Pilule bleue ou pilule rouge ?
sur Au Coeur du Rôle
Où l'auteur nous parle de ce qui constitue vraiment le jeu de rôle, et où il se demande pourquoi cela nous échappe si souvent. Accepterez-vous d'entrer pleinement dans un nouveau monde en prenant la pilule rouge, ou vous acrrocherez-vous au monde qui est le vôtre avec la pilule bleue ? Je ne joue pas aux jeux de rôle pour participer à une séance de conte collectif ; je ne joue pas aux jeux de rôle pour simuler un monde vraisemblable ; je ne joue pas aux jeux de rôle pour mettre en ?uvre mes compétences ...Contient : joueurs (24)(...) Le fossé entre le jeu de rôle tel que je le conçois et ce qui se passe dans la plupart des groupes dejoueursest devenu si large que trouver un groupe dans lequel je me sente à l'aise est devenu une tâche quasiment impossible. (...)
Beaucoup (la plupart) des parties auxquelles j'ai participé ces deux dernières années ne m'ont pas permis d'entrer dans cet état de rêve. Lors de certaines d'entre elles, le meneur de jeu et les autresjoueursont activement fait en sorte (inconsciemment, je suppose) de m'empêcher d'entrer dans cet état. (...)
Concentrez-vous sur le fait que vous êtes en train de 'jouer des chevaliers en armure', et l'ensemble de l'histoire et de l'économie médiévale, le corpus entier de la littérature arthurienne, les espoirs et les désirs de vosjoueurs, et les grands événements du monde réel, pourront pointer le bout de leur nez et se joindre à la partie. (...)
La différence (car ils combattent assurément dans le bon camp) pourrait ne pas être si pertinente si seize intercepteurs TIE vous envoyaient des torpilles à protons aux fesses. Ce que lesjoueursde Star Wars veulent éprouver avant tout, c'est l'aventure que l'on trouve dans les films. Dans ce cas, nous sommes, c'est vrai, en train de créer une fiction, et non une simulation : nous avons affaire avec non pas la réalité, mais avec l'impression de réalité, et même avec l'impression de réalité fictive. (...)
Quelle que soit cette réalité, nous devrions avoir la possibilité d'être absorbé par elle : l'accepter comme réelle, et désirer y passer un peu de temps. Cette idée a peut-être eu un peu mauvaise réputation parce que de mauvaisjoueurs(allant des irréfléchis aux dérangés mentaux) ont utilisé des doctrines similaires pour gâcher le plaisir d'autresjoueurs. Dans le cas le plus inoffensif, vous trouvez desjoueursqui proclament que leurs PJ ne prendront pas part à une quête, un scénario ou une mission particulière parce que ce n'est pas le genre de chose que leur personnage ferait. Dans le cas le plus insidieux, un joueur annonce que son PJ va tuer les autres membres du groupe parce qu'il a écrit 'Chaotique Mauvais' ou 'Berserker' sur sa feuille de personnage, ou parce qu'il est musulman et qu'eux sont chrétiens. Dans le cas le plus stupide, un groupe dejoueursdécide qu'il va faire quelque chose de complètement différent de ce que le meneur de jeu ou le scénario attend d'eux : un groupe d'investigateurs de l'Appel de Cthulhu s'enfuit de la maison hantée pour aller pique-niquer ; une équipe de Star Wars déserte et rejoint un cirque itinérant (ce dernier exemple peut parfois produire une partie intéressante). Dans la pratique, tous les bonsjoueurss'engagent à faire un peu de 'double pensée' : bien qu'ils soient absorbés par leur personnage, ils exercent une censure, à un moindre degré, sur leur comportement, et n'accomplissent pas d'actions qui détruiraient la partie. (...)
Il est absolument inutile de faire des choses qui détruisent l'illusion dans le but de maintenir celle-ci ! On a correctement décrit cela comme un contrat tacite entre le meneur de jeu et lesjoueurs. Si un groupe s'est assemblé pour jouer à Star Wars, alors cela implique que le groupe promette tacitement de jouer à la manière de Star Wars. (...)
Il y a beaucoup de choses qui peuvent détruire une partie, qui peuvent empêcher l'absorption. Les meneurs de jeu qui essaient d'imposer une histoire auxjoueurs, de telle sorte que leurs personnages arrêtent d'être des personnes pour devenir des marionnettes. Il y a des meneurs de jeu, d'un autre côté, qui ne donnent rien à faire à leursjoueurs, ce qui fait que ces derniers s'ennuient et sortent de leur personnage. Il y a des meneurs de jeu qui interrompent lesjoueursdès qu'une conversation commence ; il y en a qui s'assoient en écoutant lesjoueurscomme des psychanalystes freudiens, et qui ne contribuent pas du tout au dialogue. Il y a des meneurs de jeu dont les mondes sont tellement inconsistants et mal décrits qu'il est impossible d'y croire. Il y a des jeux qui nécessitent l'utilisation de règles qui réduisent chaque combat (dans les cas extrêmes, chaque négociation) en jeu de plateau, et souvent, même, en jeu de plateau plutôt ennuyeux. Il y a desjoueursqui brisent les contrats tacites ; des meneurs de jeu qui considèrent la partie comme une opportunité d'étaler leur répertoire de voix idiotes ; des meneurs de jeu qui attirent l'attention sur la grande intelligence de leur intrigue, et desjoueursqui attirent l'attention sur sa stupidité. Il y a des systèmes de jeu qui s'opposent aux types de personnages ou d'actions que vous voulez pour votre partie. (...)
Quoi qu'il en soit, ce sont tous là divers aspects d'un même problème, et d'un seul : le manque de concentration ; le manque d'acceptation. J'ai perdu le compte du nombre de fois où le comportement desjoueurseux-mêmes ? des êtres humains autrement sains et rationnels ? a frustré et détruit le plaisir que je prenais à jouer. (...)
Les parties où la voix du meneur de jeu est étouffée, métaphoriquement et littéralement, par le bavardage hors-jeu. Les parties où le monde de jeu est continuellement brisé par lesjoueurs. J'ai joué dans des parties où chaque petit échange entre un joueur et le meneur de jeu était interrompu de façon frivole par un autre joueur ; où une remarque formulée dans la peau du personnage était parodiée par une remarque (d'un manque d'humour atterrant) hors-jeu ; où seulement deux répliques consécutives d'une conversation entre personnages étaient échangées durant toute la soirée ; où chaque scène dramatique était commentée avec ironie ; et, une fois, où le meneur de jeu a passé la séance entière à nous répéter le gâchis que faisaient les PJ de 'son' scénario. (...)
J'ai vu des Chevaliers Jedi à Star Wars se faire impitoyablement parodier, juste parce qu'ils étaient des Chevaliers Jedi. J'ai vu desjoueursse faire sermonner parce qu'il jouaient des personnages 'irritants' là où l'humour devait venir des personnages les trouvant irritants ; j'ai vu des adultes s'abaisser à la scatologie et aux sous-entendus. (...)
J'ai participé à des parties où il était impossible, à aucun moment, de faire la distinction entre les voix desjoueurset celles de leurs personnages ; où les personnages-joueursse réjouissaient de la mort d'un de leurs camarades. Je ne sais pas ce qui se passe dans de tels groupes. (...)
Peut-être le but du jeu de rôle est-il de leur fournir le droit d'agir ainsi, comme pour un carnaval ou une soirée de club de rugby. Je sais que la prédominance de ce type dejoueursm'a éloigné de parties régulières de jeu de rôle pour une grande partie de ces deux dernières années. (...)
Je le crois si fort que je pourrais en faire une règle de base, à coller sur un panneau, à faire signer à tous mesjoueursavant de les faire jouer, et à faire signer au meneur de jeu avant que je ne joue avec lui. CONCENTRATION + ACCEPTATION = ABSORPTION ABSORPTION = JEU DE ROLE Concentration signifie simplement jouer un rôle : se laisser prendre par le monde, se concentrer sur le personnage, sans parodier les scènes sérieuses ou parler à propos de Babylon 5 à chaque fois qu'il y a un moment de creux. L'acceptation est à la fois plus simple et plus difficile. Cela signifie que lesjoueursdoivent approcher le jeu dans un esprit non critique : ils doivent respecter la réalité basique des autres PJ et du monde. (...)