Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : gardes (36)(...) Elle pose un regard distrait sur nous et nous dégringolons de montures pour nous jeter à ces pieds et mettre le front à terre. J'entends les pas métalliques desgardesqui s'approchent. La voix caverneuse de l'un d'eux retentit. - Le tribut ? La voix de Pigeon retentit lorsque je l'entends se redresser. (...)
Furtivement, je croise le regard de la princesse et celui de Pigeon et une vieille sensation s'empare de mes tripes, et les attache comme un noeud coulant autour de mon esprit. Je dois me battre pour ne pas hurler, m'enfuir ou me jeter sur lesgardesen rugissant. A mes pieds, je contemple distraitement une flaque d'urine entre les genoux de Rude, et Boeuf, ce pauvre fou, semble ressentir lui aussi le problème car il serre nerveusement dans un de ces poings posé par terre un bout de roche. (...)
- L'estropié est en bonus ? Le ton est railleur. Je fais non de la tête. Il rit. - Relève-toi ! Dit l'un desgardes. L'un desgardesémet un sifflement approbateur. Un autre ricane. La Princesse Bleue reste silencieuse, mais quand elle s'approche de Brume, tout se fait silencieux. Elle saisit Brume par le menton, de deux de ces doigts blanc, minces et fuselés, doux et fermes. Elle se tourne vers un desgardeset lui fait signe. Il empoigne Brume et l'emmène dans la lumière blanche et aveuglante de l'entrée et y disparaissent. (...)
- Est-ce que ça change vraiment de l'habitude ? - La ferme, Ciel Noir ! C'est Boeuf. Je sens le regard d'un desgardespeser sur moi et je me tais et réprime l'envie de pleurer de rage et essaie de penser à Brin et Aube. (...)
Pigeon écarquille les yeux de stupéfaction. - Non... nous... le village... le Seigneur nous renie ! Lesgardess'avancent vers nous pour nous mettre à mort. Tout va très vite. Rude hurle pardon et se met à genou : Le garde lui tranche le cou. (...)
Je me redresse, regarde le ciel bleu et infini, laisse le vent courir sur mon visage. Quelque chose s'agite en moi. L'un desgardess'approche, puis un autre. Une rage froide s'empare de moi. Ils tentent de me prendre en tenaille en apparaissant chacun d'un coté, mais ils sont mal coordonnés. (...)
Boeuf sanglote comme un gosse, il brûle alors même qu'il reste accroché à la source de sa douleur. Lesgardesse ressaisissent. Cinq flèches viennent empaler Boeuf depuis les remparts. Un autre lui plante le tranchant de sa hallebarde dans la colonne vertébrale. (...)
La faim et la soif tordent mon corps comme dans un étau. Je repense aux autres, à Boeuf surtout. Parfois je souris lorsque je repense auxgardes. Ils croyaient que nous nous laisserions égorger comme des porcs, et ils en ont eut pour leur argent. (...)
Maintenant je les entends si bien que je peux évaluer leurs nombres, cinq, peut-être six chevaux et autant de cavalier, lorsqu'ils s'arrêtent, j'entends le cliquetis de leurs armures de maille. Une voix féminine, claire et dure aboie un ordre bref. La Princesse Bleue. A son ordre, lesgardesdescendent de cheval comme un seul homme. Ils sont proches à présent, de l'autre coté de la butte. (...)
Je reste éveillé mais ne bouge pas, la nuit, les bruits portent plus loin et les hommes de la Princesse Bleue restent sur leursgardes. J'écoute leurs discussions, leur feu craquer et sent l'odeur de la nourriture envahir le site comme une présence invisible et séductrice. (...)
J'ai menti, j'ai tué, et malgré tout cela j'ai tout perdu. J'en ai assez. C'est fini. Je ferme les yeux. Dehors, lesgardesdu Héraut s'approchent. Je me lève pour venir à leur rencontre. J'oublie que je n'ai pas d'arme. (...)
Je lutte pour contrôler l'euphorie mêlée de rage qui m'anime. J'ouvre la bâche. Des gens fuient, des gens meurent, des gens combattent. Deuxgardesdu Héraut, en cotte de maille, armé de Hallebarde, m'observent une fraction de seconde. Une étoile filante traverse leurs regards lorsqu'ils me reconnaissent et lèvent leurs armes. (...)
Il ne semble pas connaître d'autre ton que celui du parfait détachement. - Tuez-le, s'il vous plait, dit-il, un éclair de lumière verte jaillissant de son oeil. Lesgardesse ruent sur moi. Je les accueille. Je romps des échines, fait couler le sang, défonce des crânes, démembre des corps, arrête des coups d'épée à main nue. (...)
Autour de moi, quelques yourtes brûlent et quelques Aïnouks m'observent avec plus d'inquiétude dans leurs regards que les incendies, lesgardesmorts, ou le Héraut lui-même. Je me tourne vers Mahe, lui tend la main. Ses yeux éblouis s'écarquillent encore. (...)
Je mets à profit cet instant pour agripper le fleuve de pouvoir qui orbite autour de moi, me laisser emmener par lui pour retrouver les gestes anciens et implacables qui ont tué legardesdu Seigneur des Hauts Vents et le Héraut. Ils sont là. Ils semblent m'attendre, plus mortels que les deux créatures devant moi. (...)
Il y a un petit rocher près du sommet de la colline, je m'y glisse et j'attends tout en espérant qu'ils n'ont rien changés à leurs mauvaises habitudes. Manifestement non. J'entends les sont produits par une paire degardes, des voix d'hommes, discutant de semailles, de femmes et de bêtes, des conversation de paysans qui viennent, et surtout s'en vont. (...)
Signe de richesses, quelques serrures en fer sont installées sur plusieurs portes, mais la plupart de ces dernières restent de simples planches de bois tendues en travers de l'encadrement. Je repère un garde-manger, et dès que lesgardess'éloignent, je m'y rends furtivement. Un nouveau coup d'oeil à la ronde m'indique que tout est sûr. (...)
Il n'y a qu'une seule personne qui peut se la permettre. Le Maître des Hauts Vents sait que je suis toujours en vie. Probablement l'un desgardesaccompagnant le Héraut est-il parvenu à survivre à la colère des Aïnouks et à revenir jusqu'au Trône d'Orage. (...)
Je cours sur le toit, saute à nouveau au milieu des cris, et j'atteins le chemin de ronde lorsque l'un desgardesme décoche une flèche de son arc court, j'esquive le projectile en baissant simplement la tête, plus par réflexe qu'autre chose, oubliant bêtement le pouvoir. (...)
Les flèches sifflent dans ma direction, j'évite la plupart d'entre elle, les autres ricochent ou me manquent. Une demi-douzaine degardesdans la cour trouve le courage de se ruer sur moi, hurlant, hallebardes en avant, épées au clair. (...)
Je pourrais être impitoyable, lui briser la nuque sans même y penser, mais le visage de Brin d'Herbe se superpose au sien, et j'entends l'arrivée bruyante desGardesTonnerres, annoncés par les cliquetis fébriles de leurs armures et de leurs armes, le bruit des gouttes d'eau qui font résonner leurs heaumes comme des cloches et le martèlement de leur pas qui résonne dans la cour. (...)
Derrière la porte de l'autre côté de la cuisine, j'entends quelques rires nerveux. Dans l'encadrement de celle derrière moi, je vois trois silhouettes apparaître, armées d'arcs. Desgardes, deux jeunes et un vieux, aux regards terrifiés et haineux. - Retourne en enfer, saleté ! dit le vieux. (...)
Je me redresse une fraction de seconde, juste à temps pour bloquer deux flèches d'un coup de poing, l'un desgardesest trop nerveux et tire à côté. Ils réarment en un éclair, mais le temps de ce faire, je ranime l'armure de pouvoir. (...)
C'est une porte de bois en chêne, épaisse de dix bon centimètre et renforcée d'une armature métallique : lorsque je libère le pouvoir à l'impact, elle explose comme du verre, projetant un millier d'échardes de bois et d'acier sur lesgardesqui attendent ma mort dans le couloir. L'un d'eux se tenait directement derrière la porte, l'oreille collée au bois, à l'affût, ses restes sanglants arrosent ses camarades, les autres sont projetés par l'onde de choc au sol. (...)
Je me roule par terre à l'atterrissage, me débarrasse précipitamment de mes loques en feu, faisant vaguement attention auxgardesqui se redressent et s'enfuient, certains en hurlant. Seul l'un d'entre eux tente de me tuer à coup de hache. (...)
Des ordres sont aboyés par dessus le vacarme des armes et des armures que l'on prépare, des portes claquent avec rage et précipitation, d'autres pas résonnent, couvrant le bruit du déluge qui tombe sur le trône, et tout cela converge vers moi. Aucun desgardesmortels ne peut m'arrêter, ils ont déjà essayé. Peut-être un nouveau piège peut-t-il réussir, mais rien n'est moins sûr, il leur faudra du temps pour le préparer, et je suis déjà dans l'enceinte principale. (...)
Mon regard parcours le croisement baigné de lumière devant moi : luxe, jade et le pouvoir, invisible, saturant les lieux, mais enfermé dans le jade, aussi inaccessible pour moi que le soleil et la lune. J'entends le grondement desgardesqui s'approchent dans le couloir, se dirigent vers moi. Je lève la tête et je le vois. A travers la grande baie vitrée qui orne le plafond, au centre du croisement, la lumière du soleil, pâle, filtrée à travers les nuages gris et lourd s'amassant au-dessus de la forteresse. (...)
Je passe et referme la baie. Je me retrouve sur l'allée extérieure de l'aile du donjon central. Deuxgardesahuris, en haubert et armés de haches m'observent avec de grands yeux. L'un d'eux ouvre la bouche, mais il n'a pas le temps de faire beaucoup plus. (...)
Je ne prends pas la porte de la terrasse, certainement gardée Je saute sur le mur du bâtiment principal, m'accroche du bout des doigts de toutes mes forces, et je commence à grimper tel un insecte vers le temple du dragon situé au sommet. Je suis encore nimbé de lumière, aucune surprise ne m'étreint lorsque les cris desgardess'échappent dans les airs, tentant de couvrir le bruit du vent, le bruit du glas qui résonne toujours. (...)
La surprise joue, mais pas autant que j'espérais. J'atterris dans la salle dans une pluie de lumière solaire et de flocons de verre scintillant. Lesgardesrestent interdits. Je me réceptionne, un genou à terre. Je jure dans ma barbe, j'aurais voulu l'attaquer de suite au lieu de lui laisser le temps de se remettre de sa surprise. (...)
Je retombe sur le sol en avant, tel un animal, des étincelles parcourant encore mon corps, et je retrouve tout l'arsenal de gestes meurtriers renfermés par le pouvoir. C'est une bonne chose. Lesgardesse remettent de leurs surprises. Ils forment un mur d'acier et de chair entre lui et moi. L'un desgardescrie un ordre en langue du nord, je le repère par réflexe et le met soudainement en tête de liste des gens à tuer. Le Seigneur des Hauts Vents ne profère pas un mot, à peine pose-t-il ses mains sur les épaules de deux de ces hommes. (...)
Le rire du Seigneur des Hauts Vents est une chose claire et froide comme un matin d'hiver, il retentit triomphalement. Je rugis et le pouvoir avec moi dans une explosion de lumière. Je fonds sur le chef desgardes, mon coude rencontre une glotte qui se brise dans un bruit sec et étranglé. Je déploie le bras et mon poing vient percuter le garde suivant. (...)
Luimême apparaît et disparaît comme un feu follet dans au coeur de la nuit. En plein milieu du combat, une escouade degardessurgit pour m'assaillir, comme une meute de chien de chasse pour la curée, convaincus de pouvoir avoir ma peau. (...)