Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : feu (21)(...) Ces histoires, je les transmettrai le jour venu à mon fils, lorsqu'il apercevra dans le regard d'une femme le mêmefeuque j'ai perçu dans celui de la mienne. Ma femme, Aube Grise, est une petite créature au regard gris, dont la flamme est trop souvent éteinte par la fatigue, ses cheveux sombres grisonnent prématurément sous le poids de la fatigue et des ans. (...)
Je prends une inspiration et soudain Brin lâche un cri de surprise lorsque la charrue se soulève et sort du bourbier. Mes épaules sont enfeu, mes articulations sont sur le point de se disloquer. La douleur est un loup enragé qui hurle dans mon esprit. (...)
Moi, je me laisse choir dans la boue, le bruit de ma respiration couvrant celle du boeuf. Je regarde la charrue au bord du champ. Mes doigts sont enfeu, j'ai l'impression d'avoir été écartelé. Le monde vacille autour de moi comme un équilibriste et menace de tomber dans un grand puits sombre où il m'entraînera. (...)
Parfois, l'une d'entre elle parvient à passer au travers et retombe sourdement par terre, ou dans un petit éclat lorsqu'elle atteint lefeuqui nous enfume et nous réchauffe. En dehors du raclement des cuillères en bois, des bruits de mastication, ce sont pratiquement les seuls bruits qui se font entendre dans la hutte. (...)
Son regard à la couleur de matin d'hiver, calme et grave, me fixe. - Tu escorte Brume et le tribut demain ? Je jette un regard sur lefeumourant. Dernière source de lumière, sauf lorsqu'un éclair illumine le monde l'espace d'un instant. (...)
Comme toujours, à cette période de l'année, la nuit tombe tardivement. Lorsque le ciel vire au jaune, nous montons rapidement le camp autour du chariot. Boeuf allume unfeu. Pigeon s'occupe des chevaux. Je fais descendre Brume du chariot. Je plante le bâton de fer qui est censé nous protéger des mauvais esprits et du Beau Peuple. (...)
Ils sont la mort, sous une forme ou une autre, mais tu en sais beaucoup pour un humble paysan, Pigeon Fou. » C'est Brume. Nous nous retournons vers elle. Elle ne nous rend pas notre regard, elle observe lefeu, et soudain je me souviens qu'elle est la fille de Regard Vif, le Shaman de notre village, notre médiateur entre les dieux et nous. (...)
Je hoche la tête, nous n'avons rien à perdre. - D'accord ! dit-il. - Bien, il faut faire fondre la glace, réactivez lefeuet suspendez-le au-dessus ! - On va le cuire ! S'écrie Pigeon Fou ! - Oui, c'est un peu ça ! - Mais. (...)
Brume m'observe un instant, et elle me semble moins assurée que je ne le suis en réalité. Nous exécutons ses ordres. Boeuf revient nous aider. Nous suspendons OEil Vert au-dessus dufeuet faisons fondre l'étrange glace qui l'enveloppe tandis que Pigeon Fou et Brume soignent ses plaies autant qu'ils peuvent. (...)
Le soir, je prends le premier tour de garde avec Rude. Il finit par prendre la parole en regardant lefeugrésiller. - Un bras et une jambe.., dit-il. Je l'encourage à parler, histoire qu'il dise ce qu'il a sur le coeur et ne le remâche pas sans cesse, jusqu'à ce que ça le pousse à faire une bêtise. (...)
Je reste éveillé mais ne bouge pas, la nuit, les bruits portent plus loin et les hommes de la Princesse Bleue restent sur leurs gardes. J'écoute leurs discussions, leurfeucraquer et sent l'odeur de la nourriture envahir le site comme une présence invisible et séductrice. (...)
J'ai une chance de le prendre par surprise, en tout cas j'entretiens cette illusion jusqu'au moment où j'aperçois sa silhouette, projetée par la lumière dufeu, une silhouette de femme. La silhouette de la Princesse Bleue. Je serre les dents. Elle passe devant moi, silencieuse, revêtue de son armure, l'épée dans son fourreau. (...)
Le pilier s'étire et bouge tel un serpent, les bêtes blanches s'écartent sans un mot, tandis qu'il m'entoure de ses anneaux, évitant de me toucher soigneusement. Le regard interrogateur de Lewellyn est unfeufroid et intense. Un mensonge me monte à la bouche : - Je m'appelle Soleil Bleu. Il sourit. La lumière de son regard s'intensifie. (...)
Un des mastiffs qui est mort dans le champ et dont j'ai emporté le cadavre. Sa viande est fraîche et je n'ai pas de sel pour la conserver. Je fais dufeuavec ce que je trouve, pas grandchose, en fait, mais la viande n‘est pas mauvaise. Je n'ai pas l'habitude de manger ce genre d'animal mais ce n'est pas la première fois, dans la plaine du vent, n'importe quel paysan doit savoir survivre (en usant) de tels expédients. (...)
Il comprend intuitivement mes pensées et sourit avant de fermer la porte. Mon armure de pouvoir me protège des impacts mais pas forcément de l'étouffement, et si lefeune vient pas à bout de moi, la chaleur et l'asphyxie termineront peut-être le boulot. De l'autre côté de la pièce, l'autre porte s'ouvre et on jette des torches et des clameurs résonnent avec une ferveur enragée presque religieuse. « Brûle ! » L'huile prendfeuà la vitesse de l'éclair, et je me retrouve suant, étouffant au milieu des flammes. Je suis tant recouvert d'huile que je me transforme en torche, et si lefeurougit à peine ma peau, sa morsure est douloureuse, brûlante et sans fin. Je tousse, je brûle, je crie de rage et de douleur, mon pouvoir se retourne contre moi, transforme cet instant en une agonie sans fin, et j'en suis à me demander ce qui me tuera le premier, lefeuou le manque d'air, lorsque je m'aperçois que l'huile, à force de se consumer, perd de sa capacité de glissement. Sans réfléchir, je me redresse et bondit à une vitesse démentielle vers la porte du fond libérant tout le pouvoir possible dans une explosion de lumière humiliant celle de mon petit enfer personnel. (...)
L'un d'eux se tenait directement derrière la porte, l'oreille collée au bois, à l'affût, ses restes sanglants arrosent ses camarades, les autres sont projetés par l'onde de choc au sol. Je me roule par terre à l'atterrissage, me débarrasse précipitamment de mes loques enfeu, faisant vaguement attention aux gardes qui se redressent et s'enfuient, certains en hurlant. Seul l'un d'entre eux tente de me tuer à coup de hache. (...)
Ses dagues virevoltent comme un essaim meurtrier autour de moi, passe à travers les espaces des portes, m'attaquent des quatre directions à la fois. Luimême apparaît et disparaît comme unfeufollet dans au coeur de la nuit. En plein milieu du combat, une escouade de gardes surgit pour m'assaillir, comme une meute de chien de chasse pour la curée, convaincus de pouvoir avoir ma peau. (...)
Je ne veux pas mourir ! - Ah non ? Ma femme et mon fils non plus, Boeuf a grillé comme une sardine sur lefeu, il a choisis son destin pour me sauver, moi et ceux du village. Toi, tu as vu ton destin, hein ? (...)