Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : temps (17)(...) Les sostriens, au contraire, bâtissent en brique et seulement pour quarante ans ; ils prévoient que dans ce laps detemps, il faudra ajouter ou retrancher, peut-être même tout refaire ; ils comprennent très bien que l'on s'appauvrit en faisant des avances trop considérables et c'est appauvrir la nation que de bâtir pour la postérité. (...)
Le rôle que le capital ou le crédit qui le représente joue dans la production est si important que rien ne pourrait se faire sans lui ; c'est ainsi par exemple, que l'on remarque souvent, dans nos pays, un grand nombre de bras inoccupés, en mêmetempsque des travaux considérables et fort utiles restent inexécutés. Dès que les capitaux existent et sont disposés à entreprendre un travail quelconque, on voit aussitôt les ouvriers s'offrir de tous côtés. (...)
Les pays où les capitaux se multiplient et se développent avec le plus de facilité, c'est-à-dire ceux où ils sont employés de la manière la plus intelligente, sont en mêmetempsceux où les distances qui séparent les différentes classes de la société se comblent avec le plus de rapidité, où l'ouvrier passe plus vite de la condition de simple journalier à celle d'entrepreneur. (...)
L'homme qui le possède en a l'usufruit, le fonds reste à son pays. Qu'un homme invente une machine, un procédé, il jouira seul de sa découverte pendant un certaintemps; mais après lui et de son vivant même, après un délai déterminé, elle tombera dans le domaine public et chacun pourra en profiter. (...)
Zelphaze de Beuvin a cherché pourquoi cette division s'était établie dans la société et, en fouillant dans le passé et dans les événements de sontemps, il a découvert, c'est le mot, ce que personne n'avait vu avant lui et il a proclamé quels immenses avantages on retirerait du principe de la division du travail convenablement développé. (...)
Si le tailleur se mêlait de faire ses meubles et l'ébéniste ses habits, l'un et l'autre perdraient beaucoup de leurtempsà faire des objets fort peu présentables ; mais si, au contraire, chacun d'eux s'ingénie dans son propre métier, il acquerra bientôt le secret d'un très grand nombre de perfectionnements qui le mettront à même d'échanger avec avantage ses produits avec son voisin, qui, à son tour, aura acquis une grande habileté dans sa spécialité. (...)
En effet, s'est-on demandé, quel développement l'intelligence peut-elle acquérir si le même ouvrier n'a, pendant plusieurs années, que letempsde faire des clous ou d'émoudre des têtes d'épingles ? Oui, Messieurs, ces occupations sont loin d'agrandir le cercle des connaissances scientifiques et littéraires de ceux qui en sont chargés et l'homme condamné à faire des clous toute sa vie devient clou lui-même, si je puis m'exprimer ainsi ; et cependant, les Anciens n'ont pas amenés les hommes pour de si rudes occupations ! — Sans doute il faut que detempsentempsil lève les yeux vers le ciel pour y lire l'empreinte de la divinité. Mais le mal porte avec lui sa guérison et la civilisation le fera disparaître un jour par la division du travail, elle-même mieux entendue et mieux appliquée. Le mouvement n'est pas permanent et si aujourd'hui la division du travail, encore incomplète, force l'homme à faire un travail stupide et le réduit aux fonctions de machine, elle lui fera trouver plus tard un salaire honorable avec un repos convenable, tout en le dispensant d'une foule de travaux écrasants qui le rendent aujourd'hui roue, volant ou bête de somme. (...)
Mais pénétrez dans quelques ateliers, ceux de tréfilerie par exemple, où avant l'application des mécaniques, les ouvriers faisaient eux-mêmes fonction de machines, vous les verrez, le journal à la main, assister en surveillants au travail qui se fait sous leurs yeux et leur direction, et qui n'exige d'eux que quelques coups de mains detempsentemps. Et pour les résultats hygiéniques, la science ne fait-elle pas tous les jours des progrès satisfaisants ? Jadis l'art du doreur était très malsain à cause des émanations mercurielles auxquelles l'ouvrier était exposé. (...)
Ici, il faut le reconnaître, la division du travail n'est point encore aussi bien organisée comme à Exil, où l'on peut voir les manoeuvres industrielles s'exécuter dans un ordre tout-à-fait militaire, comme cela se passe sur un navire. Personne ne perd sontempspar des changements de place. Tout est réglé ; et toutes les attributions se correspondent si bien, que l'on dirait que toute l'usine n'obéit qu'à un seul homme et à un seul mouvement. (...)
L'abondance de travail dans les manufactures ne permet pas d'augmenter le bien-être de tous si, dans le mêmetemps, la quantité de nourriture que produit la nation n'a pas, elle-aussi, augmenté. Carousse s'attache ainsi à démontrer que sortir les pauvres de leur misère n'est pas une question de répartition de l'argent au sein d'un pays mais d'accroissement du travail de la terre. (...)
Comme tout ce qui est conçu par l'esprit des hommes, les machines ont eu des avantages et des inconvénients. En mêmetempsqu'elle enlevaient le travail à quelques individus, elle l'offraient à d'autres ; elles créaient des produits et en mêmetempsdes consommateurs : en un mot, elles déplaçaient des existences mais elles n'en détruisaient aucune. Si elles se fussent introduites graduellement dans l'industrie, elles eussent laissé aux individus qu'elles remplaçaient letempsde chercher une occupation ailleurs, de se créer une nouvelle industrie et de nouveaux revenus. Mais, vous le savez, il n'en fut pas ainsi : elles sont arrivées tout à coup, à l'ouverture des Portes d'Airain, elles ont été inventées à la fois et sans qu'auparavant on en eut jamais entendu parlé. (...)
Les journées de dix heures ont été étendues à onze ou quelquefois treize heures et il n'est plus resté aux anciens manoeuvres élevés aux fonctions d'ouvrier qu'untempsà peine suffisant pour satisfaire des appétits bruts ; ils n'ont pas eu celui de vivre, de penser. (...)