un mensonge, eh bien fie toi à moi ! Je connais les mensonges de la dynastie et de ceux qui ont reçu le don des Dragons. - LesSang-dragon, pourquoi ne t'ont-ils pas tué ? - Parce qu'ils n'ont pas réussi, mon ami, et ce n'est pas faute d'essayer, crois-moi ! (...)
Mes entrailles se glace lorsqu'il s'empale avec un bruit sec et dur sur une stalagmite, laissant une traînée deSang-bleu sur le monceau aiguisé de métal, embrochés sinistrement. Je crois crier « non. » Mes mains tremblent, Lewellyn était fou, je n'avais pas vu à quel point. (...)
Je me sens nauséeux. Je me retourne vers le cadavre empalé, mais il n'est plus là. Il n'y a rien, même plus desang. Je regarde au moins trois fois pour être sûr. - Comment ? Comment... ? - Ha ! J'ai à nouveau ton attention ! (...)
Je sais reconnaître l'odeur du mensonge lorsque j'en entends un, et j'ai reconnu l'odeur des mensonges desSang-dragon, je me suis rendus compte qu'ils ne savaient pas vraiment pourquoi ni comment ils vous avaient vaincus pourquoi vous n'étiez pas revenu, et à ce moment j'ai compris que vous pouviez vous réincarner, que tant que le monde n'était pas brisé, vous reviendriez, et ce n'était qu'une question de temps, vous reviendriez, c'était certain et j'en parlais aux tribus de la folie qui envahissait Création. (...)
- Elle restera là jusqu'à la fin de sa vie, c'est une illusion, mais en même temps, c'est réel. D'ici deux, peut-être trois siècles, ce ne sera plus qu'une vieilleSang-dragon pourrissante. En quelques enjambées, elle parvient de l'autre coté de la salle, et ouvre une porte de glace bleue, encadrée d'une arche de marbre qui donne sur vers les ténèbres. (...)
Sa meute de fauves blancs revient à la charge, la princesse et moi nous défendons, et même mieux que ça, trois fauves s'approchent d'elle, leurs griffes ricochent sur un mur invisible en un bouquet d'étincelles aussi jolies qu'éphémères, puis perdent leurs têtes dans un geyser desangblanc. Je ne vois ni la parade, ni la contre-attaque, seulement lesangblanc dégoutter sur sa lame. Je suis moins subtil, mes poings traversent des gorges, brisent des côtes, arrachent des colonnes vertébrales. (...)
La lame percute la couronne, la brise en une pluie de glace prismatique, la lame continue son trajet et vient trancher l'avant bras de Lewellyn, qui glisse à terre lentement, dans une traînée desangbleu. - Mon bras ! Mon bras ! Répète-t-il, MON BRAS ! Je me dirige vers lui tandis que la Princesse Bleue s'apprête à l'achever. (...)
Mais pas l'obscurité, la lumière émanant de mon aura éclaire un spectacle étrange et sinistre, le corps de dizaines de fauves blancs qui coulent, saignent, ou remontent vers la surface, laissant échapper des coulées desangde leursangblancs ou bleu, étrange. Au loin, j'aperçois un survivant, nageant comme un chien pour s'éloigner d'une aura de lumière d'azur. La Princesse Bleue ! (...)
Il est là, à peine visible entre les deux parois titanesques qui forment la faille, mais il est bien là. Je fais la seule chose à faire. Je m'empare de laSang-dragon, revient vers Aewyll, et entreprend de grimper. Un peu plus haut, je m'arrête, je nous déshabille rapidement, prend lasang-dragon dans mes bras et m'applique à la réchauffer avec ma seule température corporelle et celle de mon aura. Le frottement de sa peau pâle contre la mienne ressemble à une promesse de paradis, mais la morsure électrique de son aura et le souvenir du destin de Boeuf Assoiffé coupent largement mes allants. (...)
- Que vas-tu faire d'elle ? - Je n'en sais rien. Elle a sûrement ses propres projets. - Sans doute. Je me tourne vers lasang-dragon, la nudité n'a pas l'air de plus la gêner que moi. J'apprécie : plus d'une fois, nous avons vus des marchands et des aristocrates en voyage rougir bêtement après avoir aperçu un homme ou une femme nue, et je n'ai pas envie de m'embarrasser de pudeur mal placée. (...)
Seulement mon dernier bond m'a fait me retrouver la tête en bas, à m'agripper avec mes jambes à un bloc de pierre. - Comment pouvez-vous sauter comme ça ? - Tutoie-moi, Nous avons versé lesangensemble, pour l'un comme pour l'autre. Nous ne sommes plus des étrangers. - D'accord. Comment fais-tu pour sauter comme ça ? (...)
- Ils ont régnés sur Création, détruit des choses immenses, plus puissantes que les dieux, on fait des choses incroyables lors du premier âge de l'homme, puis ont été vaincus par les exaltés terrestres, lesSang-dragon. - Le premier âge de l'homme ? Il y avait d'autres créatures, avant ? - Tu t'imagines déjà que le monde t'appartient ? (...)
Savoure l'air frais et la caresse du soleil tandis que la Princesse Bleue jaillit et se pose gracieusement à mes côtés. - Que fais-t-on maintenant ? demande Aewyll. - On s'éloigne d'ici, dis-je. LaSang-dragon hoche la tête lentement, après un regard dans la faille. Aewyll tente de dire quelque chose lorsque je m'éloigne et sors de la zone enneigée, mais trop tard. (...)
Je la saisis par les épaules pour qu'elle évite de tomber et je lui assène le coup suivant, frappe du coude à l'arrière du crâne, comme un coup de marteau. Ses yeux, surpris, se closent tandis que lasang-dragon perd conscience. Je l'allonge doucement à terre, sans quitter Aewyll du regard. Cette dernière a le regard de Brume et le sourire tranquille de la Princesse Bleue. (...)
Le soleil frappe sur son élu comme un sourd et je suis en sueur, harcelé sans cesse par les mouches, à tel point que je doute un instant de ces faveurs. Le ciel vire du bleu au jaune, puis au rougesang. Quelqu'un dans l'OEil Céleste frappe sur une cloche en fer froid qui retentit sur toute la plaine, et les paysans rentrent chez eux tandis que les cieux s'assombrissent une bonne fois pour toute. (...)
J'ai appris il y a longtemps que ce genre de chose nécessite surtout de n'être ni trop lent ni trop rapide, mais surtout de garder sonsang-froid et d'avoir le bon rythme. Je me retrouve un instant sur le chemin de ronde, et glisse lentement dans le village endormi. (...)
Un autre se roule par terre en hurlant comme un fou, étreignant son visage d'où dégouline un flot desang. Par réflexe, je m'approche de lui pour vérifier sa blessure : un long morceau d'acier effilé de l'armature est venu se ficher dans son oeil. A voir comment lesangcoule, je ne lui donne que peu de chance. Sans savoir trop pourquoi, j'essaie quand même et arrache le bout de métal, mal lui en prend. Lesangjaillit brutalement comme un geyser, il hurle une dernière fois et meurt. Je soupire. Dans mon dos, l'étourdi se redresse lentement, tente de s'éclipser, mais on n'est pas très discret lorsqu'on porte une cotte de maille et qu'on rase les murs. (...)
D'autres questions surgissent dans mon esprit comme à chaque coin de couloir, des questions sans réponses que j'étouffe et réprime pour garder l'esprit clair, concentré sur le danger, la tempête d'un genre différent que le Seigneur des Hauts Vents s'apprête à déchaîner sur moi. Une tempête de lames, desanget de fureur. Je peux toujours entendre le vacarme, grondant par-dessus le bruit net de mes pas dans le Trône d'Orage, des cris de guerre dans la langue du nord, dans la langue de la plaine et celle des rivières. (...)
L'un d'eux ouvre la bouche, mais il n'a pas le temps de faire beaucoup plus. Le pouvoir coule dans mes veines et leursangpeu après. J'embrasse le décor d'un regard et j'ai le souffle coupé : je ne suis jamais monté sur un bâtiment d'une telle hauteur. (...)
Mon mouvement s'achève lorsque mon poing happe la mâchoire du dernier et le colle contre un autre pilier où je disloque son crâne, déchaussent ses dents, et déchire sa chair d'un seul geste. Il s'effondre en s'étouffant dans sonsang. J'entends le renâclement d'un aurochs tout prêt de moi, et je vois le taureau ailé se refléter dans les yeux emplis de terreur du dernier garde, juste avant qu'il ne s'enfuie en hurlant. (...)
- Et maintenant.., dis-je. Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, l'instant d'après, l'anima duSang-dragon explose dans une fureur de vent polaire, de cristaux de neige glace et de lumière d'azur. (...)
Ma main s'aventure dans mon dos, et mes doigts rencontrent une dague enfoncée jusqu'à la garde dans mon dos. La sueur froide s'y met à ruisseler avec lesang. Je regarde autour de moi rapidement, l'air bouge tout près de moi. Je lui expédie un pied accompagné d'un torrent de pouvoir. (...)
Il me glisse presque entre les doigts, vif comme un poisson, mais je ne le lâche pas. La rage au ventre, ruisselant desang, je lui grimpe dessus. Ma voix est un grognement de bête. - Pourquoi ? Je frappe, son masque se brise, le sol s'affaisse sous nous. (...)
Il lâche un râle de douleur. Je crois l'entendre dire « stop » ou « arrête. » d'une voix emplie de pouvoir, de douleur et desang. Je l'ignore. Je pleure comme un enfant. - DIS MOI POURQUOI ? Il ne dit rien, il sourit, vaguement. (...)
Mes yeux sont fixés sur le cadavre du Seigneur des Hauts Vents, il n'a plus réellement de tête. Mes yeux se posent sur mes mains, couvertes desangjusqu'aux coudes. Je reprends conscience, je sors lentement de ma léthargie mais je ne suis pas sûr que la même personne habite mon corps. (...)
Je me redresse, saisis la lame par la poignée, la sors dans une explosion de douleur et la jette au loin. Je perçois avec indifférence monsangs'écouler de ma plaie à flot dans mon dos pendant un cours instant. La douleur et le manque desangobscurcissent ma vue et la lumière semble fluctuer, tantôt aveuglante, tantôt infime. Je vacille, me laisse tomber sur un coussin tout proche et j'attends la mort. (...)
» « Pitié, Seigneur du soleil ! » Elle a peur et comment pourrait-il en être autrement ? : Je suis nimbé desanget de lumière, le cadavre d'un demi-dieu à mes pieds. Je tente de la calmer, mais je suis trop heureux de la voir en vie, de voir que je n'ai pas juste répandu la mort tout autour de moi. (...)
- Nous partons, dis-je. Je franchis les portes du harem en titubant, laissant dans mon sillage des flaques desang. De l'autre coté, dans le couloir situé au pied de l'escalier, des soldats m'attendent, armés et nombreux. (...)
Elle ne croise jamais mon regard, je ne lui parle qu'en cas d'absolue nécessité. Nous sommes tous deux couverts de terre. Je guéris, alors que j'aurais du mourir vidé de monsangou rongé par la gangrène ou quelque autre infection, mais aucun de ses maux ne m'atteint, et mes plaies guérissent à une allure qui m'effraie autant que Brume. (...)