JDR : Les rapports entre joueur et personnage. L'idée
d'un simulacresur Petit Peuple
Contient : personnage (65), joueur (36)JDR : Les rapports entrejoueuretpersonnage. L'idée d'un simulacre La Fiction et la Réalité, deux distinctions bien commodes qui permettent de faire la différence entre ce qui existe et ce qui n'existe pas. Au début de nombreux jeux de rôles, on retrouve souvent cet avertissement : « Prenez garde à ne pas confondre Réalité et Fiction. (...)
Par le biais d'une série d'articles sur « petit peuple », je tacherais de vous faire découvrir un tout nouveau type de Jeu de Rôle. Problèmes liés au rapport entre «personnage» et «joueur» Le jeu de rôle met en relation deux entités : le «joueur» et le «personnage». Lejoueur: Vit dans le monde réel et dispose de ses propres aptitudes et connaissances. Il dispose également d'un physique et d'un charisme déterminé. LePersonnage: Vit dans un monde imaginaire et dispose de ses propres aptitudes et connaissances. Il dispose également d'un physique et d'un charisme déterminé. Nous ajoutons une troisième définition. Le simulacre : C'est la projection de la volonté d'unjoueurdans un univers imaginaire. C'est un corps d'emprunt pour un esprit provenant du monde réel. (Les termes de «personnage» et de « simulacre » sont très proches, mais ils doivent être distingués. Nous aurons l'occasion d'étudier cela en détail dans cet article.) D'emblée, il semble que les deux entités «Joueur» et «personnage» soient différentes : Elles ne vivent pas dans le même monde et n'ont donc pas les mêmes propriétés intellectuelles. Ces différences sont le lieu de nombreux problèmes pour le jeu de rôle. Exemples : 1 - Monpersonnageest plus intelligent que moi. Comment puis-je le jouer ? Comment puis-je me mettre à son niveau. 2 - Monpersonnageest plus charismatique que moi. Comment puis-je m'imposer comme il devrait à la table. 3 - Monpersonnageest moins sage que moi. Très vite le naturel revient et mon maître de jeu me dit que je suis trop 'Romaric' (joueur) et pas assez 'Sens' (personnage). 4 - Monpersonnageest muet. Comment puis-je le jouer à une table de jeu de rôle ? Tous ces problèmes ont des origines communes : 1. Ils sont le fruit d'une volonté de « jouer au mieux lepersonnage» dans l'esprit d'un véritable processus d'identification. D'où ces trois maximes : « Il faut penser comme penserait sonpersonnage. » « Il faut agir comme agirait monpersonnage. » « Il faut parler, pendant le jeu, avec le ton dupersonnage. » 2. De la présence de compétences mentales sur les fiches depersonnage. Elles doivent en principe : « numériser le niveau d'étude dupersonnage. » « quantifier le niveau de raisonnement dupersonnage. » « Quantifier le nombre de faits du monde connus. » Il y a peut-être d'autres origines du problème, mais cet article ne visera que ces deux origines. Dupersonnageà la Caricature. Dans le cas de l'origine 1, on constate des problèmes indépassables dus au fait que lepersonnagen'a pas la même expérience que lejoueur. Dans l'idéal, il faudrait avoir au moins l'expérience de sonpersonnage. C'est possible : un bilingue français/anglais peut jouer sans difficulté unpersonnagebilingue français/anglais. Cette possibilité nous a fait penser que nous pouvions jouer unpersonnagedans une partie de jeu de rôle. Cependant, unjoueurne connaissant pas les bases des mathématiques ne pourra pas jouer unpersonnagesachant compter sans difficulté. Le seulpersonnageque nous puissions jouer dans cette perspective de jeu est unpersonnagepour lequel nous avons isolé une partie de nous même. Autrement dit, tous les personnages que nous avons joués jusqu'à aujourd'hui sont des caricatures de nous-mêmes. Nous entendons par « caricature » toutes représentations isolant volontairement un trait de la personnalité d'un individu. Imaginons le cas suivant. Michèle est une française ayant fait des études de droit. (...)
Elle aime la rigueur. Elle joue au jeu de rôle régulièrement. Quand bien même cette joueuse choisirait un archétype depersonnagetotalement différent d'elle-même, un « nain classique » dans un médiéval fantastique par exemple, elle retombera dans les travers qui sont les siens. (...)
Car il est impossible de s'ajouter une expérience longue d'un seul coup, alors qu'il est possible d'occulter certaine de ses connaissances. Autrement dit, si lejoueursait A et B, sonpersonnagene peut pas savoir C. Il ne reste plus aujoueurqu'à choisir entre A ou B car s'il choisit les deux (A et B) alorsjoueursera identique aupersonnage, ce qui est généralement refusé dans le jeu de rôle. Lejoueurdécide donc de faire une caricature et d'isoler A en occultant volontairement B. C'est la seule manière pour lui de ne pas être lui-même, de faire en sorte que lepersonnagene ressemble pas aujoueur. Michèle décide donc de renforcer sa rigueur au point qu'elle en devienne une maniaquerie. Elle tombe dans la caricature d'elle-même. L'immersion est là mais Thorfin est mort, il ne reste plus qu'une caricature de Michèle et, lorsque la joueuse entend parler de droit par exemple, elle fait alors mine de ne rien y comprendre. Une autre image devrait permettre d'éclairer notre propos. Imaginons que les joueurs et les personnages soient des combinaisons de couleurs. Michèle est Bleue et Rouge, autrement dit Violet. Elle ne pourra pas faire unpersonnagevert, totalement différent d'elle-même. Elle ne pourra pas, non plus, faire unpersonnageviolet ; sans quoi elle ne jouera pas de rôle, elle sera elle-même. Elle aura donc le choix de faire soit unpersonnageBleu, soit unpersonnageRouge. Cepersonnagesera la caricature de Michèle puisqu'elle aura grossit un trait, soit le rouge, soit le bleu de sa personnalité. On retrouve cette réalité dans les jeux de rôle. Ces caricatures sont appelées « archétypes ». Il peut s'agir soit depersonnagede film que nous connaissons et qui, en quelque sorte, font partie de nos expériences (ou de nos couleurs. (...)
Si l'on veut faire du jeu de rôle une activité constructive, il est donc nécessaire d'abandonner l'idée d'archétype et tous les jeux de rôle faisant fortune sur cette idée néfaste pour notre épanouissement et notre désir de voyage. La volonté de « bien jouer sonpersonnage» n'est pas directement néfaste ; elle part d'une volonté noble de découvrir quelque chose de nouveau. (...)
On voit donc que l'idée d'une simulation rigoureusement développée mène à l'inverse de ce qu'elle prétend provoquer. Elle semble donc contradictoire. Elle souhaite faire vivre lejoueuret lepersonnagedans un Nouveau Monde et elle ne fait que les caricaturer, l'un comme l'autre. Elle n'est cependant pas directement responsable de cet état de fait ! Le véritable problème est issu de la distinction entrejoueuretpersonnage. Ce n'est pas le « bien jouer » qui pose problème, c'est le terme «personnage» de la proposition « bien jouer sonpersonnage» qui est ici critiquable. Le problème des couleurs et de la caricature nous amène à un autre problème révélé, comme nous allons le voir, par la présence des compétences mentales sur les fiches depersonnage. Les compétences mentales et les problèmes liés. Lepersonnagese distingue, dans le jeu de rôle, dujoueur. Tant que les rôlistes chercheront à jouer des personnages, ils échoueront et seront frustrés. Vous ne pouvez pas plus rentrer dans l'esprit de votre voisin qu'incarner unpersonnagedans un jeu de rôle. De même, dire que vous n'êtes pas votrepersonnagen'a aucun sens. La distinction entrepersonnageetjoueurest telle qu'il est impossible de ne pas tomber sur d'innombrables problèmes. Ces problèmes nous ont été révélés par la présence de compétences mentales sur les fiches depersonnage. La distinctionjoueur/personnagedonne des aberrations dont la première marque est la présence des compétences mentales et linguistiques sur les « fiches depersonnage». Nous attaquons donc ici l'origine 2. La présence de ces compétences a plusieurs conséquences néfastes : « L'autorité d'une autre personne (souvent le maître de jeu) sur l'esprit dupersonnage. Ce qui, finalement bride lejoueur. » « La croyance que lejoueuret lepersonnagen'ont pas le même esprit. » Reprenons l'exemple de Michèle. Elle désire maintenant jouer une physicienne dans un jeu de rôle. Elle décide donc de mettre des points dans la compétence « Physique » sur sa fiche depersonnage. Lorsque la physique sera au centre d'une scène, Michèle ne pourra pas directement simuler des compétences qu'elle n'a pas. Puisque Michèle n'a pas de compétence spéciale en physique, sonpersonnagene pourra pas être joué par Michèle. C'est alors le maître de jeu qui prendra l'autorité sur l'esprit dupersonnage. Michèle devra alors faire un jet de physique, si elle le réussit, le maître de jeu lui révélera des informations liées à la physique. Le maître de jeu formulera l'information de la façon suivante : « tu sais que X et tu crois que Z ». En bref, le maître de jeu prend autorité sur lepersonnage. Lejoueurest souvent cantonné à répéter une information, donnée par le maître de jeu, tandis que tous les autres joueurs autour de la table le savent déjà. C'est le fameux « problème du perroquet » (unjoueurqui répète mot pour mot ce que vient de lui dire son maître de jeu), dont beaucoup de rôlistes se sont moqués pendant les parties de jeu de rôle. Lejoueurse sent nécessairement dépossédé de l'autorité sur sonpersonnage. Si l'on pousse plus loin le raisonnement, en l'exagérant volontairement, on peut même dire que, du point de vue mental, le maître de jeu est le seuljoueur, puisqu'en disant ce que ses joueurs pensent, il pense à leur place ! Les informations révélées de cette manière influenceront jusqu'aux décisions et aux actes des personnages. D'où le fait que les joueurs se sentent souvent enfermés dans un scénario, ils sentent que l'on pense à leur place et qu'ils manquent de liberté. (...)
Voici quelques exemples de problèmes concrets dus à cette autorité du maître de jeu sur l'esprit des personnages. Cette liste permettra d'illustrer le propos. Exemple 1 : Unjoueurconteste l'autorité du maître de jeu : « non ! Je suis désolé Fred... Tu es peut-être maître de jeu, mais je peux te dire que ça ne se passe pas comme ça en physique ! Je le sais bien je suis en maîtrise de physique ! ». Exemple 2 : Unjoueurprend une décision. Le maître de jeu lui dit « non ! techniquement tonpersonnagene peut pas penser comme ça. Il est chinois, pour lui c'est normal. » Exemple 3 : « Tu as raté ton jet ? Bon. Eh bien... tu ne sais pas. » dit le maître de jeu. Mais lejoueur, lui, sait ce que le maître de jeu aurait dit s'il avait réussi son jet. Les compétences mentales sont donc à exclure des fiches depersonnage, puisqu'elles entraînent une baisse de participation dujoueurtandis qu'elles visent l'inverse pour lepersonnage. Si lejoueurcesse de jouer, il n'est plus unjoueuret sonpersonnagen'est plus sonpersonnage. Nous sommes devant un paradoxe. Puisque les maîtres de jeu et les joueurs en ont conscience, ils ont tendance à mettre de côté ces compétences et une autre frustration naît. On entend, donc, souvent les joueurs s'exclamer : « Pourquoi mettrai-je des points dans le « charisme » puisqu'on ne fait jamais de jet dans cette compétence ?! ». On voit donc à l'issu de cette analyse que les compétences mentales doivent être rejetées. En revanche, elles auront permis aux rôlistes de constater quelque chose : la limite entre lejoueuret lepersonnagene peut pas être nette. D'où la notion de « simulacre » que nous défendons et que nous allons dès à présent développer. La distinctionjoueur/personnageremise en cause, vers un nouveau jeu de rôle. L'idée de « simulacre » permet de dépasser ces problèmes. Nous devons maintenant assumer que nos personnages ont notre esprit. (...)
On y perçoit de plus en plus les personnages comme des simulacres. Autrement dit, des corps, issus de la fiction, investis par notre volonté ou notre esprit dejoueur. Les joueurs sont des marionnettistes et les personnages sont des marionnettes. Les joueurs sont, dans les corps des personnages qu'ils incarnent, comme des marins dans leurs navires, pour reprendre l'image de la relation âme/corps dans la philosophie de Descartes. Le but de ces jeux étant de faire voyager lejoueurpour que lui-même en retire du plaisir ou un apprentissage. Imaginer que l'on puisse réduire votre esprit à une somme de particules chimiques et que l'on puisse ensuite l'implanter dans un autre corps, c'est une bonne analogie de ce qui se passe dans le cas du simulacre. On implante, par la fiction, votre esprit dejoueurdans le corps fictif créé pour le jeu. Lorsque vous créez votre fiche depersonnage, vous créez le corps qui vous servira de vaisseau au cours du voyage. La fiche depersonnagedevient un vecteur de volonté vers un monde imaginaire. C'est ainsi que nous dépassons d'un seul coup, tous les problèmes énoncés ci-dessus. (...)La Fiction et la Réalité, deux distinctions bien commodes qui permettent de faire la différence entre ce qui existe et ce qui n'existe pas. Au début de nombreux jeux de rôles, on retrouve souvent cet avertissement : « Prenez garde à ne pas confondre Réalité et Fiction. » Je m'appelle Romaric Briand, ou « Sens », sur les forums de jeu de rôle. Dans « Sens Renaissance », mon jeu de rôle, je ne mets pas en garde mon lecteur. Ce n'est pas un oubli, c'est un choix de ma part. Comment expliquer ce choix ...