De la monnaie et du numéraire
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Du métal et des monnaies. « Le numéraire ne servant ni à la nourriture de l'homme, ni à son entretien, ni à rien de ce qu'il consomme pour son usage, il faut chercher ailleurs la raison de l'importance qu'on lui accorde et de l'intérêt qu'on attache à en posséder la plus grande quantité possible. Nous trouvons bien, dans l'histoire, que quelques peuples ont vécu heureux sans lui, et ont atteint un certain degré de puissance ; mais ces exemples sont excessivement rares, tandis que le nombre des ...Contient : argent (27)(...) [...] Le propre de la monnaie est justement d'intervenir dans toutes les opérations, de faciliter tous les échanges. On a été conduit à utiliser les métaux précieux, l'or et l'argentpour Forge, le Sélénium pour Exil, pour fabriquer les monnaies, pour plusieurs raisons. Ils ont la propriété d'être inoxydables, de ne pas s'user par le Frai (ou frottement), ou du moins de ne s'user que fort peu, d'être divisible à l'infini ; enfin, à fort peu d'exception près, ils ne servent pas à d'autres usages. (...)
Ce sont tous ces services, employés et détruits, toutes ces avances qu'il a fallu faire, qui constituent le prix des métaux précieux, soumis, au reste, comme toutes les autres marchandises aux fluctuations qui résultent de l'abondance ou de la rareté. L'or, l'argentet le sélénium étaient chers, c'est-à-dire qu'avec une petite quantité de ces métaux, on obteniat beaucoup de choses, lorsque l'exploitation des mines, encore mal dirigée, n'en faisait venir que de faibles parties dans la circulation ; ils renchérissaient encore lorsque des lois attachaient quelques périls à leur propriété. (...)
On fit souvent l'erreur, trop de fois répétée, de ne pas les considérer réellement comme des marchandises mais comme des signes quand on en altéra le titre. Lorsqu'au lieu de neuf parties d'argentfin et une partie d'alliage, on mit deux, trois, quatre ou cinq parties d'alliages pour huit, sept, six ou cinq parties d'argent, on eut beau appeler les monnaies, ainsi altérées, du même nom que lorsqu'elles étaient à neuf dixième de fin, le public ne voulut plus les recevoir que pour ce qu'elles contenaient réellement d'argent, et chacun exigea un plus grand nombre de pièces qu'auparavant en échange des mêmes objets. Malgré cette diminution réelle, les gouvernements ne convinrent pas de leurs fautes, et les répétèrent constamment ; ils en commirent encore une autre, ce fut de considérer l'or et l'argentcomme la richesse même, tandis que ces métaux ne sont que des intermédiaires, des instruments de commerce, et qu'ils n'ont pas même une utilité matérielle aussi grande que d'autres métaux, le fer, par exemple, avec lequel on peut faire des outils, tandis qu'ils sont impropres à cet usage. Partant de cette idée fausse, on défendit longtemps l'exportation de l'or et de l'argenthors de l'Empire de Kargarl, sous des peines d'une sévérité draconienne, celle de la mort entre autre ; et on ne vit pas qu'en leur qualité de marchandise, qualité qu'on leur déniait à la vérité, ils pouvaient être expédiés hors du royaume, en paiement d'achats faits à l'étranger, avec plus d'avantage pour l'exporteur comme pour le destinataire, que tout autre marchandise : cas qui se présenta toutes les fois que le change fut avantageux, ou que les produits du pays qui exportait son or, étaient inférieurs, soit par la qualité, soit par le prix, à ceux du pays dans lequel on l'envoyait. L'utilité réelle des métaux précieux consiste, ainsi que je l'ai démontré plus haut, à servir et à faciliter les échanges du commerce auxquels ils sont presqu'aussi nécessaires que les routes, et c'est même chose remarquable que d'observer comme ces grands agents du négoces se sont, à toutes les époques, perfectionnés simultanément. Lorsqu'il n'y a pas de monnaie et que les échanges ont lieu en nature, produit contre produit, il n'y a pas non plus de routes ni de chemin, les transports se font à dos de mulet, de yacks ou de chameaux ; avec les progrès de la civilisation, lorsque les hommes se groupent en société et forment des villes, ils établissent des routes afin de communiquer entre eux, et ils adoptent une monnaie pour faciliter leurs échanges. (...)
Je vous citerai, comme confirmant ce que je vous disais tout à l'heure, relativement au caractère de marchandise qu'on ne peut dénier à l'or, à l'argentet au sélénium, la variation des rapport entre ces trois métaux par suite de l'abondance ou de la rareté de l'un d'eux. L'argentétant pris comme étalon, nous voyons, au cours actuel :Argent: 1 = Or : 14 = Sélénium : 37 Un savant exiléen nous fournit encore d'autres renseignements. Suivant lui, l'or serait 45 fois plus rare que l'argentet le sélénium seulement deux fois plus rare que l'or ; ces chiffres infirmeraient ceux que je viens de vous citer, si je ne plaçais, à côté de ces énormes différences, une explication fort simple. Réellement quarante-cinq fois plus abondant que l'or, l'argenta néanmoins une valeur triple de celle que ce rapport semble lui assigner, parce que son utilité industrielle, beaucoup plus grande que celle de l'or, le fait rechercher pour une foule d'emploi ; or la demande est, vous le savez, l'un des éléments qui concourent à former le prix et à assigner une valeur aux choses. Par ailleurs, le sélénium, seulement deux fois plus rare que l'or dans la nature, a la particularité de ne se trouver que sur notre lune et d'être d'une préciosité élevée hors d'Exil ; les maisons de change et la caisse des dépôts d'Administration veillant jalousement à n'en point laisser de trop grandes quantité en circulation, préférant s'appuyer sur l'or de Forge pour commercer. (...)
Si, des métaux qui forment la matière première des monnaies, nous passons aux monnaies elles-mêmes, nous verrons, en premier lieu, que celles dont on fait usage depuis un temps déjà reculé, sont tout simplement une certaine quantité, un certain poids d'or, d'argentou de sélénium, convenablement mélangé, et dans des proportions déterminées d'une manière rigoureuse avec un autre métal, le cuivre. (...)
Frappés de ce fait, que l'or au lieu de rester dans la circulation et d'y remplir concurremment avec l'argentles fonctions de monnaie, était demeuré, malgré l'empreinte dont il était frappé, une marchandise qui se trouvait seulement dans la boutique des changeurs, qui le vendaient, en raison de la faveur dont ils jouissaient auprès d'une certaine classe de consommateurs tels que les voyageurs exiléens, les militaires, etc. (...)
, dix, douze ou même quinze thalers de plus que sa valeur officielle ; les ministres impériaux ont pensé que cette prime, à laquelle le commerce a donné le nom d'agio, faisait partie de la valeur intrinsèque de l'or, et qu'il n'y avait aucun inconvénient à fabriquer de nouvelles pièces qui ne contiendraient réellement qu'une quantité d'or équivalente à ce que le public consentait à donner d'argenten échange, c'est-à-dire diminuées dans les fait de dix, douze ou quinze thalers par mille. Quelques chiffres feront mieux comprendre le projet en question. (...)
En Sostrie, en ce moment, par exemple, il y a 120 millions en monnaies métallique et peut-être 5 ou 6 milliards en papiers de toutes espèces, qui font concurrence à l'argentcomptant. Parmi les classes qui ont le plus souffert de cette révolution, il faut mettre en premier lieu les rentiers et les employés du gouvernement, dont les salaires sont plus souvent diminués qu'augmentés ; car depuis quinze ans, les ministres du budgets ont visé constamment à diminuer les dépenses publiques. (...)
Autrefois, les opérations de commerce, c'est-à-dire les échanges ne pouvaient se consommer qu'avec de l'argent; les fortes maisons seules pouvaient faire usage du crédit, c'est-à-dire payer avec des lettres de change ; tout le petit commerce et les particuliers traitaient au comptant, et les affaires se trouvaient ainsi limitées par le capital de chaque individu. (...)
Le crédit mieux compris a fait cesser cet état de choses. Aujourd'hui, lorsqu'on achète, on n'a pas besoin d'argent: on prend livraison et s'acquitte avec un billet à échéance plus ou moins éloignée, et avant que celle-ci n'arrive, le négociant a souvent contracté des obligations semblables qui dépassent souvent plusieurs fois son avoir ; mais les ventes s'opérant dans l'intervalle de l'achat à l'échéance, il se trouve en mesure de faire face à ses affaires. Comme il arrive souvent que celui qui doit payer à plus de valeurs en portefeuille que d'argentdans sa caisse, il cherche à négocier ces valeurs. Lorsqu'il n'y a pas de maison de change, ou que les conditions de celles-ci sont trop rigoureuses, ce sont les banquiers qui escomptent les valeurs de porte-feuille, moyennant un intérêt fixe pour le temps à courir, et une commission qui varie de 1/3 à 1 et 2 p. (...)
Aujourd'hui, une maison de change, avec une très petite quantité de numéraire, rend les mêmes services que si elle avait beaucoup d'argent, et c'est ce qu'il me sera facile de vous expliquer. Supposez que nous établissions une banque, en Sostrie par exemple ; supposez que nous sommes cent actionnaires à un million de sequins. (...)
Mais, me dira-t-on, pourquoi donnez-vous un billet en échange d'un effet de commerce que vous avez escompté. Si la personne qui s'est adressée à vous a besoin d'argent, elle viendra se faire rembourser tout de suite. Pas du tout, Messieurs ; cette personne ne recevra point un billet dans un bureau pour aller en toucher le montant dans le bureau voisin, parce que le billet de mille sequin est commode, facile à transporter et à cacher, et qu'on est toujours sûr de l'échanger pour 1000 sequins à cause de la confiance que tout le monde a dans la solvabilité de la banque. (...)
En se basant sur des observations de plusieurs années, et en comptant le nombre des remboursements qui se sont faits terme moyen dans les termes ordinaires, bien que des dépenses puissent varier d'après une foule de circonstances, on a vu qu'on pouvait émettre des billets pour une somme quatre fois plus forte que la provision en espèce et qu'une banque au capital de cent millions pouvait avoir une circulation de quatre cent millions.Mais, dira-t-on, si un beau jour, on venait à demander à cette banque l'échange enargentde 200 millions ? — Il n'y a pas d'exemple d'un événement semblable, je dirai même d'un pareil malheur. (...)
Vous avez vu en effet, qu'en multipliant les capitaux, le crédit avait fait augmenter le prix des choses et diminué les revenus, ainsi que l'intérêt de l'argent, et vous avez pu comprendre comment certaines fonctions autrefois recherchées étaient devenues une charge plutôt qu'un avantage, ce qui avait rejeté un plus grand nombre de bras dans le travail. (...)
Ce billet circule en vingt mains et peut faire vingt paiements ; mais il faut toujours qu'il y ait une valeur réelle, un enjeu, dans ce mouvement de circulation ; soit les marchandises qui ont été vendues à terme contre les billets en question ; soit l'argentqui a pu être avancé contre ces dits billets. Dans les deux cas, les effets du crédit se comprennent fort bien et n'ont rien de magique. (...)
Il suffit pour s'en convaincre de bien pénétrer le caractère essentiel des billets ; ceux émis par les banques aussi bien que ceux souscrits par les simples particuliers, doivent toujours être exigibles à un très court délai près. Quand un établissement public ou un particulier faisant fonction de banque avancent de l'argent, la valeur de ceux-ci doit être représentée en caisse par des effets à échéance très rapprochés ; ils ne peuvent donc verser leurs fonds dans une entreprise d'où ils ne pourraient le retirer promptement : les travaux publics, les constructions de maisons, ne peuvent être ainsi commandités par eux. (...)
Le crédit le plus solide se trouve ainsi ébranlé, et par une erreur qu'il faut déplorer, on a vu quelques fois des négociants ainsi compromis par des voleurs, recourir à des moyens semblables pour se tirer d'embarras ; tirer sur des étrangers, sur leurs commis par exemple, des traites avec lesquelles ils font de l'argent, mais que, si les affaires ne sont pas heureuses, ils ne peuvent pas toujours rembourser à échéance. (...)
La monnaie métallique est une marchandise comme tout autre, qui a l'avantage d'être très divisible, inaltérable à l'air, à l'humidité et au feu. Sauf les usages domestiques ou d'art, l'or, l'argentet le sélénium valent moins que le fer et la houille. Toutefois, si on peut les suppléer par du papier, il est impossible de s'en passer pour les appoints. (...)