Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : pouvoir (129)(...) Aube Grise attire notre boeuf grâce à un vieux tour que sa mère lui a transmis, une chanson triste et sans fin chargée depouvoir. Brin d'Herbe m'aide à pousser, mais c'est encore un gamin et il peine plus que moi encore. C'est un travail d'autant plus éprouvant que cette année est mauvaise pour les récoltes : il y a eut trop de pluie, trop de semences noyées et trop de chaleur. (...)
Chaque année, après le jour le plus long de l'été, un Héraut du Seigneur des Hauts Vents nous visite, revêtu d'acier et armé de jade, porteur d'exigences, d'étrangeté et depouvoir. Chaque homme lui sacrifie une bête, et une part de sa récolte. Homme, bête et fourrage partent alors vers le trône du ciel. (...)
Nous sourions silencieusement. Flocon interrompt Pigeon d'un regard glacial. Pigeon Fou est le seul àpouvoirse permettre ce genre plaisanterie avec Regard Vif, mais il n'est pas intelligent de courroucer un homme dont on dit qu'il possède une ascendance divine. (...)
- Non, non, non ! Un prêtre est un médiateur entre les hommes et les dieux, un Exalté est le dépositaire dupouvoirdivin lui-même. Ceux qui naissent des amours divines entre les hommes et les mortels sont puissants, car ils héritent d'une partie dupouvoirde leurs parents, mais les Exaltés, eux, n'ont pas hérité d'un morceau depouvoirpar accident, les dieux le leurs ont donné, sciemment, entièrement ! Ce sont leurs champions tout puissants ! Rude hoche la tête, fronce les sourcils : - Pourquoi les dieux font-ils ça ? (...)
Nos capes claquent sous le vent, nos chevaux nerveux, hennissent, sentant la tempête tenue en laisse par lepouvoirde cette demeure que l'on sent plus vieille que la nation du vent ellemême. Les arbres bruissent lorsqu'un souffle de vent vient les caresser, telle la main invisible d'un géant. (...)
Les hommes qui l'accompagne sont deux fois plus larges qu'elle, leurs visages et leurs corps massifs invisibles sous leurs armures de mailles et leur regard froid occulté dans l'obscurité de leurs casques, armés de Hallebardes pourtant, il y a plus depouvoirdans un seul geste de cette femme que dans un régiment entier d'entre eux. Belle, mince, presque frêle, le regard distrait et triste, la crinière bleue, revêtue de blanc par dessus une armure d'argent étincelante, elle porte cette épée de jade aux proportions épiques. (...)
- Fout le camp ! Va au village ! La lumière qui émane de la Princesse Bleue n'est même pas son vraipouvoir, ce n'est qu'une émanation, un résidu, mais elle suffit à faire griller Boeuf comme un quartier de viande sur une pierre à cuire surchauffée. (...)
Un village, ce n'est pas grand-chose, mais Caillou et ses potes savaient qu'ils ne pourraient pas dominer la colère de leurs propres héritiers s'ils piétinaient les traditions qui les avaient mis eux-mêmes aupouvoir. Aussi, Caillou décida de laisser cours à la justice des armes. En un sens, c'était une plaisanterie bien entendu, mais c'était la tradition, même si ça ne changeait pas grand chose au final, car personne n'aurait parié sur moi : J'étais un gamin affamé et épuisé confronté à un éleveur bien fait qui avait plus d'une fois défendu son bétail contre les hors-la-loi locaux et les loups. (...)
C'est dangereux d'en parler pour un non-initié, dis-je. - Hakka est un Shaman, et vous êtes différent, dit-elle. Vous avez échappé aupouvoirdu Dieu des vents. Je reste silencieux un long instant. Je remarque Jaï nous observer d'un air mauvais et inquiet au loin. (...)
Une sueur froide me glace l‘échine. Hakka a été fou de me sauver. Je repense au regard du Héraut, aupouvoirde la Princesse Bleue, du Seigneur des Hauts Vents et du Trône d'orage. La panique manque de me submerger, puis je m'assieds au fond de la yourte, ferme les yeux, incapable de penser. (...)
- Je n'en attends pas moins, mais sachez que le Seigneur des Hauts Vents serait offensé de ne pas vous voir reconnaître sonpouvoirsur les cieux comme sur ces terres : Il ne demande que le dixième de vos troupeaux, cinq de vos hommes, cinq de vos femmes, et cinq de vos enfants. (...)
Je sens une chose plus massive que Création m'observer à travers ce regard, à la volonté indépendante du Héraut. Sonpouvoirdévore avidement l'air qui nous sépare, tentant d'arracher ma peau, de dévorer ma chair. Je hurle, couvre mon visage de mon bras. Je sens une nouvelle explosion depouvoiren moi, mais ma peau se liquéfie et coule par terre comme du lait. La peur plante ses crocs haineux dans mon âme qui répond d'une fureur indignée. (...)
Ses yeux éblouis s'écarquillent encore. J'entends un bruit de corde qui se tend derrière moi puis un claquement sec. Je m'agrippe aupouvoircomme un enfant à sa mère et le relâche comme sous les coups du Héraut. Je sens la flèche se briser sur mon dos et entend un cri de rage. (...)
Tonnerre de cris, pluie de flèches, éclair métallique, tout cela me tombe dessus. J'intercepte et dévie des flèches à main nue, deux m'atteignent, mais à chaque fois, le fleuve depouvoirjaillit pour les intercepter comme un chien dressé, et elles ricochent ou se brisent sur ma peau. (...)
L'impact, sourd et brutal, achève de me couper le souffle. La neige et la glace s'élève autour de moi, scintillante de l'éclat de monpouvoir, puis me retombe dessus lourdement. Puis ce sont les ténèbres et le silence. Il faut que je m'entende respirer pour me rendre compte que je suis en vie. (...)
J'ai toujours mal au bras, ma hanche reste douloureuse lorsque je tente de la bouger mais elle répond néanmoins. Mes autres membres répondent présent eux aussi. Il me faut encore faire appel aupouvoirpour me redresser et me dégager des énormes blocs de glaces qui menacent de m'écraser. Soudain, j'ai un choc : Mes vêtements sont en lambeau, je suis gelé, mais je n'ai pas une égratignure ! (...)
Je lève la tête, mais n'aperçoit que la pénombre bleutée de la voûte de glace au-dessus de moi, scintillante de lumière d'or dans une pénombre bleutée : beauté,pouvoiret terreur. Je me rappelle les paroles de mon père. Je me sens seul et perdu. L'air glacial plante ses griffes glacées dans mes poumons, m'empêchant de respirer. (...)
Je prends une inspiration puisant jusqu'au coeur du fleuve d'énergie qui coule en moi et lorsque j'expire, relâche lepouvoir, je le sens réchauffer mes muscles, apaiser la douleur, et m'animer d'une énergie étrange tandis que l'aura d'or se développe encore plus, s'anime. (...)
Je dois être différent, je continue depuis des heures. La lumière de mon aura s'étiole peu à peu, mais lepouvoirest toujours là, au fond de moi. Je le fais parfois jaillir sur mon front à travers le symbole du soleil pour m'éclairer, les parois réfléchissantes comme des miroirs amplifient la lumière et font reculer la pénombre bleutée. (...)
Au fur et à mesure que je descends, les deux parois s'élargissent encore, de plus en plus. Au bout d'un court moment je sens lepouvoirqui sature presque les lieux, canalisé par les courants froids, par la plaine et les vents, par la faille, il nourrit le mien, comme une source dont l'eau finit par nourrir l'océan qui semble se cacher au fond de moi. (...)
J'en entends un autre sauter par dessus nous deux pour me prendre à revers, et un autre sauter sur un bloc de glace situé 3 mètres plus haut. Je lâche une fraction de seconde le monstre avec lequel je lutte et j'agrippe lepouvoirpour le libérer dans le mouvement suivant. Ses griffes tentent de se refermer sur moi mais ne déchire que l'air froid, un bruit de craquement sinistre plus tard et mes mains ont fait pivoter sa tête à 180°, brisant sa nuque dans la foulée. (...)
Grognement de rage, ils semblent ignorer la peur. Je mets à profit cet instant pour agripper le fleuve depouvoirqui orbite autour de moi, me laisser emmener par lui pour retrouver les gestes anciens et implacables qui ont tué le gardes du Seigneur des Hauts Vents et le Héraut. (...)
Ce qui reste de son corps n'est pas encore retomber à terre lorsque je me penche en arrière pour infliger le même traitement au dernier qui tentait de m'attaquer de dos. Ils retombent avec un bruit sourd, leurs sangs se confondant avec la neige. Je souffle, lepouvoiren moi est solidement entamé. Un court instant passe pendant lequel je croispouvoirme reposer, mais j'ai tort. Le sol tremble tout entier, entre en éruption, des rugissements emplissent toute la faille et soudain une centaine d'entre eux jaillissent, enfanter par la neige, rugissant, m'encerclant, leurs yeux affamés et sanglants fixés sur moi. (...)
Combien en ai-je abattus ? Une trentaine, peut-être. En quelques minutes, c'est déjà incroyable mais le fleuve dupouvoirs'écoule plus rapidement qu'il ne se renouvelle, et à ce rythme, il sera complètement épuisé dans quelques instants. (...)
- Je m'appelle Lewellyn, je suis le maître des lieux, dit-il. Je bondis. Un autre de ces bonds démentiels. Je projette le peu depouvoirqui me reste dedans et je traverse les airs si vite que l'air hurle et siffle sur mon passage. (...)
J'atterris dans une explosion. Le choc est brutal, l'air s'expulse de mes poumons. Je perds mon souffle et le reste dupouvoir, le fleuve est tarit. La meute se jette sur moi l'instant d'après, je repousse les deux premiers, mais les autres s'abattent sur moi comme une avalanche, ils m'immobilisent. (...)
Il observe son reflet et le mien dans le mur de glace. Je cherche une faiblesse dans ses arguments, n'en trouve pas. Lepouvoirrevient, je le sens mais trop lentement. Il me paraît sympathique, étrange. J'éprouve une étrange pitié. (...)
- Y a-t-il une chose qui ne soit toi dans cet endroit ? - Non, et voila ma tragédie... tu ne supportais pas un simple reflet de ton âme, imagine de ne paspouvoiry échapper pendant huit cents ans.... vraiment mon ami, c'est moi qui m'en excuse, c'est un supplice que je ne connais que trop bien, et que je m'en veux de t'avoir infligé ! (...)
Cette part de moi est dans ce lieu plus à son aise que ma raison. Je me sens fou et malheureux alors je ferme les yeux et tente de ressentir lepouvoirqui gravite au-dedans et autour de moi. Puis tout s'apaise. - Excusez-moi, dit-elle, je ne voulais pas vous blesser. (...)
Mais quelque chose bouge en moi, plus sauvage et indompté que le désir qui m'anime et qui me fait jeter un voile depouvoirsur mon esprit, me fait lever la main entre elle et moi. - Pardonne-moi, dis-je. Visitons les lieux. (...)
Toi et les gens de ton village, n'avez vous pas conclu une alliance avec le Maître des vents et sa fille, la Princesse Bleue pour vous protéger de moi ? Je reste silencieux. Je guette le fleuve depouvoirrevenus en moi, et m'apprête à le relâcher dans une attaque fulgurante, mais ces créatures.. (...)
Ceux qui vous protégeaient vous ont détruit et voilà que ton ennemi t'a sauvé et t'accueille les bras grands ouverts ! La colère me fait frapper instinctivement dans un mur, relâchant lepouvoirun bref instant. Une mosaïque de fissure explose aussitôt. Lewellyn se tait soudain, Aewyll recule un instant. (...)
Il continue de parler et moi d'écouter sans avoir trop l'air de me sentir mal à l'aise dans mes vêtements hors de prix. « Nous sommes immortels, toi et moi, la partie de ton âme qui possède tonpouvoirest impérissable, et aucun de nous n'a jamais réussi à dévorer réellement une Exaltation. » Un grognement interrogatif rampe hors de ma bouche. (...)
Il comprend la question de son intuition aiguisée comme une guillotine neuve. « Oui, une Exaltation, c'est à la fois le nom de la part de l'âme qui transporte tonpouvoir, et de la transformation qui te permet d'être ce que tu es aujourd'hui. Elle est inaltérable, indestructible et donnée par le Soleil, qui nous éblouit de sa lumière chaque fois que tonpouvoirse manifeste massivement, au travers de l'Essence. » - L'Essence ? - L'Essence, reprend-t-il. (...)
Nous avions tenté de le détruire autour de nous, et maintenant, nous le découvrions en nous. Le temps de réagir, l'impératrice écarlate utilisa unpouvoirsans fin pour détruire nos armées et les survivants rampèrent honteusement vers les confins du monde. (...)
mais pas comme un chien errant trempé de la banalité du monde, je veux revenir comme un roi, comme un dieu, habillé de gloire et depouvoir, pour leur prouver qu'ils avaient tort ! Pour leur prouver que j'avais raison ! Et détruire ce monde de forme et de raison infecte qui nous a fait tout perdre à toi et à moi ! (...)
Les paroles de Lewellyn dansent dans mon esprit, des paroles démentes mais qui possèdent un sens, et j'ignore si c'est parce qu'elles en ont effectivement un ou si c'est parce que je deviens fou, mais toute mon âme me hurle de sortir d'ici, de me dépêtrer de ce piège de beauté et de folie. Je tente d'être discret. J'essaie de relâcher le fleuve depouvoirdans mes gestes comme lorsque je me bats, mais rien ne vient, et mes pas me donnent l'impression d'être assourdissants sur le sol de glace bleue, translucide et ornementée. (...)
Je pose la main dessus et sens une présence de l'autre côté du froid. Je retiens mon souffle. Je dois passer. Je veux passer. Lepouvoirse rue dans mon poing lorsque j'arme le coup et se répand dans le mur à la vitesse de la pensée. (...)
- Comment pourrait-t-il régner... ? - Parce que toi, tu en es capable, dit-elle, parce que tu as lepouvoirréel, et lui n'à que l'illusion. J'éprouve un soudain mal de tête. - Je ne comprends pas... - Tu veux savoir ? (...)
Je frotte la glace et rencontre un regard de terreur pure, figé dans la glace. Je recule, trébuche sur mon séant et m'éloigne sanspouvoirquitté ce regard, cet homme des yeux. Chien Enragé. En reculant, mon dos heurte un autre bloc, la neige qui le recouvre s'effrite et tombe, je reconnais l'homme dans celui-là aussi : l'un garde du Maître des Hauts Vents. (...)
- Si tu fais ça, elle ne te pardonnera peut-être pas, et lui le saura. - Tu me connais, dis-je, alors que lepouvoirs'accroît et se rue dans mes muscles, « je n'écoute pas. » Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose. (...)
Je frappe, lâchant un flot d'essence dans le geste, et c'est comme un fleuve qui rompt subitement un barrage. Je pulvérise la glace de verre, et un éclair formidable vient me heurter aussitôt. Par réflexe, lepouvoirs'interpose entre moi et l'impact, pour le mieux : je suis projeté à une dizaine de mètres de là, comme un fétu de paille. (...)
Son regard croise le mien, un regard de froide détermination mêlée de surprise. - J'avais une dette, dis-je. Laisse-nous partir. - Je t'offre lepouvoir! Je t'offre d'être libéré du destin ! - Le vraipouvoir, dis-je, c'est de forger son destin. Lewellyn reste soudain coi, du coin de l'oeil. J'aperçois Aewyll en train de se tapir derrière un des blocs de glace avec la même grâce prudente qu'Aube Grise lorsqu'elle était petite fille. (...)
Ce que je heurte est plus solide qu'un mur de pierre, plus froid que tous mes hivers réunis. Je libère le flot depouvoirsans retenue, je la traverse comme un éclair fend le tronc d'un arbre. Je sens l'haleine glacée du serpent tout proche et frappe à l'aveuglette. (...)
Les fauves les plus proches explosent sous le choc, les suivants grillent littéralement, et les autres sont éparpillés en arrières comme autant de feuilles mortes balayées par le vent. La Princesse Bleue se porte à mes cotés, les runes de jades bleus ont blanchies, contenant lepouvoirde l'éclair qu'elles semblent contenir. Sa voix est ferme, légèrement troublée. - Sortons d'ici. (...)
Devant moi, Lewellyn se lève, fait un geste de la main, et son gigantesque serpent glisse, pivote avec la puissante d'une tornade, sa queue balaie l'air vers moi et me percute. Le choc tuerait un boeuf et l'enverrais par delà l'horizon, un influx depouvoir, et il ne m'égratigne même pas mais l'impact me repousse en arrière, et mes pieds laissent deux larges sillons dans le sol alors que je m'échine à de rester debout. (...)
Son ton est tout sauf romantique et mon instinct surmonte ma surprise. Je tends la main, elle la prend, et je sens un autre fleuve depouvoirse ruer en moi, et venir augmenter mes forces, comme une tempête abreuvant mes poings de sa force. (...)
J'ai à peine le temps de l'observer que le serpent revient à la charge. Sa gueule se fait béante, elle me goberait d'un seul coup si le fleuve depouvoiret du tonnerre ne m'animais pas et ne m'aidais pas à empêcher sa gueule de se fermer En un éclair, la Princesse Bleue bondit, non vole plutôt, et se pose sur la tête de la bête, son épée vient la frapper entre ses deux yeux, faisant voler des éclats d'écailles de glaces et neiges blanche. (...)
La princesse en profite pour coincer la gueule du monstre en plantant son arme à travers sa mâchoire. J'arme un coup de poing dans lequel je mets tout monpouvoir. Les yeux de la bête sont froids, mais brillent tels des soleils jumeaux lorsqu'ils reflètent l'éclat de lumière qui émane de moi. Je retombe, lepouvoiret la gravité font bon ménage : la tête de la bête explose en un millions de fragments blancs translucides qui retombent dans un scintillement de lumière et un fracas de verre brisé sans fin. (...)
La Princesse Bleue ! Le froid est polaire, je sens mes membres qui s'engourdissent, j'y envoie une coulée depouvoir, et malgré la température, je remonte vers ce qui ressemble à la surface. Quand je l'atteints, je suis gelé mais vivant. (...)
Du coin de l'oeil, j'aperçois la Princesse Bleue sortir de l'eau, puis s'abattre sur le rocher, frigorifiée. Ma peau est gelée, mais lepouvoirme préserve, mais la Princesse Bleue, elle, tremble comme une feuille dans son armure : elle va mourir de froid, de l'autre coté de la berge. (...)
J'atterris près d'elle, l'humidité rend le rocher glissant et mon équilibre précaire, mais peu importe : lepouvoirest encore assez puissant en moi pour permettre à mes doigts d'avoir assez de force pour y creuser des sillons dans la roche auquel me retenir, mais l'eau continue à monter, la glace fond sur les parois. (...)
Le frottement de sa peau pâle contre la mienne ressemble à une promesse de paradis, mais la morsure électrique de son aura et le souvenir du destin de Boeuf Assoiffé coupent largement mes allants. Malgré la douleur, monpouvoirme préserve des effets ravageurs du sien. Je la frictionne, la réchauffe, nous restons ainsi plusieurs heures, et malgré la froide humidité, elle se réveille, et ses dents qui claquent me font penser aux piverts creusant leurs nids dans les arbres au printemps. (...)
Elle se met à rire, en se roulant par terre en battant des pieds, avec la même innocence qu'une enfant ou qu'une bête. Le spectacle est à la fois lascif, attendrissant, et troublant. Je tiens lepouvoircomme une dague sous ma main, prêt à le lui enfoncer dans la gorge à coup de poing. Aewyll se redresse d'un bond félin, sans ses mains, et crie de douleur comme une petite fille dont on vient de pincer l'oreille. (...)
- Non, dit-elle avec le même sourire doux et puissant de la Princesse Bleue, nous sommes toujours à la limite du monde, j'ai toujours dupouvoir. Elle se laisse tomber à genoux, saisit son bras comme un chiot nouveau né puis expire : son souffle devient une chair pâle et immaculée qui s'incorpore à son bras. (...)
J'essaie d'ignorer les implications de leurs bavardages tandis que la Princesse Bleue remet son armure et que je remets mes vêtements, puis je réalise quelque chose en la regardant. - Vous allezpouvoirgrimper avec ça ? - Ne t'en fais pas pour moi, dit-elle, assurée. Je ne m'en fais plus pour elle. (...)
C'est Aewyll, la voix de Brume et l'intonation d'Aube Grise. - Je crois. J'ai récupéré du combat pendant que je me reposais, lepouvoirs'est à nouveau lentement accru en moi. La Princesse Bleue récupère son épée et la range dans son fourreau qu'elle met dans son dos, se tourne vers moi. (...)
Elle s'approche et grimpe sur mon dos comme une enfant, son visage reflète mon propre sourire intérieur. Je me renfrogne, troublé. - Allons-y. Je grimpe, les doigts de mon corps alimenté depouvoirne ressentent pas le poids d'Aewyll, légère comme une plume. Cependant, par ma seule force, je me surprends àpouvoirme retenir de deux doigts sur des morceaux de roche froide et glissante, et je grimpe sans problème. Je me retourne pour regarder vers la Princesse Bleue pour savoir comment elle s'en tire, lorsqu'un courant d'air me frôle le dos et la nuque. (...)
Je me tords le cou pour croiser son regard. Je sens l'amusement dans sa voix, et le défi. Je m'appuie sur mes mains, je relâche lepouvoiret saute : Un bond sec, sans élan, qui me propulse une bonne dizaine de mètres plus haut sans effort. (...)
Je jure comme un charretier, la panique afflue, je patine sur le mur, m'accroche désespérément avec mes pieds et mes mains, y expédie lepouvoirà grand flot qui jaillit autour de moi dans une explosion de lumière. Je sens la roche céder sous mes doigts et mes pieds comme du beurre, mais la gravité fait son office et je laisse des traces de mes pieds et mes mains sur trois mètres avant de m'arrêter. (...)
- Recommence, me souffle-t-elle, et sa voix, celle de la Princesse Bleue, est douce comme un secret de harem. Je reprend mon souffle, lepouvoirvibre encore en moi, ricoche sans fin : Je saute à nouveau vers le haut, mais lorsque mon bond perd de sa puissance et que je ralentis, je me retiens de mes deux pieds sur un bout de roche irrégulier qui émerge de la paroi, et d'une poussée, me jette vers la paroi voisine, j'accomplis une culbute dans les airs sans difficulté, malgré Aewyll toujours dans mon dos, et me réceptionne sur mes deux pieds, creusant un petit cratère dans le mur lors de l'impact. (...)
Elle presse son corps sculptural d'un froid brûlant contre le mien, semblant me faire confiance aveuglément. Elle semble tout connaître dupouvoir, mais dispense son savoir d'une façon étrange, entièrement poétique, et incapable de l'exprimer clairement. (...)
- Autrement dit ? - Trouve la voie, c'est une histoire qui n'a pas de sens, mais c'est aussi la tienne et tu as lepouvoirde lui en donner. Je reste coi un moment. Ses paroles sont des diamants qu'elle me fait avaler avec la douceur d'un été de tendresse, je les goutte, mais suis incapable de leurs donner un sens. (...)
Lorsque je me hisse sur son « balcon », j'aperçois ses dents, jolies, très blanche. - Alors, tu as mis du temps à te mouvoir comme ça ? - Non, dit-elle. C'est lepouvoirélémentaire inscrit dans mon anima. - Ton quoi ? Elle m'aide à me hisser en me tendant la main, puis son regard se fixe vers la sortie. - Mon anima, dit-elle. Quand l'essence, lepouvoirse déverse à flot, il évoque des formes fantasmatiques, tu ne les as pas vues ? - Oui, dis-je en songeant au Taureau ailé. (...)
- Eh bien, c'est la bannière de ton anima, un peu comme si l'essence révélait ton âme véritable. Je grogne. - Et ton... Anima, à dupouvoir? Je croise son regard, j'y lis de l'amusement. Elle sourit, prend de l'élan, son aura, son anima se déploie dans un souffle de vent, et elle s'envole une bonne vingtaine de mètre plus haut, presque à la sortie de la faille, atterrissant sur un rocher avec la grâce d'une plume. (...)
dit-elle. - Pourquoi suis-je nu et pas toi ? Ma voix sonne comme celle d'un adolescent frustré. - C'est monpouvoir, dit-elle, mon rêve, et il me supporte autant que je le supporte, toi, tu portes les rêves d'élégance d'autrui, des rêves de mortels, mais les rêves ne survivent pas longtemps dans ce monde. (...)
Je m'habille, puis me mets en route. Aewyll et la Princesse Bleue me suivent. - Comment fais-tu, pour faire passer l'essence, lepouvoir? - Le don des Dragons, l'entraînement, et toi ? - Moi ?...L'instinct, dis-je, et des souvenirs plus vieux que moi, gravé dans mon âme. (...)
Il a déjà tué un de mes frères pour la simple raison qu'il lui avait désobéit, et mon frère avait lepouvoirdepuis plus longtemps que tu ne le possède, alors toi... - Je ne mourrais pas. - Je ne veux pas avoir à choisir mon camp, Ciel noir. - Tu n'auras pas à le faire. Dis-je. Je me retourne. Mon poing et lepouvoirjaillissent de concert. Mon coup est un vieux truc vicieux pour calmer les étrangers rendus fou par les hurlements du vent, un vieux truc pour se débarrasser des amis, des parents encombrants, qui vient la cueillir dans l'estomac. (...)
Cette dernière a le regard de Brume et le sourire tranquille de la Princesse Bleue. Je m'approche d'elle, laisse à nouveau lepouvoirs'écouler dans mon corps pour m‘en faire une armure intérieure. - On dit que le Beau Peuple ne rompt jamais une promesse. (...)
La cape de la Princesse Bleue, qui me sert d'unique vêtement, flotte sous l'effet du vent qui pousse un hurlement sans fin que je me surprends à apprécier. La plaine me manquait. Je puise dans lepouvoirparcimonieusement pour éviter que mon anima ne se manifeste, pour résister à la faim et au froid. (...)
Il y a un tintement métallique lorsque l'une d'elles détache la laisse de son chien, puis le grondement rageur lorsque je l'entends se jeter sur moi. Je prends une inspiration, saisis lepouvoiret bondis sur la tranche supérieure de la porte d'une maison devant moi dont le propriétaire est en train de sortir, arme au poing, et rebondis vers le toit de la maison d'en face avec l'aisance d'une plume poussée par le vent. (...)
Je cours sur le toit, saute à nouveau au milieu des cris, et j'atteins le chemin de ronde lorsque l'un des gardes me décoche une flèche de son arc court, j'esquive le projectile en baissant simplement la tête, plus par réflexe qu'autre chose, oubliant bêtement lepouvoir. Le bond suivant me conduit sur la pente de la colline que je dévale debout dans un nuage de poussière. (...)
Trois chiens s'approchent à toute vitesse parmi les plants, grognant et aboyant et rugissant. Je souris lorsque je lâche lepouvoirpour retrouver les gestes qui m'ont permis de vaincre le Héraut. Lorsque les chiens m'atteignent, tout ce que les sentinelles voient et entendent, c'est quelques remous dans le champ, une série de grognements et d'aboiements suivis de jappements plaintifs et d'impacts sourds, et l'instant d'après, une pauvre bête qui sort du champ, revenant vers eux en clopinant et jappant douloureusement. (...)
Je me couvre de la cape de la Princesse Bleue pour dormir la nuit, une merveille qui semble imperméable à l'humidité et qui me fait faire l'économie de monpouvoirpendant le jour. Lors d'une journée grise et brumeuse, je passe non loin d'un buisson blanc, qui annonce la proximité de la faille. (...)
Un cliquetis glacial s'insinue dans mon sommeil et me réveille. Je sens une chose toute proche, froide et bestiale. Je laisse mon instinct et lepouvoirparler. Sans voir vers où, je tends la main dans la direction du bruit, attrape une patte engoncée dans une chitine bleuâtre et la ramène vers moi brutalement. (...)
La bête s'agite et se dégage du sol, mon poing gauche est froid mais indemne. La bête cherche à s'enfuir et recule, à moitié sonnée. Je saisis lepouvoirà pleines mains, le laisse couler en moi et rattrape la bête, trop sonnée pour être réellement rapide. (...)
J'ai rapidement l'impression que deux hommes infatigables me tire désespérément vers l'arrière, puis qu'ils reçoivent rapidement du renfort. Je continue obstinément, mais l'effort devient si épuisant que je décide de puiser dans lepouvoir, y cherchant la source de cette force durable et incroyable que j'y ai déjà trouvé avant. A nouveau, pour un temps, je progresse plus ou moins normalement, même si parfois les branches d'arbustes emportées atteignent une telle vitesse que certaines manquent de m'éborgner ou de se planter dans ma chair telles de véritables flèches. Je grogne, revêt lepouvoircomme une armure et continue. Le vent ne m'arrête pas, mais il me ralentit considérablement, et je comprends instinctivement que le Seigneur des Hauts Vents tente de m'épuiser avant de me cueillir comme une pâquerette. (...)
Je parviens à rester conscient, je ne sais pas combien de temps ça dure, je sais juste qu'à un moment, le vent se calme, et que la chute commence. Je me concentre et relâche lepouvoirau moment de l'impact, et il arrive tard, très tard. Je tombe de si haut que ma chute creuse un petit cratère dans le sol, le rugissement de l'impact m'assourdit, et la main du dieu fou s'abat sur moi, je suis aveuglé un instant mais je ne panique pas. (...)
L'herbe et le sol ont entièrement disparut sous la terre et la poussière, moi-même je manque d'être enterré plus d'une fois par la poussière. Mais le fleuve dupouvoirest là, et je m'y accroche obstinément, sans faillir, et j'apprends que lepouvoirne me faillit pas tant que ma volonté n'échoue pas elle-même. Mon anima brille presque en permanence, mais il me reste encore des réserves depouvoirqui se reconstitue lorsque je prends le temps de me reposer. Dans l'après-midi, je me remets en route après ma dixième chute, les nuées soufflent toujours lorsque le messager ailé réapparaît dans un éclat de lumière qui traverse le nuage de poussière qu'est devenu l'univers. (...)
Les impacts de la faille sont de petits divertissements en comparaison de celui-ci. Je ne sens même pas le choc. Je précipite monpouvoirà la rencontre de l'impact, et je suis sans dommage lorsque l'essentiel de l'attaque est passée, mais c'est très juste. (...)
Néanmoins, je suis assourdi, désorienté, et je reste un bon moment assis dans l'abri relatif de mon cratère, pour me ressaisir avant de reprendre mon chemin. Je sens lepouvoirdu Seigneur des Haut Vent dans chacune des agressions rageuses des courants aériens, sa fureur imprègne chaque brise, chaque bourrasque. C'est le mêmepouvoirdont il s'est servit pour éradiquer mon village. La plaine autour de moi ressemble à s'y méprendre aux alentours ravagé de ce qui fut chez moi : un désert, une gigantesque carrière, non, une petite vallée sinistre. S'il ce n'est lepouvoir, je finirais, broyé, aplatis, déchiré, éparpiller par les forces telluriques démentielle qu'il déploie contre moi. (...)
Je finis par comprendre que le Seigneur des Hauts Vents à besoins de temps pour m'attaquer de toute sa puissance, un temps que je met a profit pour reconstituer mes réserves depouvoir, au bout de sa troisième attaque, lors de la chute vertigineuse qui la suit immanquablement, je fini par apprendre que je peux diriger plus ou moins ma chute en m'inclinant de gauche à droite et d'avant en arrière, et je comprend qu'il ne pourra pas me vaincre par ce moyen là non plus. (...)
L'air est empli de poussière, de colère et de fureur. A l'affût de l'attaque suivante, j'hésite à m'endormir, lepouvoirme soutient aisément, et je sens que je pourrais marcher encore deux bonnes journées avant de m'effondrer, mais je n'ai pas encore rencontré le Seigneur des Hauts Vents en personne. (...)
Je réfléchis un instant : mourir noyé n'est pas une option. J'ai dormi, le sommeil a accéléré la régénération de monpouvoir. Je le rassemble pour le faire se fondre dans les muscles, prend une inspiration, et soulève le rocher à bout de bras pour me protéger de la grêle mortelle. (...)
Je le suis du regard et le regrette aussitôt, le dragon disparaît dans les cieux, le monde entier devient étrangement noir et blanc et puis ce n'est plus qu'une grande explosion lumineuse suivie d'un grondement assourdissant. Par réflexe, je m'accroche aupouvoirdésespérément. Brûlure fulgurante de l'éclair, impact, tout y est. Je suis à nouveau projeté, dans les airs. (...)
Je bondis en avant, les éclairs continuent à pleuvoir autour de moi. Je fonce vers le Trône, certains éclairs me foudroient, lepouvoirréduit leurs impacts à une sensation de brûlure vive et furtive. Je ne m'arrête pas. Je cours au milieu de l'odeur d'ozone étrange qui sature la zone, de la poussière brûlante soulevée et projetée en tout sens par les impacts des éclairs sur les rares troncs d'arbres encore debout. (...)
Je reste concentré sur le balcon de l'enceinte du donjon... ... Que je manque ! L'énergie cinétique se dissipe, lepouvoirme projetant dans le bond avec elle. Je retombe au delà de la muraille, devant le donjon central, dans une cour à moitié noyée par la pluie. (...)
Quelques coups de poing bien placé les éparpillent comme des feuilles mortes balayées par le vent. Je ne dois pas rester là. Les émanations d'essence de monpouvoirfait briller mon anima, et la pluie de lumière solaire se mêle au déluge qui continue à tomber, se réverbérant en une infinie série de minuscules arcs-en-ciel qui ricochent d'une goutte de pluie à l'autre. (...)
Cette dernière est tentante, mais trop évidente. Je ne vois pas trop ce qui pourrait m'arrêter à part le manque depouvoir, mais justement je veux en économiser le plus possible pour le Seigneur des Hauts Vents, aussi je choisis la discrétion. (...)
Je me redresse une fraction de seconde, juste à temps pour bloquer deux flèches d'un coup de poing, l'un des gardes est trop nerveux et tire à côté. Ils réarment en un éclair, mais le temps de ce faire, je ranime l'armure depouvoir. La seconde volée m'atteint toute entière, mais ricoche sans me causer plus de dégâts qu'autant de piqûres de moustiques. (...)
Mes yeux s'écarquillent. Il comprend intuitivement mes pensées et sourit avant de fermer la porte. Mon armure depouvoirme protège des impacts mais pas forcément de l'étouffement, et si le feu ne vient pas à bout de moi, la chaleur et l'asphyxie termineront peut-être le boulot. (...)
Je suis tant recouvert d'huile que je me transforme en torche, et si le feu rougit à peine ma peau, sa morsure est douloureuse, brûlante et sans fin. Je tousse, je brûle, je crie de rage et de douleur, monpouvoirse retourne contre moi, transforme cet instant en une agonie sans fin, et j'en suis à me demander ce qui me tuera le premier, le feu ou le manque d'air, lorsque je m'aperçois que l'huile, à force de se consumer, perd de sa capacité de glissement. (...)
Sans réfléchir, je me redresse et bondit à une vitesse démentielle vers la porte du fond libérant tout lepouvoirpossible dans une explosion de lumière humiliant celle de mon petit enfer personnel. C'est une porte de bois en chêne, épaisse de dix bon centimètre et renforcée d'une armature métallique : lorsque je libère lepouvoirà l'impact, elle explose comme du verre, projetant un millier d'échardes de bois et d'acier sur les gardes qui attendent ma mort dans le couloir. L'un d'eux se tenait directement derrière la porte, l'oreille collée au bois, à l'affût, ses restes sanglants arrosent ses camarades, les autres sont projetés par l'onde de choc au sol. (...)
Je parcours des couloirs luxueux, tout de marbre blanc étrangement lumineux, jalonnés d'alcôves qu'habitent des statues de bronzes représentant des hommes, des femmes, ainsi que d'autre choses plus étranges, agrémenté, de jade bleu, le tout saturé d'essence, depouvoirqui converge vers le coeur du Trône d'orage. A chaque pas, la chose qui me dévore les tripes s'anime, hurle silencieusement comme un fauve étrange, lorsque je contemple le luxe de cette habitation, et que je pense aux vies misérables, emplies d'amertumes et de vicissitudes que nous avons menées ma famille, mon village et moi. (...)
Mais je ne compte pas jouer selon ses règles. Mon regard parcours le croisement baigné de lumière devant moi : luxe, jade et lepouvoir, invisible, saturant les lieux, mais enfermé dans le jade, aussi inaccessible pour moi que le soleil et la lune. (...)
Je bondis, m'accroche d'une main au rebord intérieur de la baie vitrée et de l'autre, ouvre la fenêtre géante. Lepouvoircourt toujours dans mon corps et je dois faire très attention pour ne pas démolir la vitre malgré moi tandis que les bruits de pas se rapprochent rapidement. (...)
Deux gardes ahuris, en haubert et armés de haches m'observent avec de grands yeux. L'un d'eux ouvre la bouche, mais il n'a pas le temps de faire beaucoup plus. Lepouvoircoule dans mes veines et leur sang peu après. J'embrasse le décor d'un regard et j'ai le souffle coupé : je ne suis jamais monté sur un bâtiment d'une telle hauteur. (...)
Ses yeux deviennent une des tigres de foudres, qui courent et bondissent sur ses avants bras tendu vers moi, se précipitant sur moi dans un craquement assourdissant. J'envoie lepouvoirdans mon corps, à la rencontre de leurs crocs et de leurs griffes. Impact. L'univers devient blanc et lumineux, empli d'une odeur étrange. (...)
Je retombe sur le sol en avant, tel un animal, des étincelles parcourant encore mon corps, et je retrouve tout l'arsenal de gestes meurtriers renfermés par lepouvoir. C'est une bonne chose. Les gardes se remettent de leurs surprises. Ils forment un mur d'acier et de chair entre lui et moi. (...)
Le rire du Seigneur des Hauts Vents est une chose claire et froide comme un matin d'hiver, il retentit triomphalement. Je rugis et lepouvoiravec moi dans une explosion de lumière. Je fonds sur le chef des gardes, mon coude rencontre une glotte qui se brise dans un bruit sec et étranglé. (...)
En plein milieu du combat, une escouade de gardes surgit pour m'assaillir, comme une meute de chien de chasse pour la curée, convaincus depouvoiravoir ma peau. Je me défoule sur eux. Les moins chanceux retapissent les murs, les autres s'enfuient, ventre à terre. (...)
Il attaque si vite que je perds le fil du combat, apparaissant et disparaissant, je donne des coups au hasard, je ne le vois plus, ma réserve depouvoirs'étiole... Je suis perdu. Soudain, quelque chose percute ma colonne vertébrale, la cisaille presque, mes jambes se dérobent sous moi et je me retrouve étendu par terre. (...)
Des bruits de pas qui glissent rapidement sur le sol atteignent mes oreilles, un autre bruit plus meurtrier suit. Je me raccroche aupouvoircomme un enfant a sa mère et ferme les yeux. Deux morsures de serpents viennent se faire sentir, mais je suis indemne. (...)
Je regarde autour de moi rapidement, l'air bouge tout près de moi. Je lui expédie un pied accompagné d'un torrent depouvoir. La puissance du coup soulève toute la poussière des lieux. En vain. Puis l'acier vient mordre dans mon ventre et la souffrance explose rageusement. (...)
- Tu t'es vengé, tu as pris ma fille, le reste ne te concerne pas, et tu ne le sauras jamais. Le coup, empli d'essence, depouvoir, s'abat sur moi. Je ne pare pas le coup. Je rassemble tout ce qui me reste d'énergie mystique, et lepouvoirdu soleil emplis mon corps comme une explosion aveuglante, et le coup rebondit sur ma poitrine. Maintenant ! (...)
Le Seigneur des Hauts Vents est un homme dans la quarantaine, beau, le regard bleu et glacé, la peau pâle, le visage orné d'un bouc, maintenant ensanglanté. Il ouvre la bouche, pour parler crois-je. Il me crache au visage, je sens lepouvoiret j'évite le coup. J'entends la dent siffler derrière moi et s'écraser dans le plafond. Je frappe à nouveau son visage, écrase son nez qui ruisselle aussitôt. (...)
- Pourquoi ? Il lâche un râle de douleur. Je crois l'entendre dire « stop » ou « arrête. » d'une voix emplie depouvoir, de douleur et de sang. Je l'ignore. Je pleure comme un enfant. - DIS MOI POURQUOI ? Il ne dit rien, il sourit, vaguement. (...)
Je regarde le gâchis autour de moi : le lupanar en ruine dans lequel j'ai atterrit, les femmes terrorisées, le vent soufflant à travers les murs et lepouvoirdu lieu, brisé comme l'aile d'un oiseau. Je secoue la tête, saisis le corps du Seigneur des hauts- vents. (...)
Les anciens, Flocons Amer et Pigeon Fou, disaient que lorsque le Beau Peuple a envahi le monde, les collines ont été submergées il y a longtemps par l'océan du chaos, qu'elles avaient changées sous son influence et étaient devenues d'immenses os vivants, et que lorsque le chaos se retirât devant lepouvoirde l'impératrice écarlate, les os moururent, et se fossilisèrent en ces énormes collines de roches. (...)
Violer le sanctuaire d'un Shaman est un tabou, mais j'en ai tellement violé depuis ces derniers temps que je m'en rappelle uniquement lorsque je suis à l'intérieur et qu'une ombre se précipite sur moi en hurlant, brandissant une épée de fer froid. Regard Vif. Je n'ai même pas besoin dupouvoir. Je saisis le poignet de son bras d'arme et bloque son coup. Je lui envoie un coup de genou dans le foie et le repousse violemment contre le mur garni de gravures. (...)
Je franchis les collines grises et du sommet de ces dernières, je perçois une odeur humide portée par les vents venus du fond des mers, là où ils vont et viennent à leur guise, libres dupouvoirdu Seigneur des Hauts Vents et portés par leurs seules volontés. Dans le ciel, le soleil brille, puissant, majestueux. J'ignore toujours pourquoi il m'a choisi, mais il m'a donné lepouvoiret je m'en servirai pour retrouver ceux que j'ai aimés. On dit qu'aucun homme ne peut vivre dans le pays des morts, mais on dit aussi que les morts marchent dans leurs ombres éternelles. (...)