Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : tunnel (11)(...) Au moment de m'engouffrer dans ce couloir obscur, je relevai la tête, et j'aperçus une dernière fois, par le champ de l'immense tube, ce ciel de l'Islande « que je ne devais plus jamais revoir. » La lave, à la dernière éruption de 1229, s'était frayé un passage à travers cetunnel. Elle tapissait l'intérieur d'un enduit épais et brillant ; la lumière électrique s'y réfléchissait en centuplant son intensité. (...)
Il y avait là une difficulté. Cependant mon oncle ne voulut paraître hésiter ni devant moi ni devant le guide ; il désigna letunnelde l'est, et bientôt nous y étions enfoncés tous les trois. D'ailleurs toute hésitation devant ce double chemin se serait prolongée indéfiniment, car nul indice ne pouvait déterminer le choix de l'un ou de l'autre ; il fallait s'en remettre absolument au hasard. (...)
Nous suivions un chemin de lave comme la veille. Impossible de reconnaître la nature des terrains qu'il traversait. Letunnel, au lieu de s'enfoncer dans les entrailles du globe, tendait à devenir absolument horizontal. (...)
Ne voulait-il pas convenir, par amour-propre d'oncle et de savant, qu'il s'était trompé en choisissant letunnelde l'est, ou tenait-il à reconnaître ce passage jusqu'à son extrémité ? Il était évident que nous avions quitté la route des laves, et que ce chemin ne pouvait conduire au foyer du Sneffels. (...)
Le marbre, le schiste, le calcaire, les grès des murailles, faisaient place à un revêtement sombre et sans éclat. A un moment où letunneldevenait fort étroit, je m'appuyai sur sa paroi. Quand je retirai ma main, elle était entièrement noire. (...)
Dans cette galerie de l'est, faite de laves, de schistes, de houilles, nous n'avons pas rencontré une seule molécule liquide. Il est possible que nous soyons plus heureux en suivant letunnelde l'ouest. » Je secouai la tête avec un air de profonde incrédulité. « Ecoute-moi jusqu'au bout, reprit le professeur en forçant la voix. (...)
Cependant, au milieu de mon assoupissement, je crus entendre un bruit. L'obscurité se faisait dans letunnel. Je regardai plus attentivement, et il me sembla voir l'Islandais qui disparaissait, la lampe à la main. (...)
Le 7 août, nos descentes successives nous avaient amenés à une profondeur de trente lieues, c'est-à-dire qu'il y avait sur notre tête trente lieues de rocs, d'océan, de continents et de villes. Nous devions être alors à deux cents lieues de l'Islande. Ce jour-là letunnelsuivait un plan peu incliné. Je marchais en avant. Mon oncle portait l'un des deux appareils de Ruhmkorff, et moi l'autre. (...)
Pendant une demi-heure, aucun obstacle n'arrêta mes pas. J'essayais de reconnaître ma route à la forme dutunnel, à la saillie de certaines roches, à la disposition des anfractuosités. Mais aucun signe particulier ne frappait mon esprit, et je reconnus bientôt que cette galerie ne pouvait me ramener à la bifurcation. (...)
La mer venait presque baigner le pied des contre-forts, laissant un passage large d'une toise au plus. Entre deux avancées de roc, on apercevait l'entrée d'untunnelobscur. Là, sur une plaque de granit, apparaissaient deux lettres mystérieuses à demi rongées, les deux initiales du hardi et fantastique voyageur : « A. (...)
» Mon oncle mit son appareil de Ruhmkorff en activité ; le radeau, attaché au rivage, fut laissé seul ; d'ailleurs, l'ouverture de la galerie n'était pas à vingt pas de là, et notre petite troupe, moi en tête, s'y rendit sans retard. L'orifice, à peu près circulaire, présentait un diamètre de cinq pieds environ ; le sombretunnelétait taillé dans le roc vif et soigneusement alésé par les matières éruptives auxquelles il donnait autrefois passage ; sa partie inférieure affleurait le sol, de telle façon que l'on put y pénétrer sans aucune difficulté. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...