Constantinople
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Contient : ville (32)Constantinople Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «villede Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). (...)
On peut même dire que Constantinople, comme l'ancienne Rome, mais d'une autre manière, a créé l'empire dont elle devait devenir la capitale: en déplaçant vers l'est le centre de gravité du vieux monde romain, Constantin assurait à l'Orient grec une cohésion qu'il n'avait jamais connue, mais en même temps rendait inévitable à plus ou moins long terme l'abandon de la pars occidentalis . Une monarchie de tradition romaine dans un cadre grec, tel sera bien l'Empire byzantin. La «villede Constantin» et sa fondation Peu de souverains ont fait l'objet de discussions aussi passionnées que Constantin. (...)
Sans doute, si Constantin, qui avait déjà plusieurs fois changé de résidence pour des raisons stratégiques, a finalement choisi la vieille cité grecque de Byzance en 324, c'est que l'intérêt de sa position lui avait été démontré par la campagne de 322-323 contre Licinius: à condition d'être suffisamment fortifiée, elle pouvait constituer une excellente base pour les opérations militaires sur le bas Danube, qui était alors la frontière la plus vulnérable. D'autre part, si Constantin cherchait unevilleapte à un grand développement économique, située au croisement de plusieurs grandes routes commerciales, plus facile à ravitailler que Rome en blé d'Egypte, en produits manufacturés d'Asie - voire en fonctionnaires (grâce à la proximité des centres intellectuels de l'Orient) -, il ne pouvait trouver mieux que Byzance, admirablement établie sur un promontoire facile à défendre et pourvue du port naturel très sûr qu'était l'estuaire de la Corne d'Or. (...)
Si l'empereur avait simplement voulu créer en Orient une base stratégique inexpugnable, il n'aurait pas conçu pour elle un plan aussi colossal, il n'aurait pas cherché à y attirer en masse de nouveaux habitants - en particulier des membres du Sénat romain - en étendant à son sol les privilèges de l'ancienne Rome, tels que le ius italicum et l'annone, cette dernière attribuée à tout possesseur d'un immeuble nouvellement bâti. Commencée probablement dès la fin de 324, date de la consécration de son sol, laville- trop hâtivement édifiée d'ailleurs, et encore loin d'être terminée - fut inaugurée le 11 mai 330 en une cérémonie païenne et chrétienne à la fois. (...)
Il est à remarquer que, si Constantin y fixa aussitôt sa résidence, il ne lui octroya pas le statut administratif de l'ancienne Rome: elle fut gouvernée par un simple proconsul, qui ne sera remplacé que sous Constance par un préfet de laville, et ses sénateurs n'eurent pas rang de clarissimes. Plus nette encore était l'infériorité de la nouvelle Rome sur le plan religieux: son évêque demeurait suffragant du métropolite d'Héraclée-Périnthos. (...)
La «nouvelle Rome» et ses institutions Quelles que fussent les intentions exactes de son fondateur, Constantinople, siège désormais stable d'un gouvernement de plus en plus centralisé, sanctuaire du culte impérial, ne pouvait tarder à modeler ses institutions sur celles de l'ancienne Rome: ce fut chose faite dès le IVe siècle. Le rôle éminent du préfet de lavilleUn préfet de laville- dont le titre sera hellénisé sous le nom d'« éparque » - apparaît en 359. Comme son collègue de Rome, il a pour charge de rendre effective l'autorité impériale dans le ressort de la capitale, jusqu'à 100 milles au-delà des murs. (...)
En fait, sa puissance est plus grande que celle de l'ancien praefectus urbi : il a sous ses ordres les services de l'annone et des vigiles qui, à Rome, ne dépendaient pas de lui; Justinien a en effet remplacé le préfet des vigiles par un préteur des dèmes qui est subordonné à l'éparque et chef des corps de policiers et de pompiers établis dans chacune des quatorze régions de la capitale (division imitée de l'ancienne Rome). L'annone disparaîtra au VIIe siècle, mais l'éparque restera responsable du ravitaillement de laville. D'autre part, la disparition de la préfecture du prétoire (fin du IXe s.) fait de la juridiction de l'éparque la plus haute de l'Empire: il s'installe au prétoire et préside même, jusqu'au XIe siècle, le tribunal de l'empereur en l'absence de celui-ci. (...)
Mais, à la différence de Rome, Constantinople est un grand centre industriel et commercial, et l'éparque, qui surveille étroitement la qualité de la production, en vient à jouer un rôle économique de plus en plus important. Son rôle politique, en revanche, diminue sous la dynastie militaire des Comnènes, dans unevillede plus en plus envahie par les marchands latins qui échappent à sa juridiction. La fonction, sinon le titre, disparaît en 1204. En principe, l'éparque administre lavilleconjointement avec le Sénat, qu'il préside et représente devant l'empereur, et dont les membres ne relèvent juridiquement que de lui. (...)
La lutte des factions Les dèmes sont à la fois des associations sportives dont les cochers du cirque portent les couleurs (le bleu et le vert), des milices qui participent à la défense de lavillecomme à la construction et à l'entretien des remparts, enfin de véritables partis politiques implantés dans des quartiers différents, et qui représentent des milieux et des intérêts divers: les Bleus sont plutôt dirigés, semble-t-il, par les propriétaires fonciers, les Verts par la bourgeoisie commerçante et industrielle. (...)
La «reine des villes» et ses monuments Chacun connaît la page où Villehardouin décrit l'émerveillement - et la convoitise - des croisés à la vue de lavilleimpériale: «Et sachiez que il n'i ot si hardi cui la chars ne fremist...» Constantinople fut, jusqu'aux Temps modernes, la plus belle réussite de l'urbanisme occidental, pour son malheur, du reste, car sa richesse et sa beauté incomparables attirèrent sur elle l'insatiable cupidité des Latins. La population C'était, en étendue, unevilleénorme. Comme pour toutes les grandes cités antiques, le problème du nombre de ses habitants a suscité de longues et fastidieuses controverses, qui ne pourront sans doute jamais être tranchées. (...)
Sa population, formée du noyau byzantin primitif auquel s'ajoutèrent très rapidement des éléments venus de toutes les régions d'Orient, puis d'Occident, ne semble cependant pas avoir dépassé le demi-million au temps de sa plus grande prospérité. Au XVe siècle, à la veille de la chute de laville, elle était tombée bien au-dessous de 100 000 habitants, mais la superficie de la cité, à l'abri de ses murailles imprenables, n'avait pas diminué: aussi était-elle à demi déserte. (...)
Ce qui restait de ses anciens quartiers formait, dès qu'on s'éloignait du rivage, des îlots épars au milieu des ruines, des jardins, voire des champs labourés. Le site et le plan général de lavilleLe site de lavilleest un vaste promontoire triangulaire qui s'avance vers l'est, et dont le relief assez accusé nécessita de grands travaux de terrassement. Avec un peu de bonne volonté, on pouvait, comme à Rome, y reconnaître sept collines: six vallonnements bordant d'est en ouest la Corne d'Or et une large éminence occupant la partie sud-ouest du plateau . (...)
Il était constitué par deux grandes places: à l'est, l'Augustéon, rectangulaire, autour duquel s'ordonnaient au nord Sainte-Sophie et les bâtiments du Patriarcat, à l'est le palais de la Magnaure, au sud le Grand Palais et l'Hippodrome; plus à l'ouest, le forum de Constantin, dont la forme ovale imitait, disait-on, celle de l'Océan, rassemblait, autour de la Tyché de lavilleet de la statue de son fondateur, les bâtiments du Prétoire et le palais du Sénat. Les deux places étaient reliées par la Régia , large rue à portiques où étaient installées les boutiques des changeurs et des argentiers, ce qui en faisait le principal centre des affaires. (...)
La Régia n'était elle-même que la première section de la Mésè («rue centrale»), artère principale de Constantinople qu'elle traversait d'est en ouest, et le long de laquelle on rencontrait d'autres places importantes, tels le forum Tauri (ou de Théodose) où se faisaient les réceptions des ambassadeurs étrangers, et le forum d'Arcadius. Vers le milieu de laville, la Mésè se divisait en deux branches qui se ramifiaient à leur tour pour atteindre les diverses portes de l'enceinte. (...)
Les monuments Constantinople, capitale politique et religieuse, grand centre commerçant, se distinguait par le nombre de ses palais, de ses édifices administratifs, de ses églises, de ses marchés, de ses ports et de ses maisons de tolérance. On comptait, dans lavillemême, une vingtaine de palais impériaux, qui n'ont d'ailleurs pas tous existé en même temps, et autant dans la banlieue. (...)
Un autre genre de monuments remarquables est constitué par les aqueducs et les citernes indispensables pour alimenter en eau, dans une région pauvre en sources, la population d'une grande cité. L'aqueduc de Valens, qui subsiste et fonctionne encore, traversait toute lavilleparallèlement à la Mésè. Les citernes, couvertes ou non, étaient extrêmement nombreuses et sont en grande partie conservées: la plus connue est celle de Philoxène, dite Bin-bir-direk («mille et une colonnes», en réalité 224), dont la contenance dépasse 40 000 mètres cubes. (...)
); l'église de la Vierge des Blachernes où l'on conservait le palladium de Constantinople, le voile de la Vierge que l'on promenait en procession le long des remparts quand lavilleétait assiégée. Beaucoup d'entre elles avaient leurs fêtes propres, qui attiraient les fidèles des quartiers les plus lointains. (...)
En temps normal, le non-conformisme ne s'accordait guère avec le tempérament byzantin - non qu'il fût moutonnier (Constantinople est par excellence lavilledes émeutes), mais parce que, dans son nationalisme ombrageux, surtout à partir d'Héraclius, il se dénie toute liberté à l'égard de la mission assignée par Dieu à l'Etat romain. (...)
Byzance avait succédé à l'Empire de Dioclétien mais son art fut essentiellement celui de Constantinople,villebrusquement surgie en 330, par la seule volonté de Constantin le Grand, qui lui donna son nom en même temps que le tracé de ses rues, de ses péristyles, de ses églises, de ses places. (...)
Mais Isaac II et Alexis IV ne purent payer l'énorme salaire qui leur était demandé, et la population se rebella contre la présence des Latins. Le 13 avril 1204, les croisés forçaient lavilleet la soumettaient à un épouvantable pillage: de mémoire d'homme, on n'avait jamais fait un si riche butin. (...)
Le 15 août 1261, Michel VIII était couronné dans Sainte-Sophie par le patriarche. Mais entre-temps, croyant à tort que lavilleétait difficile à emporter, il avait concédé aux Génois, en échange du concours de leur flotte qui lui semblait indispensable, les mêmes privilèges commerciaux que Venise avait jadis possédés dans l'Empire. (...)
Bien au contraire, elles occasionnèrent de graves troubles sociaux, surtout à Thessalonique, secondevillede l'Empire, qu'ensanglanta au milieu du XIVe siècle la révolte populaire des zélotes. Jean Cantacuzène : Andronic II, qui avait recueilli le lourd héritage de Michel VIII, passa tout son long règne à se débattre contre ces difficultés. (...)
Le dernier empereur grec, ancien despote de Morée, Constantin XI, ne pouvait espérer aucun secours de l'Occident, en dehors d'un petit contingent génois; il choisit cependant de résister à la formidable armée turque, vingt fois plus nombreuse que ses troupes. Après une défense désespérée qui dura sept semaines, lavillefut prise grâce à l'artillerie de Mahomet II, et Constantin, ne voulant pas survivre à l'Empire, se fit tuer dans la mêlée. (...)
Au XIIIe siècle, marqué par l'occupation latine de Constantinople, certaines régions d'Asie Mineure semblent relativement prospères (empires de Nicée et de Trébizonde). Aux XIVe-XVe siècles, lavillede Mistra , construite sous la protection de la forteresse de Villehardouin, offre un dernier exemple devillebyzantine avec son kastro, savillemoyenne et ses faubourgs. Dans ces gros bourgs qui se développent de manière anarchique, par quartiers, autour d'églises près desquelles les morts sont désormais admis, s'installe un habitat où la pauvreté du matériau le dispute à l'irrégularité des plans. Des maisons ont été mises au jour à Thèbes et à Athènes ; certaines présentent encore une cour médiane autour de laquelle s'articulent des pièces indifférenciées. (...)
Certes, la capitale et les grands centres offraient, d'après les sources, des bâtiments prestigieux (constructions des empereurs iconoclastes au Grand Palais ; aménagement du Palais des Blachernes; palais de fantaisie décrit dans l'épopée de Digenis Akritas). Le palais de Tekfur Saray à Constantinople, ceux de Bryas (dans l'actuellevillede Maltepe dans le golfe d'Izmit), de Trébizonde et de Nymphaion (près d'Izmir) sont peut-être à rapprocher, par leurs corps de logis allongés, du palais des Despotes à Mistra. Cetteville(et, à un moindre titre, Geraki) offre un habitat bien étudié. Les maisons, souvent perpendiculaires à la pente, sont toutes pourvues d'un étage et le rez-de-chaussée est enterré du côté de la montagne. (...)Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables ...